"Mort à la république islamique" : que se passe-t-il en Iran ?

En Iran, des mouvements de protestations ont éclaté depuis le décès de Mahsa Amini, suite à son arrestation par la police des mœurs, unité chargée de faire respecter le code vestimentaire de la République islamique d'Iran.
En Iran, des mouvements de protestations ont éclaté depuis le décès de Mahsa Amini, suite à son arrestation par la police des mœurs, unité chargée de faire respecter le code vestimentaire de la République islamique d'Iran.

Une semaine après l'arrestation d'une jeune femme de 22 ans par la police des mœurs et 4 jours après son décès au commissariat, des manifestations continuent d'éclater un peu partout en Iran. Explications.

La colère grandit en Iran. Mardi 13 septembre, Mahsa Amini a été arrêtée par la police des mœurs alors qu'elle était en visite avec sa famille à Téhéran, la capitale iranienne. Elle est morte trois jours plus tard après être tombée dans le coma. Arrêtée pour "port de vêtement inappropriée" car son voile ne couvrait pas entièrement tous ses cheveux, la jeune femme de 22 ans été violemment torturée dans le fourgon par cette unité chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique d'Iran pour les femmes, selon les témoins présents sur place.

Quelques heures après son arrivée au commissariat, Mahsa Amini est tombée dans le coma et a été transportée à l'hôpital. Mais les autorités iraniennes nient toute responsabilité dans son décès survenu trois jours plus tard, affirmant qu'elle a été arrêtée avec d'autres femmes pour recevoir des "instructions" sur les règles vestimentaires. "Elle a soudainement souffert d'un problème cardiaque", ont indiqué les autorités. Ahmad Vahidi, le ministre iranien de l'Intérieur, a indiqué que "Mahsa avait apparemment des problèmes antérieurs" en évoquant une opération au cerveau subie à l'âge de 5 ans, ce que le père de la défunte a démenti en assurant que sa fille était "en parfaite santé".

Des voiles brûlés en guise de contestation

Depuis son décès, les Iraniens, aussi bien des hommes que des femmes, se mobilisent pour protester contre cette injustice qui dure depuis 43 ans et la révolution islamique. Depuis 1979, toutes les femmes, quelle que soit leur nationalité ou leurs croyances religieuses, doivent porter un voile qui recouvre la tête et le cou tout en dissimulant les cheveux. Les femmes n'ont également pas le droit de porter des manteaux courts au-dessus du genou, des pantalons serrés, des jeans troués ainsi que des tenues de couleurs vives.

De nombreuses Iraniennes sont descendues dans les rues pour dénoncer la politique répressive du régime et ont manifesté en se coupant leurs cheveux ou en brulant leur voile en signe de protestation. "Les femmes iraniennes ne supportent plus qu'on les arrête, qu'on les humilie, elles ne supportent plus de subir des coups de fouets parce qu'elles ne veulent pas porter le voile. [...] La mort de Mahsa Amini est une goutte d'eau qui a fait déborder le vase", explique Mahnaz Shirali, sociologue et politiste, spécialiste de l’Iran à FranceInfo.

Matraques, gaz lacrymogène et canons à eau

Nombre d'entre elles ont scandé le slogan "mort à la République islamique" ou encore "mort au dictateur" en faisant référence à l’ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême de la révolution islamique. Certaines ont également jeté des pierres sur le bâtiment où siège le gouverneur. Des manifestations et des affrontements ont éclaté entre forces de l'ordre et manifestants dans plusieurs villes du pays. Les forces de l'ordre ont arrêté plusieurs personnes et dispersé la foule à l'aide de matraques, de gaz lacrymogènes ainsi que de canons à eau.

Dans la capitale iranienne, des étudiants ont également lancé des mouvements de protestation dans certaines universités pour protester contre ces lois qui ont pour but de contrôler les vies et les corps des femmes et de faire de la femme la propriété d'un homme.

Depuis la révolution iranienne de 1979, de nombreux Iraniens s'opposent au rétablissement de la loi de la charia, notamment ces dernières années où les manifestations féministes, qui sont contre le port obligatoire du voile, sont de plus en plus fréquentes. Mais depuis quelques mois, la police des mœurs iranienne s'en prend régulièrement violemment aux Iraniennes qui sont de plus en plus nombreuses à ne pas porter le voile. Certains cafés qui ont dû fermer leur porte pour avoir accueilli des clientes non voilées, comme le rapporte le Courrier international.

Le gouvernement limite l'accès à internet

Selon l'ONG kurde Hengaw, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants et ont fait 5 morts à Saghez, Divandarreh et Dehgolan, rapporte le Times of Israel. De leur côté, les autorités iraniennes ont annoncé le décès de 3 manifestants ce mardi.

De nombreux artistes, personnalités sportives, politiques et religieuses iraniens ont fait part de leur colère sur les réseaux sociaux suite à la mort de Mahsa Amini. "Les cheveux de nos filles sont recouverts d’un linceul", ont par exemple écrit plusieurs joueurs de l'équipe nationale de football dans une story sur Instagram. Face à l'ampleur de cette colère qui a traversé les frontières du pays, le gouvernement a décidé de mettre en place des restrictions sur l'utilisation d'Internet. Un moyen de censure utilisé régulièrement par le gouvernement iranien lorsque le pays traverse une crise, afin que ces affaires puissent être étouffées.

En France, le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères a réagi dans un communiqué publié lundi : "L'arrestation puis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre 2022, à Téhéran, aux mains de la police des mœurs iranienne, sont profondément choquantes. La France condamne cette arrestation et les violences qui ont entraîné sa mort et présente ses sincères condoléances à sa famille".

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