Qu'est-ce que le service d'accès aux soins, censé désengorger les urgences et qu'Attal souhaite généraliser?
Pour le gouvernement, il constitue un "progrès notable". Le service d'accès aux soins (SAS), prévu par le Pacte de refondation des urgences en 2019, doit être généralisé en France cette année. C'est l'objectif que s'est fixé Gabriel Attal lors de son discours de politique générale mardi 30 janvier.
"Dès cet été, chaque département devra être doté d’un service d’accès aux soins, avec des professionnels organisés pour assurer la permanence des soins", a déclaré le Premier ministre à l'Assemblée nationale.
Actuellement déployé dans une soixantaine de centres
Le déploiement des services d'accès aux soins avait été annoncé l'année dernière par l’ancien ministre de la Santé et de la Prévention François Braun après une phase pilote dans 13 régions depuis en novembre 2020 avec initialement une vingtaine de sites concernés.
Selon Catherine Vautrin la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, le service d'accès aux soins concerne désormais 60 centres.
"Le sujet (…) c’est qu’à l’été nous en ayons une centaine" a-t-elle déclaré mercredi 31 janvier sur BFMTV/RMC, "c’est aujourd’hui une de mes priorités".
Cette déclaration de la ministre survient alors qu'une enquête pour "homicide volontaire" a été ouverte suite à la plainte déposée par la mère du jeune Lucas, âgé de 25 ans et mort en automne dernier aux urgences de Hyères (Var).
Plus un service d'orientation aux soins que d'accès
Mais à quoi sert le SAS? Le ministère de la Santé le décrit comme un "service d’orientation de la population" lorsque le médecin traitant du patient n’est pas disponible. Une sorte de partenariat entre ville et hôpital.
"Pour le patient confronté à un besoin de soins urgents ou non programmés (…) le SAS doit permettre d’accéder, à toute heure et à distance à un professionnel de santé" détaille le site du ministère.
Pour Catherine Vautrin, "le SAS c’est le 15, ce numéro de téléphone que chacun de nos concitoyens connaît. Au bout du téléphone, vous avez quelqu’un qui est un médecin régulateur, qui a capacité à répondre à la situation qui est la vôtre et de décider ce que l’on peut faire pour vous, où vous devez aller et ce que vous devez faire".
L'intérêt est, selon la ministre, d'"aller au bon endroit au bon moment, et suivant le problème qui est le vôtre on vous adresse là où vous avez besoin d'aller et là vous avez les réponses qui sont nécessaires en fonction des symptômes qui sont les vôtres".
Concrètement le SAS est censé orienter le patient soit vers les urgences, soit vers la médecine de ville, au sein d’un même territoire. Il s’agit de "fournir un conseil médical, proposer une téléconsultation, orienter vers une consultation de soin non programmé en ville, vers un service d’urgence ou déclencher l’intervention d’un SMUR ou d’un transport sanitaire", explique le ministère de la Santé.
Les urgentistes partagés sur le dispositif
Comme BFMTV l’expliquait en mai dernier, il existe d’ailleurs des outils pour permettre aux professionnels de visualiser des créneaux disponibles et de trouver une consultation de soins non programmés en journée.
"Vous avez d’abord un premier filtre, vous tombez sur un assistant de régulation médicale qui va déterminer la gravité et l'urgence de votre appel", explique le chef de service du Samu de Paris Frédéric Adnet, très favorable au dispositif.
Si l’appel nécessite une aide médicale urgente, "on dépêchera des moyens rapides pour gérer votre urgence vitale. Si au contraire, votre appel relève d'une urgence programmée, voire d'un conseil médical, alors votre appel sera orienté vers des médecins libéraux et nous avons des opérateurs qui pourront prendre un rendez-vous chez un médecin ou un professionnel de santé pour répondre à votre demande".
Le chef de service de Samu de Paris, qui indique que 1.000 dossiers sont traités chaque jour à Paris, constate néanmoins des limites au système notamment en termes de recrutement, "un des freins au déploiement généralisé des SAS".
"Une des contraintes, c'est de pouvoir avoir assez de budget pour recruter du personnel (…) On ne va pas résoudre tous les problèmes des urgences grâce à ça mais on va arriver à mieux diriger les flux de patients", estime encore Frédéric Adnet.
Un optimisme que ne partage pas du tout Patrick Pelloux, pour qui le SAS ne permet pas de faire baisser de façon suffisante la fréquentation des urgences. "Sincèrement ça ne sert à rien", lâche-t-il. "L'idée-même est totalement utopique. (…) Une utopie qui pousse même le plus haut degré de l'État le président de la République à dire qu’en décembre il n’y aura plus personne aux urgences, mais c'est complètement illusoire", estime le président de l'Association des médecins urgentistes de France.
La menace d'une restauration des obligations de garde
Sylvaine Le Liboux, secrétaire générale des Généralistes-CSMF et basée à Valençay dans l'Indre où un SAS existe depuis fin 2021, ne se dit "pas contre le SAS, mais chaque territoire a ses spécificités et il faut laisser le temps à chaque territoire de s’organiser".
Au cours de son discours de politique générale, Gabriel Attal s'est même dit "prêt à aller plus loin", si aucun service d'accès aux soins ni de réponse satisfaisante n'étaient proposés dans des départements, en "restaurant des obligations de garde pour les médecins libéraux, en soirée ou le week-end, dans leurs cabinets, à l’hôpital ou en maisons de santé".
"C'est complètement contre-productif", répond Patrick Pelloux. Pour Sylvaine Le Liboux, secrétaire générale des Généralistes-CSMF, "il ne faut pas confondre continuité des soins en journée avec le SAS et permanence des soins ambulatoires le soir et le week-end". La généraliste craint que cette annonce ne "décourage les jeunes médecins" et ne voit "pas l’intérêt de rendre les gardes obligatoires" alors que selon elle le dispositif actuel permet de couvrir la plupart du territoire.
Selon l’Ordre des médecins, près de 40% des généralistes participaient à la permanence de soins ambulatoires en 2022. Une menace qui ne passe non plus auprès du syndicat l’UFML-S qui écrit dans un communiqué que "les médecins libéraux qui assurent les gardes le font sans repos compensateur".