Le prince Harry n’est pas épargné par la presse britannique, voici pourquoi

Les journaux britanniques font leur Une sur les mémoires du prince Harry, ici à Londres le 6 janvier.
DANIEL LEAL / AFP Les journaux britanniques font leur Une sur les mémoires du prince Harry, ici à Londres le 6 janvier.

ROYAUME-UNI - Il y avait eu l’entretien fracassant face à Oprah Winfrey en mars 2021, puis la série Netflix (Harry & Meghan). Il y a désormais deux nouvelles interviews fracassantes (dont l’une sera diffusée en France sur TF1 lundi 9 janvier au soir), et surtout les mémoires. Avant même sa publication le 10 janvier, Le Suppléant fait déjà couler beaucoup d’encre. Dans cet ouvrage particulièrement redouté à Buckingham, le prince Harry multiplie les révélations sur son enfance au cœur de la monarchie britannique et charge sa famille.

Mort de la princesse Diana, disputes avec son frère, relation compliquée avec son père le roi Charles III... Le prince Harry, 38 ans, qui vit désormais en Californie avec son épouse Meghan Markle, dénonce tout à la fois la « trahison » de la « Firme » royale, qui n’a selon lui pas su protéger son couple mais aussi son organisation, imperméable à une modernisation qu’il juge nécessaire.

Cette nouvelle avalanche de révélations est accueillie froidement par la presse britannique. « Tu as vendu ton âme, Harry », accuse le Daily Express. « Épargne-nous », demande le Daily Mail. Pour comprendre les réactions, parfois virulentes, suscitées par ce flot de confidences outre-Manche, Le HuffPost a interrogé Katie Nicholl, journaliste spécialiste de la famille royale pour le Vanity Fair britannique et autrice de The New Royals.

Le HuffPost : Comment les médias britanniques réagissent-ils à cette nouvelle vague de révélations de la part du prince Harry ?

Katie Nicholl : Il y a de la surprise et un certain choc. Face au nombre de révélations et à leur caractère intime et personnel, étant donné que le prince Harry est quelqu’un de secret, qui a toujours fait de sa vie privée un combat.

La presse anglaise est très critique mais les médias américains semblent plus compatissants envers Harry et Meghan Markle. À quoi attribuez-vous cela ?

Je pense que les Britanniques en général sont à bout de patience avec le prince Harry, qui semble vouloir le beurre et l’argent du beurre : lui et son épouse Meghan Markle souhaitent conserver leurs titres de duc et duchesse de Sussex, qui leur garantissent les privilèges de l’appartenance à la famille royale, et en même temps ils font preuve de rancune et s’en prennent à l’institution qui leur a donné ces titres. Tout cela semble hypocrite. C’est pour cela que les médias les attaquent. Cela n’a rien à voir avec la couleur de peau de Meghan Markle.

Harry raconte aussi dans son livre comment il a perdu sa virginité ou la quantité de drogue qu’il a prise. En quoi ces informations peuvent-elles aider les Britanniques à le comprendre ?

Les révélations sont effectivement surprenantes. On nous avait dit de nous préparer à une « autobiographie brute et sans concession » et c’est tout à fait cela. Le fait que Harry ait donné tant d’informations, tant de détails personnels et intimes sur sa vie est assez incongru par rapport à son souhait de voir sa vie privée être respectée. Ce sera plus difficile pour lui à l’avenir de défendre son point de vue sur ce sujet.

Les gens le comprendront-ils mieux après cela ? Probablement oui, il est difficile de ne pas ressentir de la compassion pour lui. C’est clairement un homme perturbé, qui a eu une enfance très difficile. La perte de sa mère à un si jeune âge a eu un très lourd impact sur l’homme qu’il est aujourd’hui. Il est clair qu’il n’a pas eu le temps ni l’espace de faire son deuil s’il en avait besoin. Et pour lui, l’institution est en grande partie responsable. Il formule des attaques personnelles non seulement contre la monarchie en général, mais contre sa famille : son père, sa mère, sa belle-mère, sa belle-sœur… Personne n’est épargné. Mais il faut se rappeler que ce n’est qu’une version de l’histoire, celle de Harry. Et tout cela part d’un sentiment d’amertume, de colère, et d’une rancœur très profonde.

Est-il vraiment nécessaire que Harry, le propre fils du roi, dise que son père n’a pas été un assez bon père

Pensez-vous que ce nouvel épisode puisse changer la manière dont les médias britanniques traitent le prince Harry ?

C’est une bonne question. Ce livre et ces révélations n’aident certainement pas la cote de popularité du prince Harry au Royaume-Uni. Le fait, par exemple, qu’il dévoile le nombre de Talibans qu’il a tués (lors de ses deux missions pour l’armée britannique en Afghanistan, ndlr) est très controversé, les gens estiment que c’est assez imprudent. Et puis, est-il juste de remuer aujourd’hui ce passé souvent difficile (on parle de 20-25 ans en arrière) à l’approche du couronnement du roi Charles III et de la reine consort (le 6 mai, ndlr) ? La série The Crown en a certainement fait assez. Est-il vraiment nécessaire que Harry, le propre fils du roi, dise que son père n’a pas été un assez bon père, ne l’a pas assez soutenu quand sa mère est morte ? C’est une attaque plutôt brutale à un moment très important du règne de Charles III.

Le Suppléant peut-il changer la manière dont les Britanniques voient le prince Harry ?

Je pense qu’il y a de la compassion pour le prince Harry, les gens voient qu’il est abîmé, que son enfance a été compliquée. Mais il y a aussi un sentiment croissant de frustration en voyant qu’il continue d’attaquer la monarchie plutôt que d’avancer dans sa vie, ce qu’il dit pourtant qu’il veut faire. Avancer dans la vie, cela ne ressemble pas à ce qu’il fait en ouvrant ce nouveau chapitre. Les Britanniques auraient plus de respect pour lui s’il passait à autre chose.

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