Présidentielle : "si le port du masque n'est pas obligatoire, je n'irai pas voter"

Le premier tour des élections municipales à Toulouse, le 15 mars 2020, deux jours avant le confinement / illustration (Photo by Eric CABANIS / AFP)

La flambée du nombre de cas à moins de deux semaines des élections inquiète les électeurs les plus fragiles, dont certaines n'iront pas voter si le port du masque n'est pas obligatoire dans les bureaux de vote.

Le port du masque n'est plus obligatoire dans les lieux clos, hors établissements de santé et transports en commun, depuis le 14 mars, et les bureaux de vote ne feront pas exception les 10 et 24 avril.

Selon BFMTV, le protocole sanitaire pour les élections, qui sera présenté d'ici la fin de semaine, devrait être différencié entre l'accueil du public, et les assesseurs. Selon France Info, "le gouvernement va encourager les personnes âgées et fragiles à porter un masque" avant de préciser que "des stocks seront mis à disposition des personnes qui tiennent les bureaux de vote, mais elles ne seront pas obligées d'en porter un". Pour l'heure, pas de port du masque obligatoire dans les bureaux de vote donc.

"Voter est certes important mais ma santé est encore plus importante"

À 12 jours du premier tour de l'élection présidentielle, on enregistre près de 130 000 cas par jour en moyenne, en hausse de 43% en une semaine, près de 1 200 patients sont admis chaque jour en moyenne à l'hôpital avec le Covid, en hausse de 11% en une semaine. Même hausse de 11% pour les entrées quotidienne en réanimation, d'environ 105 par jour.

Une absence de mesure spécifique dans les bureaux de vote dans ce contexte de rebond épidémique qui inquiète certains électeurs. "Si les masques ne sont pas imposés dans les bureaux de vote, je n'irai pas voter vu la situation sanitaire. Voter est certes important mais ma santé est encore plus importante," lâche d'emblée Claire*, 27 ans triple vaccinée mais à risque de faire une forme grave.

"Je ne ferai pas non plus de procuration, je n’enverrai pas un proche dans un lieu à risque à ma place"

"Je vis avec deux personnes de 75 ans très vulnérables, donc cela fera trois personnes qui n'iront pas voter si le port du masque n'est pas obligatoire du début à la fin du vote, Impossible d'enlever le masque avec la circulation virale actuelle", renchérit Caroline, dont l'entourage réfléchit également à ne pas aller voter pour protéger la cellule familiale.

"Mon bureau de vote, c'est un gymnase qui ne peut pas être aéré convenablement. Je suis en télétravail depuis deux ans, je n'ai plus eu une seule pneumonie alors que j'en avais une dizaine par an avant, donc je n'irai pas voter si le masque n'est pas obligatoire", tranche Betty. Quant à l'idée de faire une procuration, pas question non plus. "Je ne ferai pas non plus de procuration, je n’enverrai pas un proche dans un lieu à risque à ma place", ajoute la quarantenaire.

"C'est une discrimination"

Autant de personnes fragiles qui renoncent au vote par peur d'être contaminées. "L'absence de port du masque obligatoire dans les bureaux de vote est très symbolique de l'absence de prise en compte des personnes immunodéprimées. Ne pas rendre obligatoire le port du masque dans les bureaux de vote, c'est les exclure du processus démocratique, c'est une discrimination", déplore Yvanie Caillé, fondatrice de l'association Renaloo, qui avait lancé une campagne pour sensibiliser sur la situation des personnes immunodéprimées et appeler à la solidarité en portant un masque.

La fondatrice de l'association, qui défend les patients souffrant de maladies rénales, dont un certain nombre sont greffés et font partie des personnes à risque de forme grave, redoute une abstention importante parmi cette population de personnes immunodéprimées, qui sont environ 230 000 en France.

Le souvenir du 1er tour des municipales en 2020

Dans les esprits de beaucoup, le 1er tour des élections municipales le 15 mars 2020, deux jours avant le confinement et alors que les bars restaurants et cinémas avaient été fermés la veille au soir. Une étude menée par des chercheurs en économie de Clermont-Ferrand révèle "qu'un taux de participation plus élevé a été associé à un nombre de décès significativement plus élevé chez les personnes âgées dans les cinq semaines suivant les élections", explique Simoné Bartoli, à FranceInfo. Une autre étude avait conclu que le maintien du premier tour n’avait pas accéléré statistiquement la circulation du virus, sans nier toutefois que des contaminations aient pu avoir lieu.

Mais des maires et conseillers municipaux, qui ont participé à l'élection notamment comme assesseurs ou présidents de bureau de vote, sont décédés suite au premier tour, comme le révélait une enquête de France Bleu. Un précédent qui reste dans les esprits.

"En deux ans, on n'a rien appris"

"J'ai travaillé pour le 1er tour des municipales dans un bureau de vote. À l'époque, il n'y avait pas de masque. Quelques jours après, on avait des cas d'assesseurs malades du Covid autour de moi, faute de protection. J'ai l'impression qu'en deux ans, on n'a rien appris. On s'apprête a revivre la même situation alors que cette fois, les masques sont disponibles", déplore Antoine* qui travaille pour une mairie.

S'il nous assure qu'il "ira voter pour faire son devoir de citoyen, évidemment avec un masque", Antoine* fera "en sorte de choisir l'horaire où il y a le moins de monde possible, quitte à faire demi tour s'il y a une file d'attente importante".

"Aller voter oui, mais j'ai refusé d'être assesseur"

Une inquiétude qui se fait sentir chez les citoyens qui participent habituellement aux opérations de vote dont le dépouillement ou la tenue du bureau de vote.

"Habituellement, je suis assesseur, mais cette année j'ai d'ores et déjà refusé. j'ai des comorbidités, j'ai eu Omicron en janvier dernier et j'ai eu des symptômes assez forts, donc je ne veut pas revivre ça", nous explique Lila, qui habite dans une ville de quelques dizaines de milliers d'habitants, mais qui ira tout de même voter "en faisant en sorte d'y aller lorsqu'il y a peu de monde, et avec un masque FFP2".

Même son de cloche pour Carole, dont le bureau de vote ne comporte pas de fenêtres. "Quel que soit le protocole, je ne participerai pas au dépouillement, comme je le fais souvent lors d'élections. Quant au vote, sauf en cas de port du masque obligatoire, je n'irai pas voter", nous explique la quinquagénaire qui est à risque de forme grave et se sent victime de discrimination.

Un risque de manque d'assesseurs ?

De quoi faire planer un risque supplémentaire sur le manque d'assesseurs, qui touche déjà plusieurs communes comme le rapportait France 2. Si le protocole sanitaire pour les élections doit être dévoilé d'ici la fin de semaine, certains médecins ont déjà leur préconisations pour sécuriser au maximum les deux tours du scrutin.

"Bureaux de vote portes et fenêtres ouvertes. Assesseurs munis de masques FFP2 de manière permanente, et pas de non-vaccinés ou de personnes à risque. Pas de repas en groupe sur place et masque chirurgical obligatoire pour tous les électeurs", prône Franck Clarot, cofondateur du collectif "Du côté de la science".

Le protocole de juin 2021

En juin 2021, pour les élections régionales et départementales, le protocole prévoyait notamment, outre le port du masque obligatoire pour tous, une file d'attente prioritaire à l'extérieur du bureau de vote pour les personnes vulnérables, l'aération régulière des locaux tout au long de la journée, et une limitation à 3 du nombre d'électeurs présents simultanément dans le bureau de vote.

L'incidence, qui ne cesse de croître dans tous les départements métropolitains sans exception, a doublé entre le 10 mars (632) et le 25 mars, où elle atteint 1289 cas pour 100 000 habitants en France. De quoi réunir un grand nombre de personnes malades et contagieuses sans masque les 10 et 24 avril, pour élire le futur président de la République.

* Le prénom a été modifié

VIDEO - Carnet de Santé - Dr Christian Recchia : "Le masque post-Covid deviendra-t-il un outil de prévention au quotidien ?"