Qu'est-ce que le "Comité du 9 mai", le groupuscule d'ultradroite qui a manifesté à Paris samedi?
Vêtus de noir, masqués ou cagoulés et brandissant des drapeaux parés de symboles de l'ultradroite, ils étaient 400 à avoir répondu à l'appel à manifester du "Comité du 9 Mai" et à défiler à Paris samedi sans que la manifestation ne soit interdite par la préfecture.
À l'avant du cortège, on pouvait lire sur une banderole noire "Sébastien présent", du nom de Sébastien Deyzieu, un militant ultranationaliste décédé accidentellement à 22 ans le 7 mai 1994 après une manifestation de plusieurs mouvements d'extrême droite "contre l'impérialisme américain". Le jeune homme s'était réfugié sur le toit d'un immeuble de Paris pour échapper à la police avant de faire une chute mortelle. Il a depuis acquis un statut de martyr pour une partie de l'extrême-droite française.
Organisée par le Groupe union défense
Aujourd'hui, le "Comité" est principalement une émanation du Groupe union défense (GUD), une organisation d'ultradroite fondée par des étudiants en droit à Assas en 1968 et qui est redevenue active depuis le début des années 2010. Durant la manifestation, les militants sont par ailleurs restés silencieux, sauf pour lancer le slogan du GUD: "Europe, jeunesse, révolution". Les drapeaux noirs qu'ils brandissaient étaient par ailleurs frappés de croix celtiques, l'emblème du GUD.
Lors de la manifestation organisée en 2022, un discours prononcé par Jean-Eudes Gannat, le fondateur du groupe d'ultradroite angevin l'Alvarium, depuis dissous, faisait l'éloge "des martyrs de la guerre de Vendée, les morts du 6 février 34 [manifestation antiparlementaire organisée par des ligues d'extrême-droite], les épurés de la Libération, les militants OAS [Organisation de l'armée secrète, pro-Algérie française et qui a tenté d'assassiner Charles de Gaulle en 1961]".
L'activité du GUD est caractérisée par ses actions violentes contre les militants de gauche, notamment aux abords des campus parisiens. Selon les informations de StreetPress, le groupe compterait parmi ses membres une cinquantaine de militants néonazis, dont une vingtaine de "fichés S". Après la dissolution en janvier 2022 du groupe des Zouaves Paris, notamment responsable du lynchage de militants de SOS Racisme lors d'un meeting d'Éric Zemmour pendant la campagne présidentielle 2022, nombre de "zouaves" ont rejoint le GUD.
Selon Mediapart, Axel Loustau et Olivier Duguet, deux anciens trésoriers du micro-parti Jeanne, lancé par des proches de Marine Le Pen, étaient présents en marge du cortège. Ils ont eux-mêmes milité au GUD.
Front national et skinheads
C'est pour rendre hommage Sébastien Deyzieu à ce militant issu du groupuscule pétainiste "Œuvre française" que le "Comité" a été créé en 1994. On doit sa naissance à plusieurs partis et mouvements issus de la droite de la droite qui se sont réunis le 9 mai 1994, deux jours après la mort de Sébastien Deyzieu, pour honorer sa mémoire. Depuis, ses militants manifestent tous les ans autour du 7 mai à Paris, avec pour destination la rue où le jeune homme est décédé.
Le 7 mai 1994, le GUD et les Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR), un groupe de skinheads, avaient appelé à une manifestation dont le mot d'ordre est "Bienvenue aux ennemis de l'Europe". Ces "ennemis" désignés, ce sont les Américains qui ont profité du Plan Marshall de l'après-Seconde Guerre mondiale, destiné à permettre la reconstruction d'une Europe exsangue, pour faire infuser leur culture et leur mode de vie sur le continent.
Ce que le GUD et le JNR critiquent alors précisément, c'est la promotion de la mondialisation et du néolibéralisme, auxquels ils préféreraient des sociétés nationalistes, blanches et chrétiennes. C'est ce que les spécialistes appellent "l'antimondialisme", porté par des militants d'extrême et d'ultra-droite, à différencier de "l'altermondialisme", qui est défendu par des mouvements de gauche et écologistes.
À l'annonce de la mort de Sébastien Deyzieu, la section jeunes du Front national (devenu Rassemblement national) contribue avec le GUD et le JNR à la création du "Comité du 9 Mai", qui est chargé d'organiser la manifestation annuelle.