« Le Problème à Trois Corps » sur Netflix : la claque SF ou l’ennui ? Les avis du HuffPost

Jess Hong dans la série « Le Problème à trois corps » sur Netflix
Netflix Jess Hong dans la série « Le Problème à trois corps » sur Netflix

CULTURE - Le Problème à Trois Corps, mis en ligne sur Netflix le 21 mars, est l’une des séries événement du printemps. D’abord parce qu’on parle du nouveau projet pharaonique orchestré par David Benhioff et Daniel Brett Weiss, le duo à qui l’on doit la série Game of Thrones, épaulé d’Alexander Woo (True Blood). Ensuite, car il s’agit - comme pour Game of Thrones - d’une adaptation d’un livre énorme, très prisé par les amateurs de science-fiction contemporaine, mais à première vue très compliqué à transposer à l’écran.

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Le Problème à Trois Corps est avant tout le premier tome d’une trilogie de hard SF (de la « science-fiction scientifique ») écrite par l’écrivain chinois Liu Cixin. Cette trilogie ambitionne de répondre à ce qu’il pourrait se passer sur Terre en cas de prise de contact avec des extraterrestres - pas seulement en termes d’aventures ou de phénomènes inexplicables, mais aussi en termes d’interrogations scientifiques, géopolitiques voire philosophiques.

Les livres de Liu Cixin anticipent de tels événements sur plus de 2000 pages, à partir d’une intrigue et d’enquêtes débutant dans les années 1970 et embrassant ensuite toute l’histoire de l’humanité. Malgré une écriture aride et des concepts scientifiques complexes, leur succès a été colossal, avec au moins vingt millions d’exemplaires vendus rien qu’en Chine et des millions d’autres à l’étranger, selon Le Monde.

Alors, avec cette sortie, il est certain que Netflix fait un « coup » dans sa concurrence avec les autres producteurs de séries TV et plateformes de streaming. S’offrir David Benhioff et D.B. Weiss était d’ailleurs déjà un « coût » en soi : le Wall Street Journal évoque un budget d’environ 20 millions de dollars par épisode pour cette première saison tournée pendant la crise du Covid, ce qui explique à quel point Netflix joue gros avec cette affaire.

Mais cette débauche de moyens et d’ambition suffit-elle à faire du Problème à Trois Corps une bonne série, capable de recréer l’excitation des huit saisons de Game Of Thrones, ou de se placer dans le palmarès 2024 des productions qui ont scotché le plus d’abonnés Netflix sur leur canapé ?

Au HuffPost, nos quatre journalistes (lecteurs ou non des livres originaux) qui ont pu voir la première saison, n’en sont pas tous certains.

Les avis du Huff :

« Une série (trop) exigeante quand on n’a pas lu le livre »

Loïse Delacotte : « Autant le dire d’emblée, Le Problème à Trois Corps n’est pas légère, ni facile. Si vous cherchez une série sans prise de tête, qui vous laisse scroller de temps en temps sur votre téléphone, ou faire une pause yaourt sans mettre pause, passez votre chemin. La nouvelle création de David Benhioff et Daniel Brett Weiss, si belle et intrigante soit-elle, est exigeante, et encore plus pour ceux qui (comme moi), n’ont pas lu les livres. D’avantage que la première saison de Fondation qui nécessitait parfois de repasser une scène pour l’avoir bien comprise.

L’intrigue, les hypothèses, la solution, ne sont pas servies sur un plateau aux abonnés. La conséquence, c’est que pour apprécier Le Problème à Trois Corps à sa juste valeur, il faut probablement être dans de bonnes conditions. Ni trop fatigué, ni déconcentré, car il faut s’accrocher. Alors en ce début d’année éreintant, je l’avoue, j’ai jeté l’éponge après trois épisodes pour me tourner vers des séries qui nécessitent un peu moins de sollicitation de mes neurones à 21h le soir. Mais une chose est (presque sûre) j’y reviendrai un jour ou l’autre, ne serait-ce que pour comprendre ’le phénomène’. »

« Vite, la suite ! »

Michaël Szadkowski : « Je déteste regarder quelque chose quand je connais la fin. Ayant lu les livres, je me suis donc un peu ennuyé à certains moments de cette première saison, surtout au début. L’ensemble est bien sûr exigeant, très (trop) cérébral, et parfois caricatural. Mais est-il seulement possible de réaliser une série avec un tel scénario sans une dose de kitsch ? L’essentiel, comme pour Game of Thrones à l’époque avec ses chevaliers et ses dragons, est de voir si l’histoire, et ses personnages, suffisent à vous happer et à en redemander.

Et sur ce point, les showrunners font un travail fantastique. Je conseille à tous les fans du livre et de SF de s’accrocher : avec les bascules des troisième et cinquième épisodes, l’excitation que j’avais ressentie pendant GoT m’a reprise. On évite le côté SF en carton-pâte qui m’avait rebuté pour The Expanse : les moyens sont là, avec des scènes à couper le souffle (voire un bateau entier), et un art maîtrisé de la tension. Les enquêtes sont captivantes, tant pour résoudre les meurtres, le mystérieux compte-à-rebours, ou comprendre ce qu’il se passe dans cet incroyable casque de réalité virtuelle. On a même droit à quelques pointes d’humour bienvenues. Et les changements opérés par rapport au livre, avec la nouvelle bande de jeunes nerds qui font basculer l’intrigue en Angleterre, permettent la dose d’originalité et de sensibilité nécessaire pour éviter à la série de n’être qu’un pensum scientifique, ou une adaptation littérale sans âme. Vite, la suite ! »

« Place à la science »

Matthieu Balu : « Le problème que j’ai eu avec cette adaptation ne vient pas de ses faiblesses, mais plutôt de celles du livre. Il y a dans la série beaucoup d’efforts pour rester près du livre, et comme dans le Problème à trois corps, la science-fiction et la Chine de l’époque révolution culturelle apportent ces ingrédients de départ qu’on n’a jamais vu ailleurs. Un cocktail qui m’a fasciné dans la trilogie de Liu Cixin.

Mais voilà : pour le meilleur ou pour le pire, le style de l’auteur, ou sa traduction en tous cas, est incroyablement froid, voire plat… et c’est une bonne chose. Il laisse la place à la science, à ces théories renversantes qui font que régulièrement, je pense au Problème à trois corps lorsque je m’interroge sur notre place dans l’univers. Liu Cixin est un passionné de sciences avant tout. Il nous parle de physique et d’astronomie comme personne avant lui. Son fil narratif n’est que ça, un fil. La série, par sa nature même, est obligée de renforcer les personnages, leurs relations, leurs questionnements. Précisément ce qui a provoqué chez moi un ennui que je n’ai pas ressenti une seconde à la lecture des livres. »

« Le Problème à trois corps y perd un peu de son âme »

Louise Wessbecher : « Il faut l’avouer je partais plutôt défaitiste. Comment allait-il être possible de mettre en images les concepts scientifiques ô combien élaborés sortis tout droit de l’imaginaire et de la plume de Liu Cixin ? Côté réalisation et effets visuels, la série a déjoué mes craintes, et parvient même à décomplexifier des passages (très) arides du livre qui m’avaient rebutée. Alors oui il faut être un peu accrochés pour parler intrication quantique et intellectrons mais promis, c’est bien plus digeste à voir qu’à lire.

Ce que les spectateurs ne verront sans doute pas, mais qui dérangera les lecteurs, c’est par contre l’extrême condensé narratif des scénaristes qui ont voulu faire rentrer des éléments des trois tomes et 2000 pages des livres dans une seule et unique saison en huit épisodes. On y regrette quelques personnages auxquels je m’étais attachée, et surtout du temps passé à des époques autres que celle contemporaine dans laquelle la série est ancrée. Et au final, Le Problème à trois corps y perd un peu de son âme. La richesse de la trame narrative longue de plusieurs millénaires de Liu Cixin offre largement de quoi générer une belle poignée de saisons, pourquoi ne pas en garder sous la pédale ? »

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