Ces propos de l’humoriste Mahaut Drama font bondir le RN et réagir le gouvernement

Mahaut Drama lors d’une table-ronde organisée par « Mediapart » au sujet de l’extrême droite.
Capture Mediapart Mahaut Drama lors d’une table-ronde organisée par « Mediapart » au sujet de l’extrême droite.

POLITIQUE - Samedi 16 mars, Paris, festival de Mediapart au Centquatre dans le 19e arrondissement. Le site d’investigation organise une table ronde intitulée : « Comment lutter contre l’extrême droite ? ». Sur la scène, la journaliste Ellen Salvi, le poète Jean D’Amérique, l’activiste Yuri Casalino, la syndicaliste Murielle Guilbert et l’humoriste Mahaut Drama.

Connue pour son humour engagé, cette dernière s’interroge sur la réaction du pays, plus précisément de la gauche, en cas de victoire de Marine Le Pen en 2027. « J’ai une question. Concrètement, qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce que nous aussi on a des factions armées ? On se prépare à leur répondre ? Est-ce qu’on doit être radicaux jusqu’à ce point-là ? Est-ce qu’on doit faire la révolution ? Encore une fois, je ne pose que des questions », déclare l’humoriste, qui estime que ces interrogations « se posent vraiment » dans la perspective d’une arrivée possible de l’extrême droite au pouvoir.

« Il va falloir qu’on leur réponde autrement »

« En tout cas si dans trois ans, s’il y a l’accession au pouvoir de Marine Le Pen, c’est sûr qu’on ne pourra pas continuer à mettre des affiches disant “patriarcaca”. Il va falloir qu’on leur réponde autrement. Moi, après, je ne sais pas me battre. Je ne suis pas courageuse à ce point-là. Mais s’il y a des gens qui sont prêts à être courageux à ce point-là, je ne peux que les encourager », poursuit-elle, avant de s’interrompre : « je ne veux pas qu’on me fasse dire ce que je n’ai pas dit ». La vidéo de cette table ronde a été mise en ligne jeudi 28 mars sur YouTube.

Samedi 30 mars, le site Fdesouche (navire amiral de l’extrême droite en ligne) partage à la mi-journée un extrait sur son compte X. La légende ne s’embarrasse pas de nuances : « Lors d’un débat organisé par Mediapart contre l’extrême droite, l’humoriste Mahaut Drama incite les activistes d’ultragauche à prendre les armes en cas de victoire de Marine Le Pen ». Dans la foulée, plusieurs députés du RN montent au créneau. Porte-parole du parti lepéniste, Laure Lavalette dénonce des propos « d’une extrême gravité » et annonce saisir le procureur de la République « sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale ».

Aurore Bergé se positionne

Plusieurs élus du Rassemblement national annoncent faire de même, comme Thomas Ménagé ou Julien Odoul. Député RN de l’Ain, Jérôme Buisson va jusqu’à dénoncer « un appel au meurtre ». Dans l’après-midi, apparaissent les premiers articles mentionnant la polémique, dans Le Figaro, Valeurs actuelles puis le JDD, récemment passé dans le giron de l’extrême droite médiatique. L’hebdomadaire va même jusqu’à publier un visuel résumant sa vision de l’affaire : « Mahaut Drama appelle à prendre les armes en cas de victoire de Marine Le Pen L’humoriste, qui intervient régulièrement sur France Inter, participait au Mediapart Festival quand elle a tenu ces propos ».

Ce qui a exaspéré la députée écologiste Sandrine Rousseau, qui a commenté en faisant valoir le statut d’humoriste de l’artiste mise en cause. Alors que les propos injurieux à son encontre se multipliaient sur les réseaux sociaux (notamment sur son physique), l’humoriste — que Le HuffPost a tenté de joindre en vain — a passé son compte X en privé. Idem pour Instagram. Ce dimanche 31 mars, CNews a remis une pièce dans la machine, en appelant Aurore Bergé, ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, à se positionner.

« Il faut réagir de la manière la plus claire qui soit, elle ne l’a pas fait dans un cadre humoristique (...) Dans un débat public, lorsqu’on est une femme qui a accès à la parole publique, on incite ni à la violence ni à la haine. Point barre. Quelles que soient les personnes mises en cause », a commenté Aurore Bergé, jugeant que « ce n’est pas comme ça qu’on lutte contre l’extrême droite, en disant qu’il faut plus de violence dans la société ». Pour l’heure, Mahaut Drama n’a pas officiellement réagi.

« Nous lui apportons notre soutien total face aux injures et menaces dont elle est la cible sur les réseaux sociaux de la part de l’extrême droite, et nous dénonçons les dangereuses atteintes à la liberté d’expression (et au droit à la caricature qui en découle) dont ces attaques sont la manifestation », répond de son côté Mediapart auprès du HuffPost.

Pour rappel, l’extrême droite (politique ou médiatique) n’est pas tout le temps aussi sévère avec ceux qui font l’hypothèse d’une issue armée à leur combat idéologique. Quand Valeurs actuelles (alors dirigé par Geoffroy Lejeune, aujourd’hui à la tête du JDD) avait publié une tribune aux accents séditieux signés par des généraux à la retraite, il y a quasiment trois ans jour pour jour, plusieurs figures du RN avaient partagé le texte sur leurs réseaux sociaux, dont le maire lepéniste de Perpignan, Louis Aliot. Et il n’était alors pas question de saisir le procureur de la République sur le fondement de l’article 40.

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