Présidentielle 2022 : de Magali Berdah à Cyril Hanouna, le divertissement joue-t-il à un jeu dangereux ?

Éric Zemmour et Magali Berdah

Après Cyril Hanouna, c'est Magali Berdah, figure de la téléréalité, qui se lance dans l'interview politique à quelques mois de la présidentielle. S'ils veulent intéresser les Français à la politique, leur intention pourrait bien favoriser un camp en particulier.

Le monde du divertissement s'immisce dans la politique. Avec l'élection présidentielle en 2022, plusieurs acteurs inattendus tentent de jouer un rôle dans la campagne. Après Cyril Hanouna, qui a lancé son émission "face à Baba" dans laquelle il a reçu Éric Zemmour, c'est Magali Berdah, figure de la téléréalité, qui s'est à son tour lancé dans le grand bain politique en proposant un reportage issu d'une immersion de 24 heures dans la campagne d'Éric Zemmour.

Dans les deux cas, un seul objectif avoué : parler aux abstentionnistes. Magali Berdah, également chroniqueuse dans TPMP, confie viser "tous ceux qui ne comprennent pas et qui ne s’intéressent pas à la politique". De son côté, l'animateur, également auteur d'un livre, veut "absolument inciter les jeunes qui (l)e regardent, et les moins jeunes, à aller voter", expliquait-il à l'Est Républicain en octobre dernier, à l'occasion de la sortie de son livre "Ce que m’ont dit les Français".

"Zemmour touche un public qui n'irait pas voter"

"La règle pour les candidats, c'est d'accroître leur visibilité, leur notoriété. Donc ils visent tout type de publics, y compris celui de Cyril Hanouna et de Magali Berdah, qui est plutôt jeune et peu voire pas intéressé par la politique", décrypte Philippe Moreau-Chevrolet, professeur de communication politique à Sciences Po, président de la société MCBG Conseil.

Pour l'instant, seul un numéro de chacune de ces émissions a été tourné, avec dans les deux cas le même invité : Éric Zemmour. "En étant dans les deux émissions le premier à y participer, Zemmour s'assure les retombées presse, une notoriété, et touche un public qui n'irait pas voter", poursuit le communicant.

"Hanouna fait du para-politique"

En parallèle, Cyril Hanouna parle de plus en plus de politique dans son émission quotidienne phare "Touche pas à mon poste", d'une façon différente des habituelles émissions politiques. "Toutes les questions sont liées à la personnalité de l’invité. Il y a du répondant, bien sûr, mais d’un point de vue émotionnel. Les chroniqueurs disent 'je suis choqué que vous ayez tenu ces propos' mais leurs arguments ne sont ni techniques, ni politiques. En réalité, Hanouna fait du para-politique. Il veut donner les clés non pas d’un débat d’idées mais d’un casting", décrypte auprès de l'Ina Claire Sécail chargée de recherche au CNRS, qui comptabilise le temps d'antenne des politiques dans cette émission.

Magali Berdah comme Cyril Hanouna assurent avoir l'accord de plusieurs candidats pour d'autres numéros à venir d'ici au premier tour de la présidentielle. Leur prochain invité : Jean-Luc Mélenchon, à la fin du mois de janvier dans "Face à Baba" et dont le tournage semble avoir débuté avec Magali Berdah. Valérie Pécresse et Marine Le Pen auraient déjà donné leur accord à Cyril Hanouna, tandis qu'Anne Hidalgo ne souhaite pas débattre sur C8.

"Une émission favorable aux populistes"

Si les deux émissions veulent inviter l'ensemble des candidats, leur format pourrait favoriser certains d'entre eux. "Le type d'émission de Magali Berdah est favorable aux populistes, qui ont davantage de facilité à synthétiser leur message de manière émotionnelle, ce qui permet de toucher un public peu sensible à la politique. Ce sont aussi des candidats plus éduqués à la communication moderne, notamment via les réseaux sociaux", synthétise Philippe Moreau-Chevrolet.

Magali Berdah propose ainsi une immersion aux côtés de l'équipe de campagne d'Éric Zemmour. Durant la vidéo de 35 minutes, on y voit le candidat et certains de ses proches dont Stanislas Rigaut, président de Génération Zemmour, avec qui Magali Berdah affiche une proximité en l'appelant par son prénom.

"Une opération marketing pour le candidat"

"On voit un Éric Zemmour se présenter en homme de paix, fidèle à ses principes, se disant féministe, sans aucune contradiction. C'est une vraie opération marketing positive pour le candidat, avec une émission qui le rend sympathique, proche des gens, un peu à l'image d'Ambitions intimes. À l'inverse, il y a davantage de contenu politique dans l'émission "Face à Baba", avec la présence de contradicteurs", détaille le spécialiste en communication.

Si Cyril Hanouna espère inviter tous les candidats dans "Face à Baba", l'équité semble moins respectée dans son émission phare "Touche pas à mon Poste". Claire Sécail, chargée de recherche au CNRS comptabilise le temps d'antenne des politiques dans cette émission. "Entre le 30 août et la mi-décembre, je constate que les émissions sont basées sur deux sensibilités : l’extrême-droite, avec 53% de temps d’antenne politique dont 44% pour Éric Zemmour, et la majorité présidentielle, à 25%", explique-t-elle à l'Ina.

Si Cyril Hanouna rejette l'idée de favoriser un camp plutôt qu'un autre, "il est très sélectif. Il marginalise les autres familles politiques, en ne parlant que très peu par exemple de la primaire des Verts ou de celle des Républicains", conclut Claire Sécail. Reste à voir si la présence de ces candidats dans des formats qui les valorisent se traduira dans les urnes, ou se sera contenté de renforcer leur visibilité.

VIDÉO- Après sa rencontre à l'Elysée avec Marlène Schiappa, Magali Berdah répond aux critiques en direct