Réforme des retraites : même ces plongeurs du CNRS sont mobilisés

Pour protester contre la réforme des retraites, les plongeurs de la Station biologique de Roscoff, employés par le CNRS et Sorbonne université, ont déployé un drapeau sous l’eau.
Pour protester contre la réforme des retraites, les plongeurs de la Station biologique de Roscoff, employés par le CNRS et Sorbonne université, ont déployé un drapeau sous l’eau.

RÉFORME DES RETRAITES - Même à 26 mètres sous la mer, l’opposition ne lâche rien. Alors que les organisations syndicales et une partie du monde politique continuent à lutter contre le projet de réforme des retraites, et ce malgré l’adoption du texte au Parlement grâce au 49.3, une photo circule beaucoup ces derniers jours. Et pour cause : elle détonne. Le drapeau rouge de la CGT que l’on y voit ne flotte pas au vent, mais loin sous la surface de la Manche.

« Vous tombez bien, je reviens tout juste de la manif’ », répond d’emblée au HuffPost Wilfried Thomas, l’auteur de la fameuse photographie. À 50 ans, l’homme est plongeur scientifique « classe 2B » pour le CNRS et Sorbonne université, au sein d’une équipe basée à la Station biologique de Roscoff, lieu historique de la recherche en biologie marine.

Jusqu’à 150 sorties sous-marines annuelles par plongeur

Cela signifie que tout au long de l’année, Wilfried Thomas et ses collègues plongent dans la baie de Morlaix et plus largement sur la côte bretonne. Au programme, la prise de photos pour répondre aux demandes « des scientifiques, des étudiants, des laboratoires… », mais surtout le triptyque « récolte, observation, recherche ». Il explique : « On récolte des algues un peu partout en Bretagne, on fait de l’entretien de matériel sous l’eau, par exemple des capteurs de température ou de PH, des courantomètres… Et pour ce qui est la recherche, on fait des suivis notamment sur les algues, sur des espèces introduites. »

Au total, son équipe fait 250 sorties sous-marines par an, soit entre 120 et 150 pour chacun des trois membres qui la composent.

En l’occurrence, le jour où Wilfried Thomas a pris la photo, son équipe devait récolter des algues au large de Morlaix et en photographier en vue d’observations scientifiques. « C’est un collègue syndiqué sur la photo, le responsable du service photo de la Station. Comme on avait une demande de sortie plongée ce jour-là, on s’est dit qu’on allait prendre le drapeau et l’afficher sous l’eau. » Avec un objectif : « Monter que pour nous, cette réforme, ça va être compliqué… »

Un travail pénible et quatre ans de rab

Car le quotidien d’un plongeur est loin d’être de tout repos. « On est embauchés sur le profil de techniciens des milieux naturels et ruraux, mais sur notre fiche de poste, c’est bien écrit plongeur sous-marin », précise-t-il au HuffPost. « Nous, on est une équipe de trois plongeurs, et on ne fait que ça : plonger et piloter des embarcations légères. » Or avec 19 ans de boutique et en ayant atteint la cinquantaine, Wilfried Thomas sent bien que « ça commence à être plus compliqué physiquement de suivre la cadence », surtout quand il faut « bosser avec des perforateurs ou porters des trucs lourds » lors de plongées.

En l’occurrence, la réforme des retraites lui est particulièrement défavorable. « Quand il y avait le compte pénibilité, le fait de plonger permettait de le remplir et j’aurais pu partir deux ans avant, à 60 ans », détaille le plongeur. « Là, avec la mention ’sédentaire’ sur mon poste, je n’aurai plus rien niveau pénibilité, et en plus on me rajoute deux ans. Donc ce sera 64 ans au lieu de 60… »

Reste la possibilité, comme le clame le gouvernement, de se reconvertir professionnellement ou d’occuper un autre poste au sein de son entreprise. Ce que Wilfried Thomas dénonce, là encore. « On peut être déplacés ailleurs au sein du CNRS. Mais alors ça veut dire que nos postes de plongeurs n’existeront plus, ou aux dépens d’autres emplois. Et si l’on doit se former et partir ailleurs, et bah tant pis pour nous : on repartira au Smic dans un nouveau boulot alors qu’on aura fait 25 ou 30 ans ici… »

Autant de raisons de continuer à se mobiliser contre la réforme des retraites, notamment au travers d’un cliché qui n’a pas fini de faire parler.

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