"Le Règne animal", le film fantastique avec Romain Duris qui réveille le cinéma français

"Le Règne animal", le film fantastique avec Romain Duris qui réveille le cinéma français

Le cinéma français a longtemps eu peur des monstres. Jusqu'à présent, les films fantastiques produits en France se risquaient rarement, faute de budget, à montrer face caméra des créatures, comme à Hollywood. Le Règne animal, réalisé par Thomas Cailley (Les Combattants), avec Romain Duris, Paul Kircher et Adèle Exarchopoulos dans les rôles principaux, devrait changer la donne.

Présenté en mai dernier en ouverture d'Un Certain Regard au Festival de Cannes, ce film en salles ce mercredi se déroule dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux. Alors que sa femme, touchée par ce phénomène mystérieux, disparaît, François (Romain Duris) embarque son fils dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence.

Comme le récent Acide avec Guillaume Canet, Le Règne animal aborde la question de la transmission dans un monde en pleine mutation à cause du dérèglement climatique, explique Thomas Cailley: "Qu'est ce que ça veut dire hériter d'un monde? Comment peut-on réinventer un monde ensemble? Et au delà de ça, comment réinventer notre rapport à l'environnement? Ce sont les questions au centre du film."

Eviter les poncifs

L'une des forces du Règne animal est aussi d'éviter les poncifs du film post-apocalyptique: il est question d'une épidémie mystérieuse et incontrôlable, mais jamais d'un monde qu'il faudrait sauver de la catastrophe. Les mutations font partie d'un nouveau quotidien. Personne n'est étonné de voir surgir un poulpe géant au supermarché ou un oiseau bondir entre deux voitures dans les embouteillages.

"Notre monde s'épuise à plein de niveaux: politique, poétique, environnemental... J'avais envie de faire un film qui va dans l'autre sens", détaille Thomas Cailley. "Le Règne animal raconte une utopie. C'est tout l'inverse de la fin du monde. Au début, on regarde ces mutations comme une maladie. Puis on comprend que c'est un monde qui devient plus riche, plus divers et plus intéressant."

Trouvés dans les Landes, les décors du film reflètent "ce trajet vers la revitalisation du monde": "On y trouve une forêt très industrielle, hyper silencieuse, bourrée de pesticides, qui travaille dans le sens de la monoculture. Et au milieu de tout ça, on trouve par moments des espèces d'oasis complètement folles, des endroits où la nature n'a pas bougé depuis des centaines d'années. C'est exactement ce que raconte le film."

Film hybride

S'inscrivant dans la lignée de The Host de Bong Joon-ho, Thomas Cailley s'est inspiré entre autres de Black Hole de Charles Burns, BD où des ados victimes d'une MST se transforment en créatures. "Ce qui me touche dans Black Hole, c'est l'aspect hyper concret de cette histoire, qui s'inscrit dans la vie de ces adolescents. Burns mélange le fantastique à une forme de réalisme pur", salue Thomas Cailley.

A l'image de ses personnages en mutation, Le Règne animal est aussi un film hybride et inclassable, à la frontière du fantastique, du burlesque, de la comédie dramatique et du récit d'initiation. "Ce qui m'intéresse avant tout, c'est le parcours des personnages et je trouve qu'il est beaucoup plus intéressant avec des personnages qui se transforment", assure Thomas Cailley. "Je me fous du genre."

Montrer les monstres

Une précaution oratoire pour ne pas dissuader une partie du public français, habituellement rétif au cinéma fantastique qui n'est pas en provenance de Hollywood. Avec un budget de 16 millions d'euros, Le Règne animal s'est donné les moyens de réussir. Et à l'écran, les effets de maquillage se révèlent aussi convaincants que ceux présents dans les grands spectacles hollywoodiens.

"Avoir un tel budget nous a permis de montrer les monstres - ce qui était essentiel", insiste Thomas Cailley. "S'il avait fallu faire le film avec par exemple la moitié du budget, je pense qu'il aurait fallu beaucoup plus cacher les créatures. Je ne suis pas sûr qu'on aurait eu des scènes de jour avec des créatures. Et le problème de ça, c'est que ça change tout du ton du film. Le pari n'aurait pas fonctionné."

"Si on veut sortir du genre [fantastique] tout en montrant des créatures, oui, il faut montrer", poursuit le réalisateur. "Il y a une apparente normalité dans ce monde-là. Le Règne animal s'apparente plus à un film de Hayao Miyazaki qu'à Alien. Dans les films de Miyazaki, les enfants rencontrent des créatures et ils les considèrent comme leurs semblables. Ils discutent ensemble comme si c'était normal. C'est le cas ici aussi."

Pression

Le réalisateur a fait appel à une série de techniques mêlant effets de plateau et effets numériques. "On a décidé ne pas couvrir les comédiens de capteurs et de tout tourner en décors réels, sans écran vert", précise-t-il encore. Sans compter un long travail de chorégraphie avec les comédiens, qui se sont appropriés cris et mouvements des volatiles, comme en témoigne la prestation mémorable de l'acteur Tom Mercier en homme-oiseau.

Un travail méticuleux qui s'accompagne d'une forme de pression, que Thomas Cailley a ressenti "au cœur de [sa] chair": "Dans un film naturaliste, une mauvaise scène ou une scène faible peut donner de la force à celle qui suit. Ça arrive tout le temps, dans tous les films. Dans le film de créatures, on n'a pas le droit d'en louper une. Tu peux réussir 17 créatures, mais si tu rates la 18e, tout s'effrondre, c'est catastrophique."

Ce stress a laissé place à de l'anxiété, à l'approche de la sortie. Un sentiment accentué par la dimension atypique du projet. "Je le ressens plus qu'au tournage", confirme Thomas Cailley. "Je le ressens d'autant plus que ça ne dépend plus de moi à présent." D'autant que Le Règne animal, conçu comme un film intimiste et fédérateur, sort lui-même dans un paysage cinématographique en pleine mutation.

Article original publié sur BFMTV.com