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Présidentielle au Brésil : Bolsonaro ou Lula, quel candidat pour sauver l’Amazonie ?

Towels with the images of presidential candidates Jair Bolsonaro and Luiz Inacio Lula da Silva are seen for sale at a street in Brasilia, on September 27, 2022. - Brazil entered the final stretch of the presidential campaign, a high voltage electoral duel between archrivals Jair Bolsonaro and Luiz Inácio Lula da Silva that, according to polls, could be defined already in the first round on October 2 in favor of the former president. (Photo by EVARISTO SA / AFP)

EVARISTO SA / AFP

Au Brésil, le président sortant d’extrême droite Jair Bolsonaro affrontera son prédécesseur de gauche Lula lors de la présidentielle. Le premier tour aura lieu dimanche 2 octobre.

ENVIRONNEMENT - Bientôt une savane ? En un mandat de Jair Bolsonaro, la déforestation au Brésil a presque atteint la surface de l’État de Rio de Janeiro, selon la plateforme MapBiomas. Ce n’est pas ce triste bilan qui empêchera le président sortant de briguer un second mandat lors de l’élection présidentielle, dont le premier tour se tient ce dimanche 2 octobre. Car s’il aborde les questions environnementales, son principal rival, l’ex-président de gauche Lula da Silva, est loin d’en faire sa priorité.

La protection de l’Amazonie aurait pourtant dû être le sujet brûlant de la campagne présidentielle quand on sait que le Brésil détient plus de 60 % du poumon vert de la planète. Mais la question a été reléguée au second rang par les thématiques d’insécurité, de chômage et de pauvreté.

Deux visions de l’exploitation de l’Amazonie

Quand ils s’emparent du sujet, les deux candidats s’affrontent sur leur vision de l’exploitation de la plus grande forêt tropicale du monde, explique Christophe Ventura, directeur de recherche à l’IRIS et spécialiste de l’Amérique latine, contacté par Le HuffPost.

Lula souhaite un développement du pays sans piétiner les terres indigènes. Tandis que Bolsonaro prône une économie beaucoup plus invasive et basée sur la transformation de l’Amazonie en terres exploitables pour les cultures. Lula a d’ailleurs fait de cette différence un atout misant sur une politique tolérance zéro contre l’orpaillage illégal, la déforestation et les incendies.

Avant de croire ou pas ces promesses, une comparaison permet de mettre en lumière la politique de ces deux rivaux : celle de la déforestation pendant leurs mandats.
« Sous les deux mandats de Lula, entre 2003 et 2011, elle a été divisée par quatre voire cinq, alors que sous Bolsonaro et Michel Temer (son prédécesseur, NDLR), elle a été multipliée par deux ou trois », nous confirme François-Michel Le Tourneau, directeur de recherche au CNRS et géographe spécialiste de l’Amazonie brésilienne.

Depuis 2019 et le début du mandat de Jair Bolsonaro, le rythme de déforestation de la forêt amazonienne s’est accéléré.
Statista Depuis 2019 et le début du mandat de Jair Bolsonaro, le rythme de déforestation de la forêt amazonienne s’est accéléré.

Statista

Depuis 2019 et le début du mandat de Jair Bolsonaro, le rythme de déforestation de la forêt amazonienne s’est accéléré.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Bolsonaro le 1er janvier 2019, la déforestation annuelle moyenne en Amazonie a augmenté de 75 % en comparaison avec la décennie précédente, selon l’Institut national de recherche spatiale au Brésil. En 2021, 13 000 km2 d’Amazonie ont été détruits, soit la surface de l’île de France. Un record depuis 2008 qui devrait être malheureusement dépassé en 2022.

Bolsonaro séduit les lobbies agricoles

Son mandat bat aussi les records de départs de feu. Le 22 août, plus de 3 350 incendies ont été détectés, soit le nombre le plus élevé depuis quinze ans. Selon les experts du climat, ces feux sont favorisés par l’action des éleveurs et propriétaires agricoles, qui défrichent illégalement en brûlant des arbres. Pendant quatre ans, Bolsonaro a fermé les yeux sur ces pratiques. Alors, à l’aune de l’élection, les « lobbies agricoles » anticipent une victoire de Lula remarque François-Michel Le Tourneau : « On peut se demander dans quelle mesure l’accélération de la déforestation cette année (...) n’a pas un lien avec la crainte que Lula revienne au pouvoir. »

Les exploitants agricoles et entreprises privées désireuses d’agrandir la surface de leurs exploitations ont tout à gagner avec une nouvelle victoire de Bolsonaro. Le président d’extrême droite prévoit de continuer de détricoter les mesures qui encadrent la préservation de l’Amazonie. Concrètement, depuis son accession au pouvoir, il n’a pas appliqué la législation brésilienne désignant la forêt comme un « bien commun de tous les habitants du pays ». « S’il n’a pas eu la puissance lors de son premier pour changer cette législation, on peut craindre qu’il le fasse s’il est élu pour un second mandat », s’inquiète le géographe.

Dans les faits, le président a retiré les pouvoirs et asséché les comptes des organismes de surveillance environnementale. Pire, il a accéléré l’exploration minière et le business agricole grignotant peu à peu les derniers lopins de terre des populations autochtones. Le leader des Indiens d’Amazonie, Raoni Matuktire, parle de « crimes contre l’Humanité ».

Un bilan pas si vert pour Lula

Avec un tel bilan, difficile de faire pire que Bolsonaro. Cela ne veut pas dire que Lula fait l’unanimité auprès des peuples autochtones. Interrogé par RFI, l’un des chefs des Guajajara rappelle que « lui aussi s’est attaqué à notre territoire. C’est sous son gouvernement que la construction du barrage Belo Monte a été décidée ». Celui qu’on surnomme localement le « Belo Monstro » aurait, selon ses opposants, accéléré la déforestation et favorisé le plus grand trafic d’or du Brésil, détaille Le Monde.

Autre ombre au tableau du mandat de Lula, la démission en 2008 de Marina Silva, sa ministre de l’Environnement. Création de réserves environnementales, démarcation de terres indigènes, fin de l’impunité judiciaire pour les exploitants illégaux de la forêt : ce sont les mesures de cette ministre engagée qui ont permis de ralentir considérablement le rythme de déforestation entre 2002 et 2006, rappelle cette analyse de l’économiste Thomas Coutrot dans la revue scientifique Cairn. Mais le manque de soutien et l’ambivalence de la politique écologique de Lula l’ont contrainte à se retirer.

Cette démission rappelle que le leader du Parti des travailleurs n’est pas un « écologiste ». Bien au contraire, dans un discours controversé tenu en novembre 2006, Lula avait souligné les « entraves à la croissance économique » représentées par « l’environnement, les Indiens, les Quilombolas », note encore l’article de Cairn. Le développement économique est effectivement primordial pour l’ex président de gauche, « il faut d’abord nourrir les travailleurs et ensuite protéger l’environnement », analyse François-Michel Le Tourneau. Selon le scientifique, Lula reste tout de même une meilleure option que son concurrent car, au moins, « il applique la législation de préservation de l’Amazonie ».

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