Le procès de "Kali", un Français parmi les pédocriminels les plus recherchés au monde en 2020, débute

Le procès de "Kali", un Français parmi les pédocriminels les plus recherchés au monde en 2020, débute

À son arrestation en 2020, c'était "l'une des 10 cibles prioritaires", dans le monde, de la lutte contre la pédocriminalité sur le darknet: un ancien cantonnier accusé d'inceste comparaît de mercredi à vendredi devant la cour d'assises de Gironde.

Jugé pour avoir détenu et diffusé sur internet "des dizaines de milliers" de photos et de vidéos pornographiques "mettant en scène de très jeunes mineurs", dont ses deux propres fillettes, ce père de famille de 43 ans répond aussi de viols et d'agressions sexuelles répétées sur ces dernières, depuis leur naissance (en 2012 et 2015) jusqu'à son interpellation.

L'avocat de la mère, partie civile avec les enfants, demandera une audience à huis clos. Sollicité, celui de l'accusé, qui encourt 20 ans de réclusion criminelle, n'a pas donné suite.

Une traque de plusieurs années

Emmanuel Daoud, avocat de l'ONG Ecpat France qui lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants, voit dans ce procès "un message fort". "Cela démontre que même lorsqu'on est l'un des 10 pédocriminels les plus recherchés de la planète, à un moment ou un autre, c'est la fin de l'impunité", dit-il.

Trois autres associations de protection de l'enfance se sont aussi constituées parties civiles.

Les policiers de l'Office central pour la répression des violences aux personnes, chargés de lutter contres les réseaux pédopornographiques internationaux, ont traqué durant plusieurs années, en collaboration avec Europol et Interpol, un internaute "très actif" sur de nombreux sites dont il était devenu, pour certains, l'administrateur.

En 2017, il avait notamment partagé des photos et une vidéo "de sa propre production" selon l'acte d'accusation, montrant deux fillettes d'"environ cinq ans" pour l'une, "un ou deux ans" pour l'autre, qui se sont avérées être les siennes.

Des dizaines de milliers d'images d'enfants victimes

Le recours à un pseudonyme ("Kali") et d'autres précautions informatiques ont permis à l'accusé d'échapper à la justice, jusqu'à ce qu'il commette une "imprudence technique" en 2020.

Pour transférer une vidéo montrant le viol d'une petite fille de trois ans, il utilise le serveur d'un opérateur français avec une adresse IP localisée, sur réquisition judiciaire, au domicile d'une famille d'un village de Gironde.

Les enquêteurs disposent, enfin, d'une piste. Des recoupements avec le FBI et la police australienne permettent de faire le lien entre des mots de passe régulièrement utilisés par "Kali" sur le darknet, et les premières syllabes du prénom et du nom du suspect, marié et père de trois enfants dont deux filles.

L'homme est interpellé. Des images pédopornographiques et une culotte d'enfant sont retrouvées dans son véhicule, des déguisements et des sex-toys au domicile familial, où la police saisit des disques durs, dont l'un servant à héberger des sites du darknet via le réseau Tor.

D'autres contiennent des dizaines de milliers d'images d'enfants victimes de pédocriminels dans le monde entier.

"Tomber dans l'engrenage"

Mis en examen et détenu depuis, l'accusé, décrit comme "immature" sur le plan affectif, avec une tendance égocentrique voire narcissique, reconnaît avoir agressé sexuellement ses filles mais en "minimisant l'impact" de ses agissements, estime l'accusation, un expert psychologique évoquant un "déni de souffrance".

La propre enfance de cet employé communal, fils d'un peintre en bâtiment et d'une auxiliaire de puériculture, a été marquée par "une grande souffrance", selon un expert psychiatrique. Lui-même affirme avoir été violé, petit, par un proche de sa famille, et avoir vu son père agresser sexuellement sa sœur.

Il explique s'être rendu sur le darknet pour dialoguer avec des pédophiles et "comprendre comment on pouvait en arriver là", avec le sentiment d'être "accepté pour ce qu'il était" par ses interlocuteurs, avant de "tomber dans l'engrenage".

Entendue durant l'instruction, la sœur a confirmé avoir été victime du père, contre lequel elle a porté plainte et qui a été incarcéré. Elle s'est souvenue d'un épisode pouvant correspondre au viol que son frère dit avoir subi.

"Très choquée" par ses agissements, elle s'est rappelée aussi qu'il lui avait confié "trois ou quatre ans" avant son arrestation (époque où il fréquentait déjà le darknet) qu'il avait "peur d'être comme lui", parlant alors de leur père.

Article original publié sur BFMTV.com