Qui est le rappeur Freeze Corleone, visé pour une enquête pour apologie du terrorisme ?

En cause, ses propos dans la chanson "Haaland" dans laquelle il semble faire allusion à l'attentat de Nice qui a fait 86 morts et des centaines de blessés en 2016.

Issa Diakhaté, plus connu sous son nom de scène, Freeze Corleone, sous le coup de nouvelles poursuites. Le rappeur est visé par une enquête pour "apologie du terrorisme" après la sortie de la chanson "Haaland", le 9 février, interprétée en duo avec le rappeur Luciano.

En cause, une allusion à l'attentat au camion-bélier qui a touché la ville de Nice en 2016, lorsqu'un terroriste a renversé des dizaines de personnes massées sur la Promenade des Anglais pour admirer le feu d'artifice du 14 juillet.

Une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme

"En défense j'suis Kalidou, t'es Lenglet. Burberry comme un grand-père anglais. J'arrive dans l'rap comme un camion qui bombarde à fond sur la...", rappe Freeze Corleone sans terminer sa phrase. Des propos qui font référence au mode opératoire du terroriste.

Une "punchline" qui entraine la plainte d'une association de victimes de l'attentat de Nice, "Life for Nice", et l'ouverture d'une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme par le procureur de la République de Nice, Damien Martinelli.

Ciotti dénonce une "nouvelle étape vers l’infâme"

Éric Ciotti et Christian Estrosi ont également fait part de leur colère. "Il utilise le drame du 14 juillet à Nice pour faire le buzz en instrumentalisant un attentat islamiste qui a fait 86 victimes dans notre ville", s'est-il étranglé, indiquant qu'il portera plainte "au nom du respect des victimes et de leurs familles".

Le rappeur dénonce des "paroles imaginaires dont les dénonciateurs sont en réalité les auteurs"

Des critiques des deux responsables politiques qui ont entraîné une réaction du rappeur et de son équipe. Ils ont annoncé une plainte contre les élus niçois après des propos jugés "diffamants". "Messieurs Christian Estrosi et Éric Ciotti ont cru bon de devoir diffamer Freeze Corleone, en inventant, eux-mêmes, des paroles qu'ils ont décidé d'ajouter à un couplet de l'artiste, pour pouvoir ensuite les dénoncer", regrette l'équipe de l'artiste, qui dénonce "des interprétations arbitraires et injurieuses" qui amènent des "condamnations de paroles imaginaires dont les dénonciateurs sont en réalité les auteurs".

Ils regrettent que Freeze Corleone soit poursuivi pour "des propos qu'il n'a jamais tenus" mais que les deux élus "sont parvenus à entendre".

Des concerts fréquemment menacés d'interdiction

Freeze Corleone n'en est pas à sa première polémique. En novembre dernier, la préfecture de Paris avait décidé d'interdire son concert au Zénith en raison des textes sulfureux écrits par le passé, et susceptibles de créer des "troubles graves à l’ordre public" dans "un contexte géopolitique particulièrement tendu", selon le communiqué de la préfecture, qui qualifie le chanteur de "particulièrement controversé". Des concerts qui avaient finalement pu se tenir, après contestation devant la justice administrative.

En revanche, un précédent concert, qui devait se dérouler le 1er décembre 2023 à Saint-Herblain près de Nantes, avait été également interdit par la préfecture, une interdiction confirmée par la justice. Cette fois, c'est la préfecture de Loire-Atlantique qui a annoncé, mardi, avoir engagé une procédure d’interdiction du concert à Nantes du 28 février.

"R.A.F. de la Shoah"

Il lance sa carrière en 2011, mais c'est à partir de 2016 que certains de ses morceaux, aux paroles jugées antisémites, font polémique. Dans "S/o Congo", un morceau qui date de 2016, il clame "tous les jours, R.A.F. (rien à f***, ndlr) de la Shoah".

En 2018, il sort "Projet Blue Beam", son premier album studio. Un titre qui fait lui-même référence à une théorie du complot éponyme, selon laquelle les événements divins et liés aux Ovnis sont préparés par des groupes de pouvoir visant à un contrôle social, pour établir un nouvel ordre mondial.

"J’arrive déterminé comme Adolf dans les années 30"

Un album dans lequel les morceaux multiplient les paroles polémiques comme dans "3 planètes", où il lance : "Chaque jour, fuck Israël comme si j'habite à Gaza". Dans "Fentanyl" : "Nique un sioniste comme BHL" ou dans "Bâton Rouge", où il déclare : "J’arrive déterminé comme Adolf dans les années 30".

VIDÉO - Freeze Corleone : pourquoi le concert du rappeur au Zénith a-t-il été annulé à la dernière minute par la préfecture ?

Un album dans lequel il assume également ses positions sur l'esclavage, le terrorisme, la guerre et le racisme. Cette même année, dans le cadre de son featuring avec Lyonzon sur le titre 669, il lance : "Tout pour la famille pour qu’mes enfants vivent comme des rentiers juifs".

Une enquête pour "provocation à la haine raciale et injure à caractère raciste"

Dans les albums suivants, les paroles sont tout aussi polémiques. En 2020, il sort LMF, référence au film de la saga Star Wars "La Menace Fantôme", dont les paroles de certains morceaux lui valent des poursuites. La Licra pointe son "obsession pour les Juifs". Son single "freeze Raël" est retiré pendant une semaine de Youtube pour "contenu incitant à la haine".

Le 17 septembre 2020, après le signalement fait par le délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT Frédéric Potier, le parquet de Paris annonce ouvrir "une enquête portant sur différents clips vidéos et chansons de Freeze Corleone des chefs de provocation à la haine raciale et injure à caractère raciste". Le lendemain, Universal annonce cesser sa collaboration avec le rappeur.

Des démêlés avec Gérald Darmanin

Des démêlés avec la justice qui ne refroidissent pas le rappeur, au coeur de la polémique l'été dernier lors de la sortie de "Shavkat", dans lequel il clame préférer "être accusé d'antisémitisme que de viol comme Gérald Darmanin", en référence à des accusations de viol, harcèlement sexuel et abus de confiance qui ont visé le ministre de l'Intérieur, mais pour lesquelles ce dernier a bénéficié d'un non-lieu en janvier dernier. Des propos qui lui valent une "surveillance" de la Licra.

Mais les propos jugés antisémites ne sont pas le seul contenu de ses textes, où se côtoient propos complotistes, comme dans le titre "Big Pharma", mais aussi des prises de position comme pour dénoncer la traite négrière, soutenir la famille d’Adama Traoré ou saluer la mémoire de Rosa Parks.

Un concert annulé à Montréal, un autre menacé à Rennes

Ce n'était pas la première fois que le rappeur âgé de 31 ans aujourd'hui, voyait une de ses représentations être annulée en raison de ses paroles polémiques. En décembre 2022, son concert à l'Olympia de Montréal est annulé, suite à l'appel à l'annulation de l’organisation B’nai Brith, qui juge ses paroles antisémites, selon le quotidien canadien La Presse.

En réaction à un fan qui déplore l'annulation, il réagit en publiant trois émoticônes de dragons. D'après le webzine français l'Abcdr du son, c'est "une façon cryptique de rendre responsable les juifs de cette annulation, via une référence détournée du manga One Piece où les "dragons célestes" sont des "êtres supérieurs". Une référence comprise par plusieurs de ses followers sur le réseau social.

"Ces textes ne sont plus ceux qui composent aujourd'hui ses concerts"

Rebelote, en France cette fois, en février 2023 lors d'un concert prévu à Rennes. Le concert est interdit par arrêté municipal, l'arrêté évoquant les paroles de Freeze Corleone considérées comme "de véritables provocations et incitations à la haine, voire à la violence". Un arrêté suspendu par le tribunal administratif, une décision ensuite confirmée par le Conseil d'État, le concert avait finalement pu avoir lieu. Tout comme celui de Paris, plus tard dans l'année. L'artiste avait assuré à l'époque "que ces textes ne sont plus ceux qui composent aujourd'hui ses concerts" et qu'il ne les aurait pas interprétés à Rennes, détaillait l'ordonnance du Conseil d'État.

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