Proposer des abonnements automatiques après essai, une stratégie perdante pour les entreprises
Facture de téléphone ou d’énergie, il est de nos jours pratiquement impossible d’échapper aux systèmes d’abonnement. Sans compter les adhésions aux plates-formes de musique, de vidéo à la demande, les clubs de sport ou les livraisons hebdomadaires de plats « prêts à cuisiner », nous autorisons toujours au moins un abonnement en débit direct.
En tant que consommateurs et consommatrices, nous les multiplions et, même lorsque nous avons la ferme intention de les annuler après avoir regardé la série qui nous intéressait ou profité de quelques mois gratuits, bien souvent nous n’en faisons rien. On dit alors que nous sommes « inertes » face aux abonnements : nous ne menons aucune action et laissons les choses en jachère, même si le service décide d’augmenter ses tarifs ou de modifier ses conditions générales. Il s’agit là d’un trait dont de nombreuses entreprises abusent en proposant des offres d’adhésion à bas prix, avant d’augmenter les prix une fois le consommateur abonné.
Au moment de s’abonner, les consommateurs ont-ils conscience de leur future passivité ? Et si oui, le savoir les empêche-t-il de s’abonner à des offres d’apparence attractive ? Dans des travaux récents, menés avec Navdeep S. Sahni de l’université de Stanford et Avner Strulov-Shlain de l’université de Chicago, nous avons exploré cette pratique afin de déterminer si, en plus d’être discutable d’un point de vue éthique, elle est réellement profitable aux sociétés. Il semble bien que ce ne soit pas le cas.
Des consommateurs conscients de leur passivité
Il existe une pléthore de travaux fondés sur les comportements des consommateurs déjà abonnés. Dans notre cas, nous avons cherché à prendre les choses à la racine, en considérant ce qui influence les consommateurs dans leur décision initiale, au moment de s’abonner, puis en les suivant deux années durant.
Lors d’une expérience sur le terrain à grande échelle, nous avons soumis des offres d’abonnement à 2,1 millions de lecteurs et lectrices lorsqu’ils se retrouvaient confrontés à la page « accès payant » d’un grand quotidien européen. Celles-ci étaient accompagnées d’une offre promotionnelle.
Lecteurs et lectrices se retrouvaient aléatoirement confrontés à un abonnement à renouvellement automatique ou à annulation automatique. Le contrat à renouvellement automatique se transformait en abonnement payant pour les consommateurs qui acceptaient la promotion, mais ne l’annulaient pas explicitement, pratique que l’on qualifiera d’« abusive ». Le contrat avec annulation automatique ne se renouvelait qu’à condition que le consommateur acceptant la promotion clique sur « s’abonner » pour démarrer un abonnement payant, pratique « non abusive ».
Dans chacun des cas, nous avons aléatoirement proposé une période d’essai promotionnelle de quatre semaines ou de deux semaines, à un prix d’appel de 0,99 ou de 0 euros. Tous les autres aspects des contrats étaient identiques, afin de garantir le bon déroulement de l’expérience.
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La première chose que nous avons observée est que les contrats à renouvellement automatique donnaient significativement lieu à moins d’abonnements. Les chances qu’un lecteur ou une lectrice y souscrivent sont de 28 % inférieures à celles d’un contrat à annulation automatique. Contrairement à de précédentes études suggérant que les consommateurs ignoraient leur propre passivité, ce résultat montre qu’ils savent faire preuve de sophistication et anticiper leur propre comportement. Ayant conscience qu’après avoir vu les articles les intéressant, ils risquaient de demeurer abonnés pendant au moins une courte période, ils témoignent d’une préférence pour les contrats offrant une porte de sortie facile : l’annulation automatique.
Seuls 2 % (environ) de la population serait totalement passive. Ces consommateurs s’abonnent et ne résilient pas leur contrat, même lorsqu’ils n’utilisent pas le service.
Davantage de résiliations
L’année suivant la fin de la période promotionnelle, les consommateurs qui s’étaient abonnés aux contrats à renouvellement automatique le sont restés plus longtemps que ceux ayant opté pour l’annulation automatique. Pour les entreprises, cela suggère que sur cet horizon de temps, proposer des contrats à renouvellement automatique peut permettre d’augmenter les profits.
Si à la fin de la période promotionnelle, le journal comptait 21 % d’abonnés de plus parmi ceux s’étant vu proposer un abonnement automatique, ce chiffre décroît néanmoins au fil du temps : à la fin des deux ans, le fait d’avoir proposé un abonnement automatique plutôt qu’une annulation automatique conduirait à 10 % d’abonnés en moins. Autrement dit, sur le long terme, le journal a conservé davantage d’abonnés parmi ceux s’étant vu proposer l’annulation automatique et a réalisé des profits supérieurs grâce à ce groupe.
Les entreprises ont-elles ainsi intérêt à abuser des biais de comportements des consommateurs pour maximiser leurs profits ? Nos résultats suggèrent qu’à long terme, la réponse est « non ». Proposer une souscription automatique après une période promotionnelle, c’est non seulement se priver de potentiels abonnés qui anticipent dès le départ leur inertie, mais aussi avoir des abonnés qui, partiellement inertes, résilieront davantage leur abonnement au fil du temps.
Vers des abonnements plus justes ?
Ces consommateurs tendent même, par la suite, à avoir une moins bonne opinion de la société qui cherche à faire des profits ainsi. Certains contre-attaquent. Ceux qui se sont vu proposer un abonnement automatique sont 10 % de moins à accepter un nouveau contrat avec la même entreprise passés les deux ans.
Les effets des prix et de la durée de la période promotionnelle possèdent eux des effets moindres, sinon non significatifs.
De toute évidence, l’argent rapide obtenu grâce aux contrats abusifs à renouvellement automatique ne compense pas le potentiel retour de bâton. Que certaines sociétés, comme Netflix, agissent pour améliorer leur image auprès des consommateurs passifs en les contactant pour les aider à résilier leur abonnement pourrait bien être payant sur le long terme.
Les organismes de régulation s’inquiètent de plus en plus des offres d’abonnement abusives qui profitent du comportement passif des consommateurs. On peut donc s’attendre à voir apparaître davantage d’offres d’abonnement avec des conditions plus justes, comme la possibilité d’une annulation automatique ou un renouvellement automatique avec des rappels réguliers et une possibilité de résiliation en un clic.
La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation, un site d'actualités à but non lucratif dédié au partage d'idées entre experts universitaires et grand public.
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