Qu’est-ce que le nouveau pacte financier mondial, outil promu par Macron face au changement climatique ?

Emmanuel Macron et Mia Mottley, la Première ministre de la Barbade, sont les organisateurs du Sommet pour un nouveau pacte financier mondiale. Photo prise avant une réunion à l’Élysée, le 10 mars 2023.
Emmanuel Macron et Mia Mottley, la Première ministre de la Barbade, sont les organisateurs du Sommet pour un nouveau pacte financier mondiale. Photo prise avant une réunion à l’Élysée, le 10 mars 2023.

Des négociations s’ouvrent ce jeudi 22 juin pour réformer le système financier mondial, afin qu’il soit plus juste et durable. Une centaine de chefs d’États sont réunis à Paris.

CLIMAT - Comment dépoussiérer un système financier vieux de plus de 70 ans pour l’adapter aux enjeux du changement climatique ? C’est la grande question posée par le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial qui s’est ouvert ce jeudi 22 juin à Paris.

Pendant deux jours, une centaine de chefs d’État et de gouvernement, dont le chancelier allemand Olaf Scholz et le président du Brésil Lula, vont débattre de la refonte du système financier mondial. Objectif : fournir aux pays du Sud les moyens d’opérer leur transition écologique et de faire face aux effets du changement climatique.

L’initiative est portée par Emmanuel Macron et Mia Mottley, première ministre de la Barbade. Lors de leur rencontre à la COP27 fin 2022 en Égypte, les deux dirigeants s’étaient accordés sur l’urgence d’agir pour financer la transition verte des pays du Sud. Pour cela il va falloir réformer deux institutions clés de la finance internationale : la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI).

Mettre sur pause la dette, ouvrir les fonds du FMI

« Ces institutions ont été créées il y a 70 ans pour financer le développement et assurer la stabilité macroéconomique. Mais à l’époque elles n’ont, bien sûr, pas été pensées pour traiter la question climatique » indique Benoît Leguet, directeur de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE). Or cette question du climat, absente des réunions financières des années 50, se pose désormais de manière pressante.

En particulier lorsque 100 milliards de dollars promis chaque année par les pays du Nord aux pays du Sud lors de la signature de l’Accord de Paris n’ont atteint cette somme qu’une seule fois depuis 2016. Alors d’où viendra l’argent pour financer la transition des pays les plus en difficulté ? Plusieurs options sont au menu des négociations de Paris.

La suspension de la dette des pays les plus vulnérables pourrait être une solution. En effet, 93 % des pays des plus vulnérables aux catastrophes climatiques sont en situation de surendettement, ou pas loin de l’être, selon l’ONG Action Aid. Désormais, « lorsqu’un pays fait face à des catastrophes climatiques, on pourrait imaginer suspendre sa dette, au moins le temps qu’il se reconstruise » explique Claire Eschalier, experte du financement de la transition dans les pays du Sud à l’I4CE.

Deuxième option : ouvrir les réserves du FMI et accorder des droits de tirages spéciaux (DTS) en cas de coup dur climatique. Ces fonds spéciaux ne sont jusqu’à présent débloqués que de manière très exceptionnelle, lors de la crise économique en Grèce (2008) ou plus récemment lors de la pandémie de Covid.

Le climat pourrait devenir une raison suffisante pour débloquer ces fonds. Le continent africain n’a par exemple reçu que 5,2 % de la dernière émission de DTS. Avec cette nouvelle règle il pourrait en capter une part bien plus importante, tout comme les pays d’Asie du Sud vulnérables au changement climatique tels que le Pakistan, le Bangladesh ou encore le Sri Lanka.

Une taxe sur le secteur maritime

Autre point de discussion lors du Sommet en cours : les taxes. Les taxes sur les transactions financières, sur l’extraction des énergies fossiles, mais aussi sur les billets d’avion ou sur le transport maritime. Ce dernier est particulièrement visé par les négociations, car « aujourd’hui le secteur maritime est le plus gros pollueur qui échappe aux taxes carbone », rappelle Anna Creti, directrice de la Chaire Économie du Climat à Paris Dauphine.

Une taxe dans les ports européens pourrait par exemple être mise en place, proportionnellement aux émissions de CO2 émises par les bateaux. Ces taxes sur les activités maritimes polluantes auraient deux effets bénéfiques pour le climat : encourager le secteur à limiter ses émissions, et permettre de financer la transition écologique des pays les plus en difficulté.

Les associations engagées pour l’environnement réclament de leur côté une taxe sur les plus riches. Taxer à hauteur de 5 % les actifs de l’ensemble de milliardaires et multimillionnaires de la planète permettrait de récupérer jusqu’à 1 700 milliards de dollars par an selon l’ONG Oxfam. À titre de comparaison, il faudrait mobiliser 1 000 milliards de dollars chaque année d’ici 2030 pour financer la transition des pays en développement. Une piste promue par Emmanuel Macron ? Le magazine Challenges affirme en tout cas ce mercredi que le chef de l’État est favorable à l’instauration d’une taxation minimale sur les grandes fortunes, une sorte d’ISF mondial.

Pas d’annonces concrètes avant la COP28

Pour rappeler l’importance qu’un engagement quantitatif soit pris lors de ce Sommet, plusieurs ONG pour le climat organisent une marche ce vendredi 23 juin à Paris à laquelle participera Greta Thunberg. Ce jeudi 22 juin, ils ont d’ores et déjà affiché le slogan « End Fossil Finance » (« Mettez fin à la finance fossile ») aux côtés de la tour Eiffel, grâce à une large banderole.

Ce slogan signifie qu’au-delà de trouver des financements pour la transition écologique mondiale, il faut aussi réduire les flux financiers qui alimentent les projets pétroliers. « Ce sommet va permettre de trouver plus de financement pour la transition écologique, mais en parallèle il faut absolument geler les investissements dans les énergies fossiles qui accélèrent le changement climatique » martèle Federico Sibaja, économiste responsable de l’analyse des politiques du FMI pour l’ONG Recourse.

Si aucune mesure quantitative ne ressort du Sommet, cette réunion marquera au moins un point d’étape pour préparer le G20 et la COP28, deux réunions lors desquelles il paraît plus probable d’obtenir des engagements concrets de la part des pays du Nord. Challenges fixe d’ailleurs l’horizon du G20 pour la proposition du chef de l’État.

Pour l’heure, « on ne s’attend pas à de grosses annonces d’ici samedi, mais plutôt à des déclarations d’intention, des choix de priorités. Cela va permettre de gagner du temps sur les négociations de la COP28 » concède Anna Creti, directrice de la Chaire Économie du Climat à Paris Dauphine.

VIDÉO - Nouveau pacte financier : "cette réunion doit être celle des solutions" selon Emmanuel Macron