Réforme des retraites: le gouvernement à la recherche d'une "idée de génie" pour sortir de la crise

Après une nouvelle journée de manifestation, la macronie compte sur Emmanuel Macron pour sortir de la contestation sociale. "On cherche la bonne idée, mais pour l'instant, ça n'émerge pas", s'inquiète un proche du président. Beaucoup à Renaissance tablent sur le Conseil constitutionnel pour mettre un point final aux mobilisations.

Essayer de sortir de la crise politique et sociale. Après la dixième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, l'exécutif veut s'échapper de la nasse et compte plus que jamais sur Emmanuel Macron, après avoir refusé la main tendue de Laurent Berger.

Il y a urgence: si le nombre de manifestants est en baisse, il s'agit de la septième journée de mobilisation intersyndicale sur dix à dépasser les 2 millions de manifestants dans toute la France selon les chiffres de la CGT.

"On ne peut en tirer aucune conclusion. Les mobilisations sont descendues en février, avant de remonter début mars", avance ainsi un cadre de la majorité auprès de BFMTV.

Non "à l'arrêt déguisé de la réforme"

Mais presque plus que la mobilisation de cette journée, c'est surtout l'échange à distance entre Laurent Berger et Olivier Véran qui a fait phosphorer la majorité. Le numéro 1 de la CFDT a proposé "une médiation" ce mardi matin en proposant "un mois, un mois et demi" de discussions autour de "3 ou 4 personnes".

Réponse du porte-parole du gouvernement quelques heures plus tard: "On n'a pas forcément besoin de médiation pour se parler. On peut se parler directement". Un geste logique pour la macronie, qui tient à aller au bout de sa réforme, coûte que coûte.

"Laurent Berger propose un arrêt déguisé de la réforme. Derrière les mots doux, c'est la fin de la réforme qui est une ligne rouge pour nous", décrypte un député Renaissance.

"Ne pas tomber dans le piège" de la CFDT

Pour un autre parlementaire, la stratégie du syndicaliste acte la volonté du président "d'aller jusqu'au bout". "Il ne demande plus le retrait, mais la pause. Il sait que ça n'est pas possible. C'est justement pour ça qu'il le fait, il peut dire ensuite que c'est une nouvelle fin de non-recevoir", explique encore cet élu.

Certains pourtant au sein de la majorité présidentielle auraient bien apprécié voir cette main tendue saisie, à l'instar de la députée Renaissance Stella Dupont ou de Jean-Paul Mattéi, le président des députés Modem.

Mais, après un appel de la Première ministre, le centriste a finalement rétropédalé, d'après des informations de BFMTV. Sous-titre d'un macroniste: "Laurent Berger nous piège, et certains comme Jean-Paul Mattéi, tombent dedans".

"Un temps suspendu"

Un autre est moins sévère. "Les députés cherchent aussi une porte de sortie, il faut les comprendre, ils se font attaquer jusque dans leurs circonscriptions". Plusieurs élus ont été la cible de menaces, à l'instar de Violette Spillebout qui a vu son domicile muré.

Seule sortie de crise pour l'instant évoquée par le président: celle de faire le dos rond en attendant la décision du Conseil constitutionnel. L'institution devrait se prononcer d'ici la mi-avril sur le texte avec plusieurs options.

Parmi celles-ci, on compte la plus favorable au gouvernement: la réforme n'est censurée que sur quelques articles et le gouvernement pourra la promulguer. Autre possibilité beaucoup plus compliquée: le projet de loi est censuré dans son intégralité comme l'imaginent certains constitutionnalistes. "On est déjà dans un temps suspendu", veut ainsi croire un conseiller ministériel.

"Si ça n'a pas bougé, le moment de changer"

De quoi donner de l'air à Élisabeth Borne, qui consulte tous azimuts après avoir échappé à seulement 9 voix près au vote d'une motion de censure. Pour sauver sa tête à Matignon, la Première ministre cherche à convaincre son propre camp qu'elle est toujours à sa place, avant de recevoir les oppositions puis enfin les syndicats.

"Si ça ne marche pas, le président en tirera les conséquences. Si on voit que ça n'a pas bougé, ce sera le moment de changer de manière plus globale", décrypte encore un proche de l'exécutif.

Il semble cependant peu probable que "la méthode" de la cheffe du gouvernement ne change en profondeur la donne politique. Éric Ciotti a déjà fait savoir qu'il n'était "pas question" d'un accord de gouvernement avec les LR tandis que les syndicats veulent parler des retraites avec la Première ministre. La cheffe du gouvernement se borne de son côté à ne vouloir discuter que du futur projet de loi plein emploi. Pas de quoi donc satisfaire les centrales.

"Incapable" de dire ce qui va se passer

Preuve du scepticisme ambiant: "on sent bien qu'il va se passer quelque chose, mais quoi? Je suis incapable de vous le dire", juge un ministre.

Un autre se veut plus cash: "la macronie n'est toujours pas sortie de cette pensée magique qui nous pousse à se dire on attend l'idée de génie. On espère que le président va trouver quelque chose pour faire un pas de côté, comme il le fait toujours".

"Pas de bonne idée qui émerge"

Dans le camp du président, certains espèrent une idée qui pourrait ressembler à la séquence du grand débat lancée pour éteindre la crise des gilets jaunes. Tout en reconnaissant une certaine impuissance. "On cherche LA bonne idée, mais pour l'instant, ça n'émerge pas".

L'inquiétude monte dans les rangs de la macronie alors que l'interview d'Emmanuel Macron la semaine lors des journaux télévisés de 13 heures n'a guère imprimé. "Il n'y a plus de bande passante. La seule solution, c'est de créer la surprise. En attendant, on fait le dos rond".

D'autres tablent sur un pourrissement du mouvement, l'imaginant émaillé de violences entre les forces de l'ordre et les manifestants:

"on peut raisonnablement penser qu'après la décision du Conseil constitutionnel, il ne restera que les durs dans la rue."

Le pari semble pour le moins risqué alors que l'intersyndicale appelle à une onzième journée de mobilisation le 6 avril.

Article original publié sur BFMTV.com

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