Pas de prix Nobel de la paix en 2023 ? Pourquoi cette décision serait plus logique qu’il n’y paraît

Il y a 51 ans, le prix Nobel de la paix n’avait pas été attribué. Un scénario qui pourrait se reproduire, près d’un demi-siècle plus tard.
FREDRIK SANDBERG / AFP Il y a 51 ans, le prix Nobel de la paix n’avait pas été attribué. Un scénario qui pourrait se reproduire, près d’un demi-siècle plus tard.

INTERNATIONAL - Et si le Comité Nobel norvégien passait son tour en 2023 ? Alors que la première semaine d’octobre sera celle de la remise des prix Nobel, il faudra attendre jusqu’au vendredi 6 octobre pour découvrir le ou les successeurs de l’opposant biélorusse Ales Bialiatski et des ONG de défense des droits humains Memorial (Russie) et Center for Civil liberties (Ukraine), les trois lauréats en 2022.

Mais cette année, le Comité Nobel norvégien pourrait toutefois s’abstenir. Une décision qui semble plus logique qu’il n’y paraît.

Il faut dire qu’au regard du contexte international, les prétendants ne sautent pas vraiment aux yeux cette année, entre une communauté internationale en déliquescence et sans réelle cap face au changement climatique qui s’accélère, une guerre en Ukraine qui s’éternise et une crise migratoire de plus en plus préoccupante.

Une anomalie qui n’en est plus vraiment une

Au cours de l’histoire du Nobel de la paix, imaginé par l’inventeur suédois Alfred Nobel, ce cas de figure s’est déjà présenté à plusieurs reprises depuis 1901. Assez logiquement, les années de guerre mondiale ont été propices à l’absence de récompense pour la paix. Ce fut notamment le cas en 1914, 1915, 1916 et 1918 ainsi que sur la période 1939-1943.

Mais certaines années, l’absence de « candidat vivant approprié » a conduit le comité norvégien à s’abstenir. Un cas de figure auquel le comité Nobel a été confronté 19 fois, années de guerre mondiale comprises. Toutefois, une année sans prix Nobel de la paix n’a plus été constatée depuis 1972.

Face à ce constat, le professeur suédois Peter Wallensteen, a confié à l’AFP qu’« à bien des égards, ce serait adéquat que le comité n’attribue pas le prix cette année ». Ce spécialiste des conflits et de la paix dans le monde ajoute qu’il s’agirait d’« une bonne manière de marquer la gravité de la situation mondiale ».

351 candidatures en 2023

Mais le comité norvégien ne semble pas vraiment du même avis que Peter Wallensteen, malgré la complexité de la tâche. Une absence de prix serait même perçue comme un aveu d’échec pour la prestigieuse institution. Ce que confirme à l’AFP le secrétaire du comité Nobel, Olav Njølstad.

« Je ne dirais pas que c’est impossible (mais) le monde a vraiment besoin de quelque chose susceptible de le mettre sur les bons rails », avance-t-il. « Je pense donc vraiment nécessaire que le prix Nobel de la paix soit attribué, même cette année ».

Cette année, les cinq membres du comité ont toutefois reçu 351 candidatures, le deuxième plus grand nombre de candidatures reçues dans l’histoire du Nobel de la paix. Parmi elles, on compte 259 individus et 92 organisations. Et si la liste des candidatures doit normalement rester secrète pendant un demi-siècle, de nombreux parrains ont déjà révélé les candidatures qu’ils ont déposées à Oslo, ce qui est leur droit.

Parmi celles déjà déposées, Le Soir cite le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le futur ex-patron de l’OTAN Jens Stoltenberg, le président turc Recep Tayyip Erdogan, ou encore l’opposant politique russe Alexeï Navalny et son compatriote journaliste Vladimir Kara-Mourza.

En revanche, Henrik Urdal, directeur de l’Institut de recherche sur la paix d’Oslo ne croit à une récompense liée de près ou de loin à la guerre en Ukraine, comme il l’a affirmé à l’AFP. S’il était « difficile de passer outre l’an dernier », il estime indispensable de « braquer les projecteurs vers d’autres problématiques internationales, dans d’autres endroits du monde ».

La lutte contre le changement climatique (enfin) à l’honneur ?

Si l’option d’une année sans prix Nobel de la paix n’est finalement pas retenue, plusieurs noms reviennent avec insistance. C’est notamment le cas des femmes iraniennes, engagées dans une « révolution sociétale » déclenché par la mort de Mahsa Amini en septembre 2022. Deux noms sont d’ailleurs évoqués : ceux de Narges Mohammadi et Masih Alinejad, deux journalistes et militantes.

L’autre grande cause qui devrait mériter l’attention du Comité Nobel norvégien, c’est celle du changement climatique. Surtout après une année marquée par des catastrophes climatiques à répétition aux quatre coins du globe et par un été étouffant, le plus chaud jamais mesuré sur Terre, selon l’observatoire européen Copernicus.

De quoi faire dire au directeur de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm Dan Smith que le sujet du « changement climatique est un excellent choix pour le prix Nobel de la paix cette année ». Auprès de l’AFP, il glisse d’ailleurs son pronostic : celui d’un prix partagé entre Fridays for future (mouvement inspiré par Greta Thunberg) et le cacique brésilien Raoni Metuktire, défenseur des droits des populations autochtones d’Amazonie.

Une solution qui permettrait de mettre en lumière ce combat, très largement sous-représenté ces dernières années, à l’exception de l’année 2007 où le GIEC et l’ancien candidat à la présentielle américaine Al Gore avaient été récompensés « pour leurs efforts visant à acquérir et à diffuser de meilleures connaissances sur le changement climatique d’origine humaine ».

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