Qu'est-ce qu'un antifa ?

Photo d'illustration (Photo by Adnan Farzat/NurPhoto via Getty Images)
Photo d'illustration (Photo by Adnan Farzat/NurPhoto via Getty Images)

En atteste la polémique sur la commercialisation d'un jeu de société, les antifas sont l'une des cibles les plus récurrente dans les discours de l'extrême droite en France, en Italie, et dans la bouche de Donald Trump aux États-Unis.

Ils sont l'une des cibles privilégiées de l'extrême droite. Ce dimanche, la Fnac n'a ainsi pas su résister à la pression de l'extrême droite et d'un syndicat de commissaires de police et a suspendu la vente d'un jeu de société, "Antifa, le jeu", à moins d'un mois des fêtes de Noël.

Le dernier exemple d'une longue liste d'offensive de la part de l'extrême droite : Éric Zemmour qualifiait durant sa campagne les antifas d'"ennemis jurés de la France", Marine Le Pen veut de son côté "dissoudre les groupes antifas, quand Donald Trump voulait classer la mouvance antifa comme organisation terroriste.

"Leur objectif est de dépolitiser l'antifascisme"

"Ils sont la cible logique des discours d'extrême droite et de la droite radicalisée car les antifas représentent pour eux la frange la plus déterminée à lutter contre leurs idées, nationalistes, racistes... Leur objectif est de dépolitiser l'antifascisme en réduisant les antifas à la violence, en les faisant passer pour des 'casseurs'. Car dans nos sociétés d'aujourd'hui qui répugnent à la violence politique, on considère que peu importe les enjeux ou les circonstances, les personnes qui exercent des violences politiques sont de fait illégitimes", décrypte pour Yahoo Actualités le sociologue Ugo Palheta, auteur de "La possibilité du fascisme", aux éditions La Découverte.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a tenté de dissoudre la Gale, le Groupe antifasciste Lyon et environs en mars dernier, avant d'être finalement retoqué par le Conseil d'État, estimant que les éléments avancés par le ministre de l’Intérieur ne permettent pas de démontrer que la Gale a incité à commettre des actions violentes et troublé gravement l’ordre public. La Gale avait alors dénoncé "une atteinte aux libertés d’association, de réunion, d’expression et d’opinion". En janvier, suite à des incidents à Nantes, le ministre de l'Intérieur annonçait vouloir dissoudre "Nantes révolté", avant de finalement ne pas enclencher la procédure.

"On englobe derrière le terme 'antifa' aussi bien le black bloc que des militants de gauche"

"La plupart des antifas se présentent avant tout comme des groupes d'autodéfense face à l'extrême droite, comme la Jeune Garde antifasciste par exemple. Mais aujourd'hui, dans le discours politique voire médiatique, on englobe derrière le terme 'antifa' aussi bien le black bloc, des militants de gauche et des syndicalistes, qui ne sont pourtant pas tous engagés dans un militantisme antifasciste", poursuit le sociologue Ugo Palheta

Un terme largement répandu aujourd'hui dans le discours politique et médiatique, qui fait la Une de certains médias et s'affiche dans les émissions de débats télévisés, comme sur CNews ou dans Valeurs actuelles.

"Des boucs-émissaires pour légitimer le durcissement des stratégies de maintien de l'ordre"

"Les antifas servent de bouc-émissaires dans le discours politique et médiatique pour légitimer des lois répressives comme la loi sécurité globale, ou encore le durcissement des stratégies de maintien de l'ordre contre les manifestations, alors que la violence tient une place très marginale dans le militantisme antifasciste et presque toujours dans une visée d'autodéfense face à des groupes d'extrême droite qui sont ultra-violents et qui sont à l'offensive". En 2013, le mouvement antifa est au coeur de l'actualité lorsqu'un jeune militant antifa de 18 ans, Clément Méric, meurt sous les coups d'un skinhead d'extrême droite en plein coeur de Paris.

Historiquement, l'antifascisme apparaît dans les années 1920 en Italie pour décrire les activités des opposants de Mussolini. Le terme est alors repris par l'internationale communiste, pour désigner les opposants au communisme. L'antifascisme est répandu en France en 1934, lors des journées républicaines en écho aux manifestations des ligues d'extrême droite du 6 février, il est alors un synonyme d'union des gauches. Une définition qui va évoluer avec le temps.

Des combats plus variés

De la lutte contre l'extrême droite à sa création, l'antifascisme élargit ses combats à la lutte contre le racisme, l'homophobie, le capitalisme dans les années 80-90, et le nom évolue alors. De l'antifascisme émerge le diminutif "antifa", qui désigne des groupes plus radicaux se réclamant de l'antifascisme. Selon l’historien Gilles Vergnon, auteur de L’Antifascisme en France, la cible des antifas est désormais élargie : "L'État dominateur, ses institutions, beaucoup plus que la droite radicale", explique-t-il au Monde.

En réponse à la montée de l'extrême droite dans certains pays, le mouvement a repris de l'ampleur, notamment aux États-Unis depuis que Donald Trump a été élu, mais également en Italie, pour protester contre l'arrivée au pouvoir de Giorgia Meloni, présidente d'extrême droite du conseil italien.

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