Présidentielle: avec 1,8%, Hidalgo clôt une longue campagne avec un échec historique pour le PS

La maire de Paris et candidate PS à la présidentielle française Anne Hidalgo en meeting de campagne à Limoges, le 22 mars 2022 - PASCAL LACHENAUD © 2019 AFP
La maire de Paris et candidate PS à la présidentielle française Anne Hidalgo en meeting de campagne à Limoges, le 22 mars 2022 - PASCAL LACHENAUD © 2019 AFP

Fin de partie pour l'ambition présidentielle d'Anne Hidalgo. La candidate du Parti socialiste (PS), qui a obtenu 1,9% des voix au premier tour de l'élection, se classe en queue de peloton. La maire de Paris se voit dépassée par Nicolas Dupont-Aignan (2,1%), Fabien Roussel (2,5%) et Jean Lassalle (2,8%). Elle ne s'impose guère que devant les deux candidats trotskystes, Philippe Poutou (0,7%) et Nathalie Arthaud (0,6%).

>> Présidentielle: découvrez les résultats du premier tour dans votre commune sur notre plateforme, suivez les réactions et les analyses en direct

La candidate ne passe donc pas la barre des 5% des voix, nécessaire pour obtenir le remboursement des frais de campagne. Anne Hidalgo obtient moins de suffrages que Benoît Hamon, largement battu en 2017 avec 6,36% des voix et réalise le pire score de l'histoire du Parti socialiste, créé en 1969, à la disparition de la SFIO.

876450610001_6303530617001

Ce dimanche soir vient ainsi conclure une campagne poussive, qui n'a jamais vraiment décollé, suscitant l'agacement de certains militants. "Il y a eu beaucoup d’amateurisme dans cette campagne et je crains que ça ne se retourne contre nous", nous glissait l’un d’eux, quelques minutes après la fin du meeting d’Hidalgo au Cirque d’Hiver le week-end précédant le premier tour.

"Ça fait 10 ans que je suis au parti. Des conneries, j’en ai vues… mais là c’est autre chose."

Virevolte sur la primaire

Lorsqu'au mois de septembre dernier, Anne Hidalgo déclare sa candidature à la présidentielle depuis Rouen, la maire de Paris est alors créditée autour de 7% d'intentions de vote à la présidentielle. Officiellement au PS, l'inquiétude n'est guère de mise. "Je pense que ces sondages n'ont absolument aucun intérêt à six mois de l'élection présidentielle", estimait ainsi auprès de BFMTV.com l'un des porte-parole du PS, Pierre Jouvet, un mois après ce discours.

Finalement, la baisse dans les sondages est lente et inexorable, jusqu'à chuter à 1,5-2% d'intentions de vote dans les derniers jours de la campagne officielle. La campagne est traversée de soubresauts, comme ce 8 décembre dernier, lorsque la candidate décide dans un sursaut de descendre en gare de Poitiers (Vienne) pour rentrer à Paris et s'inviter au journal télévisé de TF1 alors qu'elle devait se rendre à La Rochelle (Charente-Maritime).

Le matin-même, sur France 2, l'édile s'opposait à une primaire, fustigeant "une union qui serait perçue comme artificielle parce qu'il y a des candidats qui sont depuis longtemps déclarés". Le soir, sur TF1, changement de pied total.

"Il faut organiser une primaire de la gauche arbitrée par les citoyens", se positionne alors Anne Hidalgo à la surprise générale.

Finalement, l'opposition farouche des autres candidats de gauche, à l'exception d'Arnaud Montebourg (qui jettera l'éponge les semaines suivantes), aura raison de cette demi-volte. Fin janvier, sur BFMTV, elle affirme "continuer (son) chemin", sans passer par la primaire. "La page est tournée, j'ai une proposition, un projet, une équipe avec des maires, des élus, beaucoup de femmes et d'hommes partout sur le territoire", étaye-t-elle.

"J'irai jusqu'au bout"

Anne Hidalgo le dit, quitte à se répéter plusieurs fois: "J'irai jusqu'au bout", martèle-t-elle en octobre dernier. Même écho en novembre, en déplacement à Tulle (Corrèze) au côté de François Hollande. "Je n'ai pas peur", enfonce-t-elle en janvier, en meeting à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), devant une audience clairsemée - "La salle n’était pas adaptée (…), ce n’était pas une réussite", reconnaît un proche de la candidate, quelques semaines plus tard.

"L'état d'esprit est de continuer la campagne jusqu'à vendredi, 23h59", jurait à BFMTV.com Rachid Temal, quelques jours avant la fin de la campagne officielle. "Il faut continuer jusqu'au dernier moment, aller chercher chaque voix avec les dents", insistait le sénateur socialiste du Val-d'Oise.

Les sondages? "Si on ne s'arrête qu'à ça, on n'avance pas beaucoup", balayait l'élu du palais du Luxembourg. "Aujourd'hui, la gauche capable, ambitieuse et réaliste, c'est Anne Hidalgo."

876450610001_6303042688001

"Électrochoc"

Si la loyauté est de mise, l'ambiance n'était toutefois pas non plus à la fête, voire un brin désabusée ces derniers jours. "On est dans une situation difficile, mais il faut tenir bon", estimait quant à lui Jean-Pierre Sueur. Pour le sénateur du Loiret, ancien ministre de François Mitterrand et militant socialiste de longue date, la déroute d'Anne Hidalgo n'est pas imputable à la candidate mais "vient de loin".

"Dans les cinq dernières années, je pense qu'on n'a pas fait le travail de renouveler nos propositions", juge le rocardien. "Je n'attends pas des miracles. Le résultat de dimanche doit être un électrochoc", prédisait-il, tout en jurant d'une fidélité absolue: "Tous ceux que je vois, le groupe du Sénat est très fidèle. On est sur les marchés, on rencontre des gens, mais tout le monde est lucide. Nous savons qu'il faudra rebâtir", confiait Jean-Pierre Sueur.

"Hidalgo veut se défausser de son score en disant que le PS n’a pas travaillé", rétorque un membre de la direction du parti. "Le PS a passé deux ans à travailler sur ce programme, il n’y a eu aucun ajout de la candidate. Sans le PS, il n’y aurait pas eu de campagne. Anne Hidalgo pensait avoir plein de bénévoles. Ce n’était pas le cas. (...) On lui a aussi financé sa campagne."

Une campagne avec un petit budget, "très largement" inférieur à 10 millions d'euros selon le PS. Bien loin des années précédentes: en 2017, la campagne de Benoît Hamon avait coûté 16 millions ; en 2012, celle de François Hollande avait coûté 21 millions. C'était "super low-cost", explique un proche d’Anne Hidalgo: "J’ai payé mes déplacements sur mes comptes perso. (…) Elle a voyagé en deuxième classe, elle n’a presque pas pris l’avion."

Ambiance délétère au PS

Avec un moral déjà en berne, la révélation d'agapes censées rester secrètes mercredi soir n'a pas contribué à améliorer l'état d'esprit général. Un dîner s'est tenu à la questure du Sénat, a révélé Le Monde. Étaient attablés Anne Hidalgo, le sénateur Patrick Kanner, les maires de Lille et Nantes Martine Aubry et Johanna Rolland, la présidente d'Occitanie Carole Delga et l'ancien chef de l'État François Hollande.

L'objectif de la rencontre, selon le quotidien, était de réfléchir au futur du PS après la présidentielle.

"Le PS ne peut pas prétendre être l’alpha et l’oméga d’un succès aux législatives", explique Patrick Kanner à BFMTV. "On veut faire l’union dans le plus grand nombre de circonscriptions possibles (…). S’il y a 4 ou 5 candidats de gauche, c’est sûr que c’est foutu."

Olivier Faure, Premier secrétaire du PS, n'était pas convié. "Je sens que les relations entre lui et Hidalgo ne sont pas les meilleures", euphémise un proche de la candidate. Un tweet de l'intéressé, publié plus tard dans la soirée et accompagné d'une photo de militants réunis pour dîner, avait tout l'air d'une réponse cinglante: "Dîner public avec ceux qui se démènent jusqu'au bout dans le Finistère après une réunion publique à Morlaix."

"Une telle réunion la veille du 1er tour de l'élection présidentielle. La suite s'écrit déjà en catimini?", a grincé, également dans un tweet, l'ancien ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll, passablement agacé.

Hidalgo veut "s'impliquer dans la reconstruction"

"On est à un moment où le parti d’Epinay a donné tout ce qu’il pouvait", constate un proche d’Anne Hidalgo, qui parle d’un "assèchement idéologique" du parti. Il évoque la "reconstruction" à venir - dans laquelle la maire de Paris aura tout de même son mot à dire. Lors du meeting d’Anne Hidalgo à Limoges, le 22 mars, François Hollande lui-même a appelé à "reconstruire la gauche de responsabilité".

En attendant, mardi sur franceinfo, Anne Hidalgo avait déjà semblé prendre acte de sa défaite.

"Bien sûr, j'aime Paris et je m'occuperai de Paris parce que c'est ma mission, mais je veux m'impliquer dans cette reconstruction de la gauche, pour que la gauche revienne un jour au gouvernement, le plus rapidement possible", avait-elle répondu, questionnée par un auditeur.

La maire de la capitale a même confié son "plus grand regret" de ces cinq dernières années: "Sans doute de ne pas m'être plus impliquée dans la politique nationale."

Article original publié sur BFMTV.com