Rédoine Faïd, de braqueur le plus recherché à détenu le plus surveillé de France

Braqueur multirécidiviste, Rédoine Faïd comparaît à partir de ce mardi devant la cour d'assises de Paris pour son évasion de la prison de Réau en 2018. Appartenant à une nouvelle génération de malfrats, il est aujourd'hui l'un des détenus le mieux surveillé de France.

C'est la dernière image publique de Rédoine Faïd. Mal rasé, le regard fatigué, les traits creusés et vêtu d'une tunique blanche, le braqueur multirécidiviste, devenu l'homme le plus recherché de France, vient de se faire interpeller après trois mois de cavale en octobre 2018. Une apparance loin de celle qu'il affichait en 2010 sur les plateaux de télévision où il faisait la promotion de son livre qu'il a co-écrit à cette époque.

Le 1er juillet 2018, celui qui est surnommé "le roi" ou "l'as" de la "belle", s'est évadé du centre pénitentiaire de Réau, en Seine-et-Marne. Une évasion spectaculaire en hélicoptère sous les vivats des autres détenus qui immortalisent la scène avec leurs téléphones portables.

Cette évasion lui vaut d'être jugé à partir de ce mardi devant la cour d'assises pour ce qui devrait être son dernier procès. Pour se faire la belle, la seconde fois après son évasion de la prison de Lille-Séquedin en 2013, Rédoine Faïd s'est entouré de son clan, de sa famille dont il est si proche. Deux de ses frères, dont Brahim, son fidèle visiteur, qui clame son innocence et trois de ses neveux sont jugés à ses côtés. Leur a-t-il demandé leur aide? Se sont-ils proposés?

"Un bandit comme lui ne peut se permettre d’avoir trop de complices. Le milieu est trop poreux pour prendre ce risque. L’avantage de la famille, c’est qu’elle met, en principe, à l’abri de toute trahison. C’est une force, et en même temps une faiblesse, car la police peut remonter le fil", note Frédéric Ploquin, spécialiste du grand banditisme et auteur de plusieurs livres dont Jacky Le Mat, Le parrain, le showbiz et les politiques*.

Premiers braquages à Creil

C'est en effet sur son premier terrain de jeu que Rédoine Faïd s'est fait interpeller ce 3 octobre, dans un appartement de Creil, dans l'Oise, là où il a grandi. Fils d'un ouvrier, d'origine algérienne, Rédoine Faïd grandit en bas d'une barre HLM de la cité Guynemer. Pendant son adolescence, son père quitte le foyer, sa mère décèdera quelques années plus tard. Le point de départ de sa "carrière" de délinquant. Le jeune homme a alors des images plein la tête, celle des braqueurs comme Al Pacino dans Scarface ou de Robert De Niro dans Heat.

En Terminale, Rédoine Faïd braque une agence du Crédit du Nord. Cinq ans plus tard, en 1995, il est dans le collimateur de la respectueuse BRB. La même année, il séquestre la famille du directeur de l'agence BNP de Creil pour le forcer à ouvrir le coffre de la banque. Faïd se spécialise dans le braquage des fourgons blindés. En 1997, il s'en prend à un fourgon à Villepinte, en Seine-Saint-Denis, un rite de passage pour l'entrée dans le grand banditisme. Montant du butin: 2,7 millions de francs de l'époque.

Rédoine Faïd est méticuleux, extrêmement préparé. "C'est quelqu'un qui n'a jamais négligé la police, qui considère la police comme l'ennemi, le rival mais qui a étudié cet ennemi, ce rival de telle façon qu'il se considère un peu comme leur égal", analyse Frédéric Ploquin. "Il était capable de se coller à un endroit, à proximité du quai des Orfèvre, à l'époque, pour identifier les visages de ceux qui, à un moment donné, allaient se retrouver en filature derrière lui de façon à les démasquer", poursuit le spécialiste du grand banditisme.

"Il est très bon dans son domaine, il réalise de nombreux vols avant d'être interpellé", note Plana Radenovic, auteure de Depuis l’enfer gris*, un livre de correspondances avec Rédoine Faïd. L'entrée dans le grand banditisme, sans scrupule, vaut à Rédoine Faïd ses premiers procès et ses premières condamnations. Celui qui n'hésite pas à s'équiper de Kalachnikovs est condamné à 18 ans de réclusion criminelle. Il est remis en liberté conditionnelle en 2009 après dix ans de détention grâce à un contrat dans une agence d'intérim. Depuis, il a notamment comparu à plusieurs reprises devant une cour d'assises.

Auteur de livres

L'histoire du braqueur est d'autant mieux connue qu'il l'a rend publique dans une autobiographie, Braqueur: Des cités au grand banditisme, co-écrit avec Jérôme Pierrat. En 2010, il apparait sur plusieurs plateaux de télévision. Certains y voient du narcissisme, de la manipulation. "Il répondait simplement aux invitations", balaie son avocate Me Marie Violleau. Belle gueule, crâne rasé, sourire avenant, beau parleur, l'air sympathique, Rédoine Faïd l'assure: il s'est repenti. Fini pour lui le banditisme. "Mes démons ne sont pas endormis, ils sont morts", jure-t-il.

"J'ai atteint des sommets, je n'en retiens et je n'en retire que de l'échec et de la bêtise", poursuit-il.

Réelle remise en question? Illusion? "Il a toujours joué sur deux tableaux en même temps. C’est un homme capable de cloisonner ses vies comme aucun autre. Il a vraiment cru pouvoir donner le change et devenir un personnage public, tout en continuant ses activités de gangsters. Les vrais repentis sont très rares. Il s’est cru assez fort pour mener ces deux vies de front, mais la vie n’est pas un scenario de film", estime Frédéric Ploquin.

Car peu de temps après ces apparitions télévisuelles, toutes les polices de France sont à la recherche de Rédoine Faïd. L'homme est soupçonné d'avoir organisé le braquage d'un fourgon blindé à Villiers-sur-Marne, qui s'est mal terminé. Le 20 mai 2010, Aurélie Fouquet, une policière municipale est tuée, fauchée par une balle de Kalachnikov lors d'une fusillade avec le commando de braqueurs.

En juin 2011, Rédoine Faïd est interpellé. Entre temps, il a participé à l'attaque d'un autre convoi à Arras, dans le Pas-de-Calais, pour un butin de deux millions d'euros. Le braqueur a été condamné à 25 ans de réclusion criminelle comme organisateur du braquage de Villiers-sur-Marne mais n'a pas été reconnu coupable du meurtre de la policière. Ce que ne manquent pas de rappeler ses avocats pour dénoncer ses conditions de détention.

"Le danger réside dans le fait que Rédoine Faïd croit maitriser toutes les situations, relève Frédéric Ploquin. Ce n’est humainement pas possible. Une balle, un couteau, un pain de plastic ne sont pas des accessoires de cinéma. Mais pour ses avocats, c’est la seule ligne de défense possible: effacer la tâche que représente dans son cursus la mort d’une policière municipale."

Prise de conscience tardive

Homme intelligent - il dispose d'un QI supérieur à la moyenne -, cultivé, foncièrement attaché à sa famille, comment expliquer qu'il prenne ces risques? "Les braquages lui procurent de l'adrénaline, c'est comme une drogue, analyse Plana Radenovic. Il n'a pas su se réadapter." Un expert le qualifiera "d'histrion à la recherche de sensations fortes". L'homme est aussi décrit comme faisant preuve d'empathie, il n'a jamais été rangé dans la catégorie des psychopathes.

"C'est après son évasion de la prison de Séquedin en 2013 qu'il a pris conscience du traumatisme qu'il pouvait créer", constate Plana Radenovic.

En 2017 s'ouvre le procès de Rédoine Faïd pour son évasion quatre ans plus tôt de la prison de Lille-Séquedin. Evasion à l'explosif pendant laquelle il a pris quatre surveillants en otage. "Il ne m’a pas tiré dessus mais il m’a tuée du regard", a témoigné l'une d'entre eux. "Il nous a fait comprendre que s’il n’avait pas pu sortir, il aurait tiré sur nous", a complété un autre des quatre agents de la pénitentiaire.

Lui s'est justifié par "l'appel de la liberté" et la volonté de voir son père malade en Algérie. Rédoine Faïd évoquait aussi pour la première fois ses conditions de détention particulièrement strictes. Pourquoi alors recommencer en 2018 en s'évadant du centre pénitentiaire de Réau? Ca, Rédoine Faïd ne l'a, pour l'heure et à quelques heures de son procès, jamais expliqué. Pourait-il réitérer encore une fois? Jamais deux sans trois... "Quand on n’a rien à perdre, quand on est acculé, on peut prendre des risques énormes, la soif de liberté peut être plus forte que la raison", estime Frédéric Ploquin.

Détenu le plus surveillé de France

Pour ses avocats, il ne fait aucun doute que le braqueur aujourd'hui âgé de 51 ans fait l'objet de mesures indignes et inhumaines, que l'administration pénitentiaire tente de "le mettre à genoux", de "lui faire payer l'humiliation". Placé à l'isolement depuis 2013, Rédoine Faïd a vu des mesures renforcées lui être appliquées comme l'hygiaphone pendant ses parloirs et des fouilles à nu régulières. "C’est vexant, clairement. On ne s’y habitue jamais", confie-t-il dans sa correspondance avec la journaliste. Ses avocats Mes Marie Violleau et Yves Leberquier saluent sa "force psychologique".

Rédoine Faïd s'astreint aujourd'hui à une discipline de fer, il fait chaque jour du sport, il regarde très peu la télévision, ne prend aucun médicament, lit beaucoup, écrit beaucoup. Une manière de tenir psychologiquement, selon ses proches. "Il a un discours de regrets, il aurait pu donner un autre tournant à sa vie", note Plana Radenovic. Il est aussi une sorte de "grand frère" pour les autres détenus, lui qui regrette également de ne pas avoir eu d'enfant.

Quel avenir pour lui aujourd'hui? Rédoine Faïd est libérable en 2046. Une date qui devrait s'éloigner alors que sa peine pour son évasion de Réau va automatiquement s'ajouter. Son combat devrait se porter contre l'isolement de longue durée, que la Commission nationale consultative des droits de l'homme a qualifié de "torture blanche". "Rédoine Faïd n'a aucune haine, il a beaucoup de respect pour le GIGN, les avocats, les magistrats, ce n'est pas un rebelle", assure Plana Radenovic. Ce dernier procès pourrait être celui où Rédoine Faïd va casser le mythe.

* Jacky Le Mat, Le parrain, le showbiz et les politiques, éditions Plon. Sortie le 9 mars 2023.
* Depuis l'enfer gris: Lettres de Rédoine Faïd à Plana Radenovic, éditions Michalon. Sortie le 26 janvier 2023

Article original publié sur BFMTV.com

VIDÉO - Un détenu s'évade en franchissant un mur de prison de 12 mètres de haut