En réclamant la disparition de films, c’est l’économie de la création qu’on fragilise

Doit-on mettre à l’index les œuvres pour exprimer sa solidarité envers les victimes ? Un film est-il infecté par les agissements de son réalisateur ?  - Credit:www.alamy.com / Alamy Stock Photo / Abaca
Doit-on mettre à l’index les œuvres pour exprimer sa solidarité envers les victimes ? Un film est-il infecté par les agissements de son réalisateur ? - Credit:www.alamy.com / Alamy Stock Photo / Abaca

J'ai depuis longtemps, sur mon bureau d'avocate, un exemplaire ancien d'une revue en papier cartonné éditée en 1976 à l'occasion du 30e anniversaire du Festival de Cannes : Esquisse d'une psychologie du cinéma, par André Malraux. Ce goût pour le 7e art s'est traduit dans ma vie professionnelle par l'accompagnement de personnalités de ce monde dans la rédaction de leurs contrats, la protection de leur vie privée et de leur réputation, et bien sûr leur défense pénale. Si la psychologie est l'étude scientifique des comportements et des idées d'un groupe d'individus, alors, cinquante ans après Malraux, c'est la société tout entière qui s'érige désormais en psychologue du cinéma.

Le cinéma français est sous le feu des scandales, les enquêtes à charge de la presse, l'attention scrupuleuse de la justice. Un univers de débauche et de perversité aurait enfin été percé à jour. La foule déboulonne ses idoles. La purge s'organise. Au sein de la profession, les résistants de la dernière heure dénoncent les traîtres. « C'est pas chic, c'est pas loyal, le cinéma est une grande famille ! – Les Atrides aussi étaient une grande famille », répond Jean-Pierre Aumont dans La Nuit américaine de François Truffaut, qu'on hésite presque à citer. D'autres ne se gênent pas pour extorquer à Fanny Ardant dans une émission sa réaction aux accusations, balancées la veille sur un plateau, visant le père de son enfant. Elle avait confié il y a peu que sa mort l'avait « fracassée » il y a q [...] Lire la suite