Prison avec sursis pour cinq personnes qui avaient menacé l'auteur de BD Bastien Vivès

L'auteur de bandes dessinées Bastien Vivès, le 30 août 2021 à Paris (JOEL SAGET)
L'auteur de bandes dessinées Bastien Vivès, le 30 août 2021 à Paris (JOEL SAGET)

"Peine de mort pour les pédos", "on aura ta peau": cinq personnes ont été condamnées jeudi à Paris à des peines de deux à sept mois de prison avec sursis pour avoir menacé de mort ou de violences l'auteur de BD Bastien Vivès.

Les cinq prévenus, trois hommes et deux femmes âgés de 21 à 31 ans, comparaissaient devant le tribunal correctionnel pour des messages postés sur les réseaux sociaux, pour la plupart en décembre 2022.

Le bédéiste - qui était présent à l'audience, où il n'a pas pris la parole - faisait à l'époque l'objet d'une vive polémique, plusieurs de ses ouvrages étant accusés de promouvoir la pédophilie. La controverse, et les menaces reçues par l'auteur, avaient conduit le festival international de la BD d'Angoulême à annuler l'exposition qui devait lui y être consacrée.

Pour la représentante du parquet, ces menaces en ligne sont d'autant plus intolérables qu'elles peuvent inciter d'autres internautes à "passer à l'acte".

"Si vous considérez que les publications de Bastien Vivès sont contestables, vous avez le droit de le dire, mais pas de le menacer de mort!", s'est-elle exclamé à l'attention des prévenus. La plupart ont cependant concédé à la barre n'avoir pas vraiment lu les œuvres en question.

"J'ai été aveuglé par des choses que j'ai pu lire sur internet, c'est stupide", a dit l'un, qui avait envoyé au dessinateur une image de balles de kalachnikov, avec la mention en anglais "remède contre la pédophilie".

"J'ai suivi un mouvement. Je ne connaissais pas du tout ses BD", a reconnu un autre, qui avait écrit "peine de mort pour les pédos".

Une étudiante aux Beaux-Arts a reconnu avoir "dépassé les limites" en envoyant, elle en 2020, un message libellé "toi et tous les prédateurs de la sorte, on va vous couper les couilles". "C'était une image", s'est-elle défendue devant le tribunal.

- "Cancel culture" -

La jeune femme a expliqué qu'elle était à l'époque bouleversée par des faits d'inceste dont un de ses proches avait été victime. Et qu'elle était "tombée" sur l'album de Bastien Vivès "Petit Paul", mettant en scène "un enfant de six ou sept ans qui a un sexe de 50 cm et s'adonne à des actes sexuels avec des adultes".

Les plaintes concernant cet album ont été classées sans suite, a relevé à ce propos l'un des défenseurs de l'auteur, Me Richard Malka. Une enquête préliminaire pour diffusion d'images pédopornographiques est par ailleurs toujours en cours depuis début 2023 au parquet de Nanterre, mais n'a toujours pas débouché sur des poursuites, a-t-il ajouté.

Et quoi qu'il en soit, "même s'il avait été condamné à 250 ans de prison pour pédophilie, ça ne justifie pas des menaces de mort", a asséné l'avocat.

Une autre jeune femme avait écrit "Bastien Vivès, on aura ta peau, espèce d'enculé" sur Twitter - réseau qu'elle utilisait "comme un journal intime". Elle a expliqué s'être sentie "blessée" par un dessin de Bastien Vivès qu'elle a trouvé "homophobe", mais a reconnu n'avoir pas lu ses BD.

Plutôt que des menaces de mort, a plaidé son avocate Me Emma Eliakim, il faut voir dans cet acte une volonté de "cancel" l'auteur, au sens de la "cancel culture": il s'agissait d'affirmer que Bastien Vivès n'avait pas sa place "dans l'espace public", selon elle.

Dans cette affaire, Bastien Vivès est un peu "l'arroseur arrosé", a relevé de son côté un autre avocat de la défense, Me Denis Hubert, soulignant que le bédéiste avait été vivement critiqué pour avoir lancé sur Facebook, sous pseudonyme, des appels à la violence contre la dessinatrice féministe Emma.

En décembre 2022, le dessinateur "a fini par s'excuser du bout des lèvres, en disant que les réseaux sociaux l'avaient rendu con", a observé l'avocat. Son client, a-t-il souligné, est dans le même cas: "il s'est contenté de suivre la rumeur comme un mouton de Panurge, sans la vérifier".

ab/mat/sla