Présidentielle américaine 2024 : Kamala Harris joue la succession de Joe Biden

Joe Biden et Kamala Harris, ici le 23 février 2023, se lancent ensemble dans la présidentielle 2024.
Joe Biden et Kamala Harris, ici le 23 février 2023, se lancent ensemble dans la présidentielle 2024.

ÉTATS-UNIS - Kamala Harris a déjà été présidente des États-Unis. C’était le 19 novembre 2021, lorsque Joe Biden a subi une coloscopie. Elle est sortie de l’ombre de la vice-présidence pendant 1 h 25 avant de redonner les rênes du pouvoir au président. Mais avec l’officialisation de la candidature de Joe Biden pour 2024, qui l’a encore choisie comme colistière, Kamala Harris va de nouveau attirer la lumière des projecteurs.

Car à l’aube de l’élection présidentielle, l’âge de Joe Biden interroge. À 80 ans, il est déjà le plus vieux président des États-Unis en exercice. Il aura 86 ans en 2028, fin de son potentiel second mandat, ce qui ne manque pas d’être pointé du doigt par l’opposition républicaine et de poser question chez les démocrates.

« On nous a toujours dit que les électeurs votaient pour le candidat à la présidentielle, pas pour le vice-président. Mais parce que Biden aura 86 ans à la fin du second mandat - et que les chances que sa santé décline ne sont pas minces - on demandera aux gens de voter autant pour la vice-présidente que pour lui », souligne dans un édito le journaliste du New York Times Thomas L. Friedmann, qui revendique avoir voté Biden en 2020.

Kamala Harris héritière de Joe Biden

Le président américain le sait, et ce n’est pas un hasard si Kamala Harris, 58 ans, apparaît plus d’une dizaine de fois dans la vidéo où il annonce sa candidature. Elle doit attirer les jeunes électeurs, assumer sa place de vice-présidente après deux années en demi-teinte, et prouver qu’elle mérite d’accompagner Joe Biden à nouveau. Elle doit aussi faire imprimer son visage, car dans l’hypothèse où le président se retrouve incapable de diriger ou s’il meurt en cours de mandat, c’est elle qui le remplacera, comme le veut la Constitution.

Dans ce contexte Kamala Harris, première femme de couleur à occuper le poste de vice-présidente, va subir les attaques directes de la droite, anticipe auprès du Huffpost Jérôme Viala-Gaudefroy, chargé de cours à Sciences po Saint-Germain-en-Laye et spécialiste des États-Unis.

Elle va particulièrement être la cible de l’ex-président Donald Trump déjà entré dans la course à la présidentielle, un homme qui est « raciste et sexiste », ajoute Jérôme Viala-Gaudefroy. « Kamala Harris va désormais être beaucoup plus scrutée. Comment va-t-elle s’en sortir ? », s’interroge-t-il.

L’ancienne procureur générale de Californie et sénatrice s’était fait remarquer pendant sa campagne éphémère à la présidentielle 2020. À la peine dans les sondages après quelques mois, elle a jeté l’éponge avant même le début de la primaire démocrate, puis a été désignée comme colistière de Joe Biden à quelques semaines de l’élection.

Un dossier piège sur l’immigration

Beaucoup plus jeune, femme, issue des minorités, elle avait pour objectif de dépoussiérer l’image du président. Mais le grand espoir du parti démocrate a depuis perdu de sa splendeur. « Elle a été chargée du dossier sur l’immigration, un dossier très compliqué. Elle a notamment été critiquée par les républicains, car elle a mis beaucoup de temps à se rendre à la frontière avec le Mexique », retrace Jérôme Viala-Gaudefroy.

Comme Joe Biden, elle a été la cible de moqueries de ses opposants après des gaffes. Par exemple en juin 2021, un journaliste lui a demandé pourquoi elle ne s’était pas encore rendue à la frontière américano-mexicaine. « Je n’ai pas non plus été en Europe », a-t-elle rétorqué dans un rire, attirant les critiques de l’opposition. « La vice-présidente pense que la crise des frontières est une blague hilarante », lui a notamment répondu sur Twitter le républicain Kevin McCarthy, devenu depuis président de la Chambre des représentants (équivalent de l’Assemblée nationale).

Comme tout vice-président, Kamala Harris a aussi un rôle très effacé et n’a pu s’imposer pour se présenter à la place, ou en face de, Joe Biden. « Elle est faible dans les sondages [environ 42 % d’opinions négatives, au même niveau que Joe Biden selon le site Five Thirty Eight, NDLR], alors les démocrates ont décidé de prendre quelqu’un qui a déjà battu Donald Trump », analyse Jérôme Viala-Gaudefroy.

Placer ses pions pour 2028

Le spécialiste de la politique américaine estime que les élections de mi-mandat de novembre dernier, qui ont été à la surprise générale très bonnes pour les démocrates, ont été l’élément déclencheur dans ce choix. « Aucune personnalité démocrate, à part le président, n’a les épaules pour la présidentielle, explique-t-il. On aura vraiment un match Biden-Trump. C’est inéluctable : même si Trump n’est pas choisi par le parti aux primaires républicaines, il ne renoncera jamais et il se présentera sûrement comme indépendant. »

Malgré tout, celle qui est « à un battement de cœur de la Maison Blanche » selon l’expression consacrée, reste « une carte intéressante » à jouer, estime Jérôme Viala-Gaudefroy : « Kamala Harris est en train de refaire son image : elle est allée à un meeting sur l’avortement après l’annonce de la candidature de Joe Biden, c’est un sujet sur lequel elle peut jouer un rôle important. Elle remet aussi en avant le fait qu’elle est une femme ainsi que ses origines pour montrer la diversité... »

Si ce relooking politique est important dans la perspective de 2024, il doit aussi permettre de poser les premiers jalons pour 2028 : un vice-président devient souvent le successeur désigné du président qu’il a servi, à l’image de Joe Biden après Barack Obama.

Le chemin semble néanmoins encore long pour Kamala Harris, a souligné sur Radio Canada le journaliste Alexis Buisson, auteur d’une biographie sur la vice-présidente : « On a quand même du mal à identifier les sujets qui l’animent ou qui la motivent. Si elle espère gagner une élection un jour, il faut qu’elle parvienne à articuler ou à exprimer une vision pour les États-Unis qui soit différente aussi de celle de Joe Biden. »

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