Ce qu'il faut savoir sur la Cité internationale de la langue française, inaugurée par Macron ce lundi

C'est un déplacement tout autant symbolique que politique. Emmanuel Macron se rend ce lundi dans l'Aisne et plus exactement à Villers-Cotterêts. Un lieu où plusieurs siècles auparavant, en 1539 exactement, François Ier a signé une ordonnance faisant du français la langue officielle de notre pays.

Cela tombe bien pour le clin d'oeil: le président de la République compte inaugurer la Cité internationale de la langue française dans le château de cette ville, restauré à son initiative. Sa venue est aussi l'occasion d'envoyer un message à l'extrême droite, qui dirige la municipalité depuis 2014.

BFMTV.com vous détaille les enjeux de ce déplacement.

Le projet remonte à la présidentielle de 2017

Ce projet remonte à une époque où Emmanuel Macron n'était pas encore président de la République. L'ex-ministre de l'Économie, lancé à toute allure dans la course à l'Élysée, n'était encore que "candidat". Le 17 mars 2017, le futur chef de l'État se rend à Villers-Cotterêts, avant de promettre lors d'un meeting à Reims le soir même de restaurer ce château qui "tombe en ruine". Et d'en faire "l'un des piliers symboliques de notre francophonie".

Une fois élu, le président de la République confie ce chantier au Centre des monuments nationaux (CMN).  Le gouvernement affirme alors remédier à un "scandale patrimonial", l'opposition crie au projet "disproportionné". Plus de 210 millions d'euros sont investis, ce qui en fait le deuxième plus gros chantier culturel du président Macron après Notre-Dame de Paris.

Devenu dépôt de mendicité, hôpital militaire, maison de retraite jusqu'en 2014, puis laissée à l'abandon, le lieu a connu depuis trois ans une nouvelle métamorphose, pour devenir le premier lieu culturel entièrement dédié au français.

Quelle est cette Cité internationale?

La Cité internationale de la langue française? Ce lieu "sera le cœur battant de la francophonie" promet la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, saluant au passage le "premer projet dédié à la langue française au monde".

"Onomatopée", "chelou", "divulgâcher", "carabistouille": en arrivant dans ce château qui n'avait jamais été ouvert au public, le visiteur découvrira dans la Cour du Jeu de paume un "ciel lexical" dont les mots suspendus ont été choisis avec les habitants.

L'escalier du roi au magnifique plafond à caissons, vestige de la décoration intérieure d'origine, avec la chapelle et l'escalier de la reine, mène à une exposition permanente présentant la diffusion du français dans le monde, ses processus de normalisation, la diversité de ses usages.

Le visiteur pourra pénétrer dans une "bibliothèque magique" cubique contenant des milliers d'ouvrages, pour y trouver un conseil de lecture personnalisé dispensé par une intelligence artificielle. Des écrans diffusent des sketchs d'humoristes jonglant avec la langue, ou proposent une dictée interactive. Expositions, spectacles, résidences d'artistes et de chercheurs doivent également faire vivre le lieu.

"Ce n'est pas un musée, on n'est pas ici pour conserver la langue française, mais pour la faire vivre, révéler sa diversité extraordinaire", s'enthousiasme le directeur, Paul Rondin. Un objectif "très ambitieux" de 200.000 visiteurs par an a été fixé, indique Marie Lavandier, assurant que tout est fait pour que le public local puisse accéder à la Cité, sans obstacle de coût.

Le lieu doit accueillir un événement majeur dès l'année prochaine: le sommet de la Francophonie, auquel les dirigeants de 88 États sont conviés.

Une terre acquise au RN

Ce n'est pas un hasard si Emmanuel Macron se rend à Villers-Cotterêts. Ce lundi, le président pose le pied dans une terre acquise à l'extrême droite. La municipalité est dirigée depuis 2014 par un édile du Rassemblement national: Franck Briffaut.

Quels scores pour Marine Le Pen dans cette ville de 10.000 habitants, située à 80km de Paris? 37, 22% au premier tour de la présidentielle 2022, largement devant Jean-Luc Mélenchon (21,88) et Emmanuel Macron (21,24); puis 56,23% au second, ce qui lui permet de devancer une nouvelle fois assez confortablement le président (43,77).

Dans ce contexte, corrélé au plan national à une montée de l'élue d'extrême droite dans les sondages, Emmanuel Macron veut "montrer que le redressement du territoire ne passe pas par le repli sur soi, mais bien davantage et avec beaucoup plus de chances de succès, par l'ouverture", souligne son entourage.

Tout en estimant le "calcul" anti-Rassemblement national voué à l'échec, Franck Briffaut voit le projet, et ses 200.000 visiteurs espérés par an, comme "une formidable chance" pour sa ville.

Un déplacement reporté

Initialement prévue le 19 octobre, l'inauguration a été reportée en raison des obsèques, ce jour-là, du professeur de français Dominique Bernard, assassiné à Arras (Pas-de-Calais) par un jeune jihadiste.

Un drame qui pourrait trouver écho dans l'inauguration du lieu. "S'il y a bien une justification à Villers-Cotterêts, on la trouve dans le discours" de la veuve de Dominique Bernard à la messe de funérailles, souligne l'Élysée. Elle avait cité les nombreux auteurs ayant inspiré son époux, délivrant selon l'Élysée "un éloge de la langue française", "un éloge de l'ouverture au monde qu'elle initie".

Article original publié sur BFMTV.com