Quand les chasseurs se lancent dans la "bataille de l'image"
Face aux polémiques autour de leurs méthodes comme la chasse à courre ou la chasse à la glu, la Fédération nationale des chasseurs se lance dans “la bataille de l’opinion publique”, avec des vidéos au ton décalé.
“Alors, il est comment mon chevreuil au quinoa ?”. “L’important c’est de bien bander”. Le ton est volontairement décalé, un brin provocateur. Les chasseurs se lancent à leur tour dans la guerre de l’image, à travers une série de vidéos publiées sur les réseaux sociaux.
“Des personnages de la ‘bobo’ écolo à l’ado”
Objectif annoncé par la Fédération nationale des chasseurs, à l’origine du projet, “casser les codes, dépasser les stéréotypes concernant les chasseurs et interroger l’opinion souvent vindicative face à la chasse”, nous explique Emmanuel Blacque Belair, directeur de la communication à la fédération.
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— Chasseurs de France (@ChasseursFrance) August 21, 2020
“On a choisi des personnages différents, de la ‘bobo’ écolo à l’ado, de la banlieusarde branchée au couple de trentenaires actifs pour dépasser les stéréotypes en montrant qu’ils n’ont pas le profil et pourtant ils chassent”, ajoute Emmanuel Blacque Belair. Une opération de communication inédite de la part des chasseurs, qui veulent “recréer le dialogue avec le grand public et dépoussiérer leur image”.
19% des Français favorables à la chasse
Car l’image des chasseurs est au plus bas. Au lendemain de la démission de Nicolas Hulot en 2018, une enquête Ipsos et One Voice révèle que seuls 19% des Français sont favorables à la chasse, ils trouvent cette pratique dangereuse pour eux (84%), cruelle pour les animaux et faisant certes partie du patrimoine français, mais d’un autre âge.
Dans ce sondage, plus de 84% des personnes interrogées réclament l’interdiction de la chasse à la glu. Cette pratique à laquelle s’adonnent moins de 6 000 personnes, consiste à recouvrir de colle des baguettes fixées sur des branches d’arbre. Les grives et merles noirs qui se posent sur ces pièges sont décollés puis mis en cage : ils servent alors d’appelants pour attirer, en chantant, d’autres oiseaux tirés par les chasseurs. Cette pratique vient d’être pointée du doigt par la Commission européenne, début juillet, qui donne trois mois à la France pour “réexaminer ses méthodes de capture d’oiseaux”. La France est le dernier pays de l’Union européenne à autoriser cette méthode de chasse dans cinq départements du Sud-Est, à titre dérogatoire.
“La bataille de l’opinion publique se joue sur les réseaux sociaux”
Face à une opinion publique de plus en plus hostile, les chasseurs veulent donc reprendre les devants. “Pendant longtemps, les chasseurs étaient en mode ‘vivons heureux, vivons cachés’. Sauf qu’aujourd’hui, la bataille de l’opinion publique se joue sur les réseaux sociaux. On a trop longtemps laissé ce territoire d’expression aux ‘anti-chasse’”, lance le directeur de la communication de la fédération des chasseurs.
Parmi les ‘anti-chasse’ que les chasseurs veulent concurrencer sur les réseaux sociaux, l'association One Voice, qui milite pour le bien être animal et s’oppose à la chasse, en raison de “la souffrance des animaux, l’absurdité de la pratique et les dommages collatéraux que la chasse engendre”, détaille One Voice sur son site.
“Ils commencent à comprendre qu’ils perdent la bataille de l’opinion publique”
“Cette campagne de communication des chasseurs montre qu’ils commencent à comprendre qu’ils perdent la bataille de l’opinion publique”, estime Muriel Arnal, présidente de l’association. “Leurs vidéos seraient drôles si derrière, il n’y avait pas de mort d’animaux. Quand on entend ‘il est comment mon chevreuil au quinoa’, on dirait un sketch. Qu’y a-t’il de plus beau dans la nature qu’un chevreuil ? Qui a envie de tuer un animal aussi beau, et d’y passer ses week-ends ?”, s’insurge Muriel Arnal en visionnant cette vidéo.
Découvrez EN EXCLUSIVITÉ la nouvelle web-série de 8 épisodes mettant en scène, dans leur quotidien, une galerie de personnages... de vrais gens qui, comme tout un chacun, ont un secret à révéler, non sans humour et autodérision. Être #chasseur ? Et pourquoi pas vous ? pic.twitter.com/nlMWvlZu4D
— Chasseurs de France (@ChasseursFrance) August 20, 2020
“Ce n’est pas en payant des influenceurs ou en mettant des jeunes chasseurs dans leurs vidéos qu’ils arriveront à redorer leur image auprès des jeunes adultes”, ajoute la présidente de One Voice, en référence à Johanna Clermont, une influenceuse spécialisée dans le domaine de la chasse largement suivie sur les réseaux sociaux.
Un accueil mitigé
Mais l’accueil sur les réseaux sociaux de la campagne de communication des chasseurs semble plutôt mitigé, en témoignent les commentaires publiés.
Les anti chasse ravis de la contre pub de ce clip très mauvais, a moins que ce soit un compte parodique, pas évident de savoir tellement c'est bas du front
— lazycat (@LauDragon) August 20, 2020
En vrai, les chasseurs, ils ressemblent pas du tout à ça.
En tout cas pas ceux que je croise tout l'automne au bord des routes,
ni ceux qu'ont ouvert le feu en direction de ma maison à moins de 30m y'a deux ans.
Ils ressemblaient plutôt à ça pic.twitter.com/GXgVyfyZ95— Nicolas Le Gall (@Nick_argall) August 20, 2020
"Le week end je vais a la chasse... et je demande aux connards de randonneurs de se barrer car on les confond facilement avec des sangliers"
J'ai déjà vu 2 chasseurs à moins de 5 mètres d'une air de jeux pour enfants à côté d'une chapelle... Vous m'expliquez leur logique ?— aodren (@aodren2) August 20, 2020
Un accueil froid auquel s’attendait le directeur de la communication, Emmanuel Blacque Belair : “On sait qu’on arrive sur un terrain où les anti-chasse sont très présents, très actifs, et ne vont pas hésiter à commenter nos vidéos. Mais l’objectif est de retisser un lien, rouvrir le dialogue avec l’opinion publique”.
La course à l’opinion publique est lancée, alors qu’un projet de référendum d’initiative partagé (RIP) pour le bien-être animal a été lancé. Parmi les six propositions, une vise à l’”interdiction de la chasse à courre, du déterrage et des chasses dites traditionnelles”. Si le texte recueille le soutien de 185 parlementaires et collecte 4,7 millions de signatures en neuf mois, un référendum sera organisé.