Réchauffement climatique et agriculture intensive: les insectes face à un duo ultra-mortel, alerte cette étude

(Photo: Mahfood Shammakh / 500px via Getty Images)
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BIODIVERSITÉ - Une association fatale. Le dérèglement climatique combiné à l’agriculture intensive explique la disparition de la moitié des insectes de leur milieu naturel et réduit de plus d’un quart le nombre d’espèces, alertent des scientifiques du University College de Londres dans une étude publiée ce mercredi 20 avril dans la revue scientifique Nature. Dans les précédents travaux scientifiques, le réchauffement n’était pas pris en compte et l’intensification agricole était pointée comme le facteur dominant de l’effondrement de l’entomofaune.

Pour arriver à ce décompte alarmant, les chercheurs ont comparé l’abondance et la richesse des insectes dans différentes régions du monde. Ils ont analysé plus de 757.000 enregistrements de 18.000 insectes en tout genre (papillons, mouches, coléoptères…) vivant dans 6000 lieux différents. Résultat: les habitats les plus impactés par l’agriculture intensive et le changement climatique sont désertés par les insectes.

Les insectes fuient les tropiques

“Cette tendance est particulièrement évidente dans les milieux tropicaux”, écrivent les scientifiques. Ces régions, où se trouvent notamment le Brésil, la Colombie ou l’Équateur, abritent près de la moitié des forêts tropicales de la planète, subissent la déforestation, conséquence directe de l’agriculture productiviste. Des entreprises transforment les forêts primaires en zones agricoles en plantant des cultures de canne à sucre, café, cacao ou encore de caoutchouc.

Une production agricole destinée, en partie, à la consommation européenne. “La France importe des quantités importantes de matières premières agricoles et forestières issues de la déforestation des forêts tropicales. Elle utilise ainsi indirectement des terres situées dans d’autres régions du monde (...)”, rappelle le ministère de l’Environnement français.

Si le changement d’utilisation des sols et la destruction des habitats ont été, jusqu’ici, les principaux moteurs du déclin des insectes, cette étude soulève que le réchauffement climatique vient accélérer cette chute, surtout dans les milieux tropicaux. Dans ces régions, les communautés d’insectes sont exposées à des augmentations de température si rapides qu’elles n’ont pas le temps de s’adapter.

La France ne sera pas épargnée

Pour le moment, la hausse des températures déstabilise essentiellement les communautés d’insectes des zones tropicales. Les régions tempérées, comme la France, restent épargnées mais ça ne sera plus le cas dans quelques années. En 2070, les anomalies de températures seront aussi fréquentes dans l’Hexagone qu’aujourd’hui dans un pays africain comme le Kenya.

De précédentes recherches montrent également que le déclin des insectes a déjà commencé en Europe. Le nombre d’insectes volants a diminué de 80% en 30 ans, selon une étude internationale publiée en 2017 par la revue PLoS One.

Le déclin des insectes va être accéléré en Europe par la hausse des températures d'ici la fin du siècle (Photo: Nature url: https://www.nature.com/articles/s41586-022-04644-x.epdf?sharing_token=6q9vSPWrHkF4NjDg-HFrANRgN0jAjWel9jnR3ZoTv0M2s3vFs-fCpSMH5t3GXCHWWAnmpCk679E3e_8kQJvUT-wZIbbFTDb06qkIAXmxWf3ie2rgm3wjTzi2z7cEjII_-tgoElHwQ81U9YQ4gH7oc_7IGZ52ZnEFai7l8cYwdiKZPW0orFzHTjOsTdplU6ptD438DT4C_LtJ26nLqMi3QjC0qr1nNnBuPBCm--9QBEQ%3D&tracking_referrer=www.newscientist.com)

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La nouvelle étude ajoute que la combinaison de la hausse des températures et de l’agriculture intensive, incluant l’utilisation de pesticides et d’engrais de synthèse, est pire que si ces deux facteurs agissaient indépendamment.

Par exemple, même sans le changement climatique, transformer une forêt tropicale en terres agricoles provoque un réchauffement de la zone en raison de la disparition de la végétation qui produit de l’ombre et maintient l’humidité dans l’air et le sol. Une “aridification” renforcée par le réchauffement de la planète. Une boucle de rétroaction négative qui amène inéluctablement à la perte de la biodiversité des insectes.

Des conséquences dramatiques

Cet effondrement a des conséquences désastreuses car l’entomofaune est l’un des socles de la chaîne alimentaire. Environ trois quarts de la centaine de cultures essentielles destinées à l’alimentation dépendent de la pollinisation, comme le café ou le cacao. D’autres insectes, comme la coccinelle ou la guêpe, permettent de lutter contre leurs congénères néfastes pour les cultures.

Pour permettre leur survie, l’étude montre l’intérêt des habitats naturels. Plus ils sont nombreux, plus les insectes supportent des températures plus élevées et l’utilisation des terres agricoles. Le nombre d’insectes a ainsi été réduit de 63% dans des endroits avec peu d’habitats naturels, mais “seulement” de 7% dans des zones plus préservées.

La préservation des milieux naturels au sein des paysages tout comme la réduction de l’agriculture intensive et l’atténuation du changement climatique sont essentiels pour préserver la biodiversité des insectes. Les scientifiques évoquent une dernière piste pour éviter le déclin des insectes: une agriculture extensive qui utilise moins de produits phytosanitaires.

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Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

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