Le projet de la Commission européenne pour calmer la colère des agriculteurs
A quelques mois des élections européennes, et après un mouvement de colère sans précédent du monde agricole, la Commission européenne a dévoilé vendredi son plan pour alléger drastiquement les contraintes administratives et environnementales imposées aux agriculteurs dans le cadre du verdissement de la Politique agricole commune (PAC).
Pour Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, il s'agit d'envoyer "un message clair selon lequel la Politique agricole s'adapte aux réalités changeantes tout en restant centrée sur la priorité essentielle que sont la protection de l'environnement et l'adaptation au changement climatique."
La Commission propose un réexamen ciblé de certaines conditions dans le règlement relatif aux plans stratégiques relevant de la PAC afin de "réduire la charge liée aux contrôles pour les agriculteurs de l'UE et à leur offrir une plus grande souplesse pour se conformer à certaines conditions environnementales".
Les Etats membres disposeront à ce titre d'une plus grande souplesse dans l'application de certaines normes.
Ce plan doit maintenant être négocié par les députés européens et les Etats membres (Conseil de l'UE) en vue d'être adopté avant la dissolution du Parlement européen avant les élections européennes (7 au 9 juin).
Voici les principales propositions de la Commission.
La fin des jachères, sous conditions
La Commission propose que les États membres puissent "exempter certaines cultures, certains types de sols ou certains systèmes agricoles du respect des exigences en matière de travail du sol, de couverture du sol et de rotation/diversification des cultures"(les jachères, ndlr).
Ainsi, "des dérogations ciblées" seront accordées "visant à permettre le labourage afin de restaurer les prairies permanentes sur les sites Natura 2000 en cas de dommages causés par des prédateurs ou des espèces envahissantes pourraient également être possibles".
Il ne s'agira toutefois pas de signer un chèque en blanc. Les dérogations "devraient être limitées en termes de superficie et ne devraient être établies que lorsqu'elles s'avèrent nécessaires pour résoudre des problèmes spécifiques". C'est d'ailleurs la Commission qui validera les modifications demandées "pour maintenir la cohérence avec les objectifs environnementaux généraux des plans".
Par ailleurs, en cas de conditions météorologiques extrêmes, les États pourront également introduire des dérogations temporaires.
Enfin, la Commission propose "d'exempter les petites exploitations de moins de 10 hectares de contrôles et de sanctions liés au respect des exigences en matière de conditionnalité" sachant que lespetits agriculteurs représentent 65 % des bénéficiaires de la PAC.
La question du revenu des agriculteurs
Objet principal des revendications des agriculteurs ces derniers mois, la question du revenu des exploitants est aussi abordée dans le plan de la Commission qui rappelle, en préambule, que "le renforcement de la position des agriculteurs dans la chaîne d'approvisionnement alimentaire est l'un des principaux objectifs de la PAC__" . Mais de reconnaître que "pour garantir une plus grande équité et protéger les agriculteurs contre les pratiques commerciales déloyales" (...) _"__il reste encore beaucoup à faire" (...) "_à court et à moyen terme".
L'exécutif européen propose d'abord le lancement, dès cet été, d'un****observatoire des coûts de production, des marges et des pratiques commerciales dans la chaîne d'approvisionnement agroalimentaire. Il sera composé de représentants de tous les secteurs de la chaîne d'approvisionnement alimentaire et de représentants des États membres et de la Commission et "renforcera la transparence des coûts et des marges dans la chaîne en rendant les données publiques et en échangeant des informations, en vue de renforcer la confiance entre les parties prenantes et d'établir un diagnostic commun de la situation."
Concernant les OCM (organisation commune des marchés des produits agricoles), la Commission propose _"des options d'amélioration ciblée"_du cadre juridique actuel. L'objectif est de "renforcer les règles applicables aux contrats que les agriculteurs concluent avec des acheteurs de l'industrie alimentaire ou du commerce de détail" afin de permettre aux organisations de producteurs "de coopérer et d'agir collectivement de manière plus efficace vis-à-vis des autres acteurs de la chaîne d'approvisionnement alimentaire" (...) "pour corriger__les déséquilibres dans la chaîne tout en préservant le principe fondamental de l'orientation vers le marché".
La commission propose notamment "la possibilité d'adopter de nouvelles règles sur l'application transfrontière des règles contre les pratiques commerciales déloyales" sachant qu'aujourd'hui _"_au moins 20 % des produits agricoles et alimentaires consommés dans un État membre proviennent d'un autre État membre".
Premères réactions mitigées
En attendant la première réaction des ministres européens de l'agriculture que se réuniront le 26 mars prochain, les acteurs du secteur ont commencé à réagir.
Selon Morgan Ody, coordinateur général de Via Campesina et agriculteur français, ce plan "satisfait un certain nombre de syndicats de l'agro business qui veulent pouvoir continuer à être toujours compétitifs sur les marchés internationaux, mais en sacrifiant à la fois la santé des agricultrices, des agriculteurs, des riverains, mais aussi la protection de l'environnement."
Des ONG environnementales se sont montrées quant à elles beaucoup plus virulentes et de dénoncer un démantèlement "électoraliste" de l'architecture verte de la PAC, sans garantie de désamorcer le malaise agricole. "Abandonner aveuglément les mesures environnementales n'apaisera pas les agriculteurs qui souffrent de prix injustes et de l'urgence climatique, avec des besoins de viabilité à long terme", fait valoir Anu Suono du WWF.