Présidentielle américaine 2024 : le soutien sans faille de Joe Biden à Israël pose question

Joe Biden (à gauche) à côté de Benjamin Netanyahu (à droite) lors de la visite du président américain en Israël, le 18 octobre 2023.
BRENDAN SMIALOWSKI / AFP Joe Biden (à gauche) à côté de Benjamin Netanyahu (à droite) lors de la visite du président américain en Israël, le 18 octobre 2023.

INTERNATIONAL - « Jamais nous ne manquerons de les soutenir. » Dès l’attaque surprise du Hamas le 7 octobre, Joe Biden a assuré que le soutien des États-Unis aux Israéliens était « gravé dans le marbre et inébranlable ». Mais près d’un mois plus tard, force est de constater que cette prise de position pourrait bien se retourner contre le président américain en lice pour un second mandat à la Maison Blanche.

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Joe Biden a toujours été un fervent défenseur de la cause israélienne. Tout au long de sa très longue carrière politique, il a été le témoin des multiples attaques contre Israël que les États-Unis ont toujours défendu. « Je suis un sioniste dans le cœur », affirmait-il lui-même dans un discours en 1999 alors qu’il était sénateur, se souvient l’agence Associated Press.

Sauf que cette position ne fait plus l’unanimité depuis une dizaine d’années, constate Jérôme Viala-Gaudefroy, chargé de cours à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye, interrogé par Le Huffpost. « Malgré la tradition pro-israélienne des États-Unis, les critiques envers le gouvernement de Benjamin Netanyahu qui penche vers l’extrême droite sont de plus en plus fortes, en particulier chez les jeunes et les non-blancs », explique le spécialiste de la politique américaine.

Fracture générationnelle

En témoignent les manifestations pro-palestiniennes un peu partout aux États-Unis ces dernières semaines, de New-York aux campus des grandes universités américaines. Par exemple à Berkeley, en Californie, des centaines d’étudiants ont appelé à un cessez-le-feu à Gaza et à mettre un terme au soutien à Israël.

À Harvard, une trentaine d’organisations étudiantes ont publié un communiqué désignant « le régime israélien pour entièrement responsable de la violence ».

De récents sondages éclairent sur l’ampleur de la fracture générationnelle. L’un réalisé par NPR/PBS NewsHour/Marist révèle qu’à peine la moitié (48 %) de la « Gen Z » (personnes nées entre 1996 et 2010) pense que les États-Unis doivent exprimer publiquement leur soutien à Israël, contre 63 % des 50-60 ans, 83 % des 60-80 ans, et 86 % des plus de 80 ans.

Joe Biden, qui fêtera ses 81 ans le 20 novembre prochain, est critiqué pour son refus d’appeler au cessez-le-feu tant que les otages du Hamas ne sont pas libérés. Outre les jeunes, cette prise de position met en colère la population musulmane américaine. Le National Muslim Democratic Council, groupe démocrate qui défend les musulmans américains, a ainsi promis de mobiliser les électeurs afin qu’ils « retirent leur soutien, suspendent leurs donations, et ne votent pas pour les candidats qui soutiennent l’offensive israélienne contre le peuple palestinien ». Menaçant en creux le locataire de la Maison Blanche à un an tout juste de l’élection présidentielle.

L’abstention pourrait être dévastatrice pour Biden

Son appui total à Israël, qui intensifie les frappes sur la bande de Gaza interroge aussi. « (Les Américains) soutiennent le droit d’Israël à se défendre, à exister. Mais ils ne veulent pas soutenir un crime de guerre pour un autre crime de guerre. Et je pense que le président devrait faire attention à ça », a mis en garde l’élue démocrate Pramila Jayapal sur NBC News. Joe Biden a malgré tout prévenu Israël de « ne pas être consumé par la rage », faisant la comparaison avec les attentats 11 septembre 2001 : « Nous étions en furie aux États-Unis. Tout en cherchant la justice et en l’obtenant, nous avons aussi commis des erreurs. »

Le parti démocrate le sait, Joe Biden ne peut pas se permettre de perdre des électeurs pour l’élection du 5 novembre 2024 où il sera probablement face à Donald Trump, qui survole les intentions de vote côté républicain. « Les musulmans et arabes américains ne représentent pas énormément au niveau de l’électorat, mais leur impact dans une élection très serrée peut être important », alerte Jérôme Viala-Gaudefroy. Il donne comme exemple le Michigan « où Joe Biden l’a remporté avec quelque 150 000 voix d’avance en 2020 et où la communauté musulmane compte environ 130 000 personnes ». L’électorat jeune, traditionnellement plus à gauche, est tout aussi fondamental.

« Joe Biden ne peut pas se permettre de perdre des voix. Les électeurs ne vont pas se rabattre Donald Trump, mais ils vont sûrement ne pas aller voter », poursuit le spécialiste des États-Unis. « Est-ce que 2, 3, 4 millions d’électeurs pourraient s’abstenir, ne pas voter pour Joe Biden à cause (de la guerre Israël-Hamas) ? C’est complètement possible », affirme également Matthew Hoh, ancien capitaine des Marines américain, dans le Guardian.

Biden sera-t-il sanctionné ?

Quant à Donald Trump, son discours n’est pas aussi tranché que celui de son rival. L’ancien président américain a affirmé que les États-Unis étaient « entièrement » avec Israël lors d’une réunion organisée par la Coalition juive républicaine (RJC). Mais il a aussi qualifié le Hezbollah, allié du Hamas palestinien, de « très intelligent », et n’a pas manqué de critiquer Benjamin Netanyahu qui « n’était pas préparé » à l’attaque du groupe qualifié de terroriste par les États-Unis.

Il ne faudrait toutefois pas voir la guerre Israël-Hamas comme un énorme caillou dans la chaussure de Joe Biden. « Normalement, les questions internationales ne déterminent pas une élection », tempère Jérôme Viala-Gaudefroy, citant les exceptions de la guerre au Vietnam ou la crise des otages américains en Iran sous Jimmy Carter en 1979-1980. Le spécialiste rappelle que « l’économie et les questions de société » restent les priorités.

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