Réforme des retraites : Face à la proposition de loi LIOT qui veut l’abroger, que fera la majorité

Aller au vote ? Obstruer ? Jouer l’irrecevabilité ? Les trois groupes de la majorité vont essayer de s’accorder sur une stratégie pour bloquer le texte qui doit être examiné le 8 juin.

POLITIQUE - Ne pas déranger, élaboration de stratégie en cours. Alors qu’ils pensaient tourner la page des retraites une fois le texte promulgué, voilà que les députés de la majorité doivent de nouveau se creuser la tête. Cette fois, il ne s’agit pas de savoir qui votera pour mais plutôt comment contrer la proposition de loi du groupe LIOT pour abroger la réforme des retraites.

Le texte qui vise à ramener l’âge de départ à la retraite à 62 ans sera étudié lors de la niche parlementaire du groupe LIOT le 8 juin à l’Assemblée. Cela laisse encore trois semaines aux députés Renaissance, MoDem et Horizons pour se trouver une stratégie. Faut-il, alors aller au vote et risquer une défaite ? Faut-il au contraire bloquer les débats en obstruant ? Peut-on jouer sur l’article 40 en considérant le texte irrecevable ?

La présidente des députés Renaissance Aurore Bergé assure qu’une décision « collective et collégiale » sera prise à l’issue d’une réunion avec ses alliées le mardi 15 mai.

Aller au vote ou obstruer, aucun n’est sans risque

« Il faut aller au vote », plaide dans Le Parisien Guillaume Kasbarian, président Renaissance de la commission des Affaires économiques. Comme beaucoup de ses collègues, d’Aurore Bergé au ministre du Travail Olivier Dussopt, il compte sur le Sénat pour, au pire, mettre ensuite un coup de frein à la proposition de loi dans la mesure où le palais du Luxembourg avait adopté le texte du gouvernement au mois de mars.

Car dans un hémicycle où le camp présidentiel n’a qu’une majorité relative et où la NUPES, le Rassemblement national et les centristes indépendants de LIOT sont contre le départ à 64 ans, le risque de voir la PPL adoptée n’est pas nul. Une fois de plus, tout repose sur le groupe des Républicains : le petit noyau ulcéré par le 49.3 sur les retraites, pourrait-il se reconstituer et grossir suffisamment pour faire passer le texte, sachant qu’une abstention sera moins favorable à la majorité que lors d’une motion de censure?

Le président de LR, Éric Ciotti, assure que le sujet sera débattu en interne. En attendant, le président du groupe indépendant Bertrand Pancher veut y croire. « On peut vraiment l’emporter », assure-t-il samedi 13 mai sur France Inter, évoquant à ce stade 25 députés LR « qui sont frontalement contre cette réforme des retraites ».

Le même avait déjà mis en garde quelques jours plus tôt ses opposants macronistes contre une deuxième option : l’obstruction. Présentée en premier dans la niche parlementaire, la PPL retraites et ses deux articles ne nécessitent que « quelques heures de discussions » et ont a priori toutes les chances d’être soumis au vote. À moins, que comme le redoute Bertrand Pancher, les députés de la majorité déposent « des tas d’amendements » ou « fassent une demande de renvoi de texte », autant d’options qui empêcherait l’Assemblée nationale de se prononcer.

L’article 40, mieux que l’obstruction ?

La stratégie de l’obstruction a déjà fait ses preuves, pas plus tard que lors de l’examen du projet du gouvernement lorsque la France Insoumise a déposé plus de 10 000 amendements pour empêcher l’examen de l’article 7 sur le recul de l’âge légal de départ. À l’époque, les membres du gouvernement et les députés de la majorité avaient durement critiqué cette méthode. Y avoir recourss à leur tour, trois mois plus tard, susciterait immanqueblement son lot de critiques.

Une troisième option pourrait permettre offrir une alternative : le recours à l’article 40 de la Constitution qui permet de torpiller toutes propositions de loi ou amendements susceptibles de grever les finances publiques. L’article en lui-même n’a jamais été explicitement mentionné par les membres de la majorité. Mais tous mettent l’accent sur le coût de la PPL Liot : « Pour moi, il n’y a pas d’ambiguïté quant à la PPL du groupe Liot, cela occasionnerait une baisse des ressources de l’État pour 15 milliards d’euros au bas mot », souligne ainsi le député Renaissance Jean-René Cazeneuve, aussi rapporteur de la Commission des Finances, dans Les Échos le 12 mai.

À ce stade, la proposition de loi a franchi sans difficulté les premières étapes du parcours législatif. La prochaine est fixée au 31 mai, où les députés examineront le texte en commission des Finances. D’ici là, tout député ou membre du gouvernement peut exiger un « examen de recevabilité » financière au nom de l’article 40. Ensuite, « il appartient au président de la commission des finances de se prononcer sur leur recevabilité », est-il précisé sur le site de l’Assemblée nationale. Et le président de la « ComFi », l’insoumis Éric Coquerel, est un ardent opposant à la réforme. Les chances sont maigres, d’autant plus que pour pallier cette éventualité, le groupe LIOT a « gagé » sa proposition de loi, une stratégie qui rend plus difficile le recours à l’article 40.

Réunis mardi en intergroupes, Aurore Bergé, Laurent Marcangelli (Horizons) et Jean-Paul Matteï (Modem) parviendront-ils à se mettre d’accord - cette fois ? Selon l’un d’entre eux joint par Politico, tous estiment « avoir intérêt à aller au vote, pour montrer qu’on n’est pas LFI et obliger les Républicains » à prendre position. Un vote permettrait aussi à la majorité présidentielle de balayer le procès en illégitimité de la réforme des retraites fait par ses opposants, privés de vote à l’Assemblée. Sans oublier la garantie du vote sénatorial. Mais attention : « Si les députés élus au suffrage universel direct se prononcent enfin sur cette loi, je ne vois pas comment le président Macron pourrait ne pas en tenir compte », met en garde Bertrand Pancher, en pronostiquant « un séisme politique ».

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