La réforme des retraites 2023 ne ressemble plus du tout à celle voulue par Macron en 2017

Élisabeth Borne présente une réforme qui n’a rien à voir avec celle de son prédécesseur Édouard Philippe. Et qui tranche encore plus avec les promesses initiales du Président.

POLITIQUE - On change une tactique qui fait match nul. Trois ans après Édouard Philippe, le premier chef du gouvernement d’Emmanuel Macron, Élisabeth Borne annonce, ce mardi 10 janvier, les grandes orientations de la réforme des retraites promise depuis 2017. L’un des projets les plus importants des deux quinquennats du chef de l’État, celui qui avait été mis en pause en 2020 à cause de la crise sanitaire.

Au-delà de ces détails de casting et du lieu (la Première ministre s’exprimera depuis Matignon et non depuis le Cese), les différences de fond entre les deux projets sont majeures. Et celles-ci s’épaississent d’autant plus que l’on remonte davantage dans le temps, jusqu’aux promesses du candidat Macron, avant sa première élection.

Un grand revirement et des adaptations

Principal changement : le président de la République veut, contrairement à ce qu’il promettait en 2017, repousser l’âge légal de départ à la retraite. « Nous n’y toucherons pas », écrivait-il, en gras et en bleu, dans son programme avant sa première élection. Six ans plus tard, Élisabeth Borne devrait annoncer un report, de 62 à 64 ans, selon plusieurs de ses interlocuteurs. Cela associé à une accélération de l’allongement de la durée de cotisation, qui passerait à 43 ans avant l’horizon 2035 fixé par la réforme de 2014, dite réforme Touraine.

Amorcé en 2019, sous l’impulsion d’Édouard Philippe et son « âge pivot », puis « âge d’équilibre », ce revirement au plus haut sommet a été confirmé pendant la campagne de 2022. Emmanuel Macron tablait alors sur un couperet à 65 ans en justifiant cette nouveauté, entre autres, par la dégradation financière du système des retraites.

Après treize années consécutives de déficits, les caisses sont devenues excédentaires (de quelques milliards) en 2021 et 2022. Mais elles devraient rapidement replonger dans le rouge, selon un rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) publié début septembre. De quoi conforter le discours de l’exécutif. « Il nous faut travailler davantage », martelait encore Emmanuel Macron lors de ses vœux, le 31 décembre dernier, avec comme « objectif », de « consolider nos régimes de retraite par répartition, qui, sans cela, serait menacé, car nous continuons de financer à crédit. » La « mesure d’âge », honnie par l’ensemble des syndicats paraît donc aujourd’hui inévitable.

Plus de régime universel

Au niveau des changements concrets par rapport aux promesses de 2017, on note également l’enterrement du régime universel à points. Ce dispositif, présenté par Édouard Philippe en 2019, devait, in fine, fusionner les 42 régimes actuels et remplacer les annuités par des points permettant de calculer le montant des pensions. La mouture présentée par la Première ministre ce lundi devrait se borner à la suppression des régimes spéciaux d’une partie des personnels de la RATP et des agents de l’électricité et du gaz.

Autre évolution, favorable pour les salariés cette fois : inflation oblige, l’objectif de 85% du Smic pour toutes les pensions fera passer la retraite minimale à 1200 euros contre 1000 euros dans le projet de 2017. Quant à l’épineux chapitre de la pénibilité, la réforme pourrait reprendre certains critères abandonnés il y a cinq ans mais chers aux syndicats, comme le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques.

Une mouture bien différente donc, des précédentes… Qui cache, avant tout, un changement de philosophie pour cette réforme. Ou d’objectif. En 2017, Emmanuel Macron souhaitait réformer les règles des retraites pour en faire quelque chose de plus juste, « où un euro cotisé donne les mêmes droits ». S’est ajoutée à cela, deux ans plus tard, la question de remettre les caisses à l’équilibre financier, avec la décision d’allonger le temps de travail à travers l’âge « pivot », puis le report de l’âge de départ légal.

Travailler plus… Mais pour quoi faire ?

Désormais, la justification de l’exécutif est double : pérenniser le système des retraites, d’une part - pas de changement de ce côté-là - et dégager des marges de manœuvre financières, de l’autre, pour mener à bien différents dossiers. Un enjeu assumé, qui ne l’était pas lors des moutures précédentes de la réforme. « Il nous faut travailler plus et produire plus de richesses dans notre pays si nous voulons protéger, avoir une politique de justice sociale et défendre le modèle social français, sa force et son avenir », a ainsi expliqué le chef de l’État le 22 septembre sur BFMTV, avant que ses ministres prennent le relais.

Élisabeth Borne a par exemple évoqué un « levier » pour « assurer la pérennité de notre modèle », en décembre, en clôture d’une réunion du CNR. « Quand vous avez plus de gens qui travaillent plus longtemps, cela vous fait des cotisations supplémentaires, des recettes supplémentaires », insistait encore Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie le 2 janvier dernier sur TMC.

Reste une autre nouveauté, de taille, par rapport à 2017 : les syndicats réformistes, favorables, au départ, à la refonte du système du candidat Macron, (CFTC, Unsa et CFDT) s’apprêtent à se mobiliser contre le projet annoncé par Élisabeth Borne. L’exécutif va donc faire face à un front syndical uni dans la rue, une première depuis 12 ans. Quand le changement tactique promet un match électrique.

VIDÉO - Réforme des retraites: les pistes envisagées par le gouvernement

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