Rédoine Faïd, jugé pour son évasion en 2018, lance une phrase pleine de sous-entendus à son procès

Rédoine Faïd, ici à l’ouverture de son procès pour évasion de prison en 2018, au Palais de Justice de Paris, le 5 septembre 2023. (dessin de presse)
BENOIT PEYRUCQ / AFP

JUSTICE - Pas de doute, il est mieux ici qu’en prison. Devant la cour d’assises qui le juge pour sa spectaculaire évasion de 2018, Rédoine Faïd a fait le show ce vendredi 8 septembre, entre tirades enflammées sur l’isolement ou sa famille, et boutades sur ses chances de s’évader du palais de justice.

Elle est loin l’image de Rédoine Faïd, barbe de trois jours et l’air hagard, au moment de son arrestation au saut du lit après trois mois de cavale en octobre 2018.

Dans le box, rasé de près dans son pull vert, celui qui est l’un des détenus les plus surveillés de France semble étonnamment en forme pour quelqu’un à l’isolement total qui n’a pas eu le droit de « prendre ses proches dans ses bras » depuis cinq ans, comme le souligne plusieurs fois sa défense.

« Je vais me tourner les pouces pendant 10 ans et attendre ? »

« On entend les conditions drastiques » de détention, admet la présidente Frédérique Aline. Mais elle rappelle que sans compter l’évasion par hélicoptère de Réau, il a déjà été condamné pour une tentative d’évasion au début des années 2000 et une réussie en 2013, à l’explosif et en prenant des surveillants en otage.

Mais alors que sa sortie de prison est prévue en 2046, « quelle autre solution pour l’administration pénitentiaire pour éviter tout risque d’évasion ? »

« C’est l’ennui qui provoque l’évasion », répond Rédoine Faïd. « Je suis dans un sarcophage en béton 23 heures sur 24 ». Il ne croise pas les autres détenus, voit ses proches à travers une vitre, n’a « pas de lumière » dans sa cellule. « On vous enlève tout… Je vais me tourner les pouces pendant 10 ans et attendre ? ».

Taquin, il montre ses pieds, un grand sourire aux lèvres. « J’ai mis des baskets, on sait jamais. Parfois la lumière s’éteint et quand elle se rallume… pouf je suis plus là ».

« T’as ramené des baskets Jacques ? », lance-t-il en mimant un jogging à Jacques Mariani, figure du grand banditisme corse jugé à ses côtés pour un autre projet d’évasion présumé.

La présidente grimace.

« Je suis pas Blanche-Neige non plus »

« Vous êtes responsable du régime carcéral qui se durcit à votre égard », relativise un peu plus tard l’avocat général, revenant sur ses évasions successives. « Vous avez dit “je ne suis pas un violeur, un terroriste”, vous n’avez pas de sang sur les mains… ». Rédoine Faïd le coupe. « Je suis un voleur et un mec qui se barre ».

Avant de nuancer plus tard… « Je suis pas Blanche-Neige non plus ».

Sur « l’engrenage des crimes et des conneries », son autobiographie et ses passages dans les médias, ses amours ou rares années de liberté, Rédoine Faïd est « prolixe », comme dit poliment la présidente qui tente plusieurs fois de raccourcir ses réponses, ou contenir ses ardeurs - « arrêtez de pointer du doigt monsieur ».

« Ça fait cinq ans qu’il n’a pas vu autant de monde à la fois », justifie l’un de ses avocats.

Sa gorge se bloque quand il s’agit de parler de la série de drames qui a marqué l’histoire de sa fratrie de 11 enfants, particulièrement soudée. « Chez nous on se tait, on affronte ».

Il mentionne les journées passées « dans les couloirs d’hôpitaux » à l’adolescence avant que sa mère ne soit emportée par une leucémie. Les moments où il n’a pas pu être là parce qu’emprisonné - « c’est ça la vie de merde de braqueur », comme l’accident de voiture qui coûtera la vie au père de ses neveux assis à ses côtés dans le box. Ou la maladie et la mort, l’année dernière, de leur mère, sa grande sœur qui l’a élevé lui aussi.

Cinq membres de sa famille sont jugés à ses côtés, accusés d’avoir organisé ou participer à l’évasion de juillet 2018, ou cavale qui a suivi. Rédoine Faïd avait commencé par s’excuser auprès de tous, pour « les dégâts qu’a fait cet appel de la liberté que j’ai eu ».

« C’est une addiction que j’assume et qui me consume, et dont je n’arrive pas à guérir », dit-il. « Je suis un drogué de la liberté ».

Rédoine Faïd et ses coaccusés commenceront à être interrogés sur les faits à partir du 19 septembre.

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