La présentation de la planification écologique promise par Emmanuel Macron tourne au grand n’importe quoi

Dans les tuyaux depuis le début de l’été, la présentation de la stratégie nationale n’a cessé d’être reportée, semant le trouble autour de ce projet défini comme prioritaire par le chef de l’État.

Emmanuel Macron lors de son meeting du 16 avril à Marseille pendant l’entre-deux-tours  (illustration).
Associated Press/Laurent Ciprian

POLITIQUE - Marseille, 16 avril 2022, Emmanuel Macron place l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle sous le signe de l’écologie : « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas ! » Réélu, le président de la République lance un vaste plan d’actions national dit de « planification écologique ». Puis pendant seize mois, le couple exécutif qu’il forme avec la Première ministre Élisabeth Borne martèle que le chantier est prioritaire. Sauf qu’en cette rentrée 2023, la stratégie nationale complète n’a toujours pas été présentée…

Il y a 16 mois, quand elle remplace Jean Castex à Matignon, Élisabeth Borne hérite d’un titre inédit : « Première ministre, chargée de la Planification écologique et énergétique ». Au sein de son premier gouvernement, nommé le 20 mai 2022, le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires occupe la 5e place dans l’ordre protocolaire. Puis en juillet, le Secrétariat général à la Planification écologique voit le jour avec à sa tête Antoine Peillon, un ancien du cabinet présidentiel. Autant de signaux forts.

Où est passé le Conseil de Planification écologique ?

Les équipes se mettent au travail, entre septembre 2022 et fin juin 2023. Avec un certain succès : « Le travail de Peillon est intéressant. Ils ont la bonne méthode », confiait encore fin juin au HuffPost une figure de l’écologie politique, pourtant pas la dernière à critiquer la vision macroniste.

Mais le « mais » n’est jamais bien loin. Car après les déclarations fortes d’Emmanuel Macron, l’attente est aujourd’hui jugée trop longue et la concrétisation de la Planification demeure gazeuse. Quelques annonces, distillées par-ci par-là par Élisabeth Borne ou le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, ont bien été entendues, mais la stratégie complète, et avec elle la vision présidentielle de l’écologie, se font attendre.

L’association spécialiste du changement climatique Réseau action climat s’est ainsi payé le gouvernement. « Alerte disparation : nous avons perdu le Conseil de Planification écologique », écrivent les activistes ce mercredi 6 septembre. Et pour cause : en cette rentrée marquée par l’interdiction de l’abaya à l’école, et alors qu’une vague caniculaire tardive jamais vue s’abat sur le pays, la question climatique est reléguée au second plan par l’exécutif.

Un problème de « quand »

Retour sur un long cafouillage. Le 22 mai 2023, après des mois de travail en coulisses, Élisabeth Borne assiste en personne au Conseil national de la Transition écologique. Il est consacré à la « décarbonation du secteur » et la Première ministre décline à cette occasion les objectifs du gouvernement. À la sortie, les participants ne sont pas totalement sous le charme, mais saluent tout de même l’implication de Matignon. Il faut dire que les attentes sont fortes : « La Première ministre et son gouvernement ont maintenant une responsabilité énorme : revoir leur copie pour revenir d’ici à l’été avec toutes les mesures structurantes à activer », confie au Monde Pierre Cannet, le représentant de la WWF.

Fin juin, dans un entretien à La Provence, Emmanuel Macron annonce ensuite qu’Élisabeth Borne « présentera (...) la planification écologique dans les quinze premiers jours de juillet ». La date du 5 juillet est alors retenue, et les préparatifs lancés pour ce grand rendez-vous où la présence d’Emmanuel Macron est annoncée. Mais le 27 juin, la mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier lors d’un contrôle, provoque une flambée de violences dans le pays. Le Conseil de Planification écologique se transforme en une simple réunion sans annonce.

La crédibilité du projet - et du gouvernement sur le sujet - est dès lors écornée. Une semaine plus tard, Élisabeth Borne annonce devant le Conseil national de la Transition écologique avoir « un plan. » Elle n’en présente que les grandes lignes (dont les enveloppes allouées) qui doivent aboutir à « une stratégie complète, cohérente, concrète et efficace ». La date du 17 juillet circule, relayée sur France Inter par Antoine Peillon lui-même, comme l’échéance retenue pour les annonces.

Il n’en sera rien. L’Élysée se défend désormais en évoquant « les événements » qui ont fait que « le mois de juillet n’était pas propice ». « Il y a la volonté de l’exécutif de faire la présentation de cette Planification dans un moment qui lui soit dédié », assure la présidence. Le 21 juillet, dans un propos liminaire face au gouvernement Borne 3 tout juste nommé, Emmanuel Macron fixe ainsi une nouvelle échéance en faisant savoir que « la planification écologique va structurer l’agenda de rentrée ». Trois jours plus tard sur TF1 et France 2, il évoque « la fin de l’été ».

Ce mercredi 6 septembre, à la sortie du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran est pressé de questions : qu’il s’agisse de la fin de l’été ou de la rentrée, le délai arrive à son terme. Et alors que l’Élysée peine toujours à répondre clairement au « quand », s’ajoute désormais la question du « qui ».

Et un problème de « qui »

Alors pour tenter d’apporter des réponses à la presse, le porte-parole du gouvernement dévoile la date du prochain grand rendez-vous de la Planification écologique. « Nous aurons l’occasion de discuter d’écologie de manière encore plus concrète d’ici la semaine du 18 septembre puisque ce sera la semaine au cours de laquelle la Première ministre présentera la feuille de route de la planification écologique », assure-t-il, alors qu’il est interrogé sur l’action, quelques heures plus tôt, du collectif Dernière Rénovation à proximité de l’Élysée.

Donc, en fin de compte, ce serait Élisabeth Borne et plus le président de la République ? Si l’implication de la Première ministre est saluée, les associations attendent aussi fortement un « portage présidentiel », comme le disait Anne Bringault, coordonnatrice des programmes au Réseau Action Climat, à la sortie du CNTE, dans Le Monde le 12 juillet. « Ce n’est pas tout d’avoir la méthode, après il faut aussi faire de la politique, incarner ce que l’on dit. Quand ensuite on se rend au Bourget en hélico… », cinglait aussi en juin notre figure écologiste.

« Ce n’est pas tout d’avoir la méthode, après il faut aussi faire de la politique, incarner ce que l’on dit » - une figure de l’écologie au HuffPost.

Face aux critiques, l’Élysée, interrogé sur les propos d’Olivier Véran, nuance : Élisabeth Borne présentera les conclusions aux chefs des partis politiques, mais « le président de la République prendra évidemment sa part dans la présentation de la Planification ». D’ailleurs, la date avancée par le porte-parole n’est pas clairement confirmée et Emmanuel Macron, dans sa lettre résumé des rencontres de Saint-Denis, ne le fait pas davantage. « Je vous propose que la Première ministre puisse vous présenter en détail le projet (...) et que sur la base de vos retours, nous puissions y revenir dans les meilleurs délais », écrit-il dans ce courrier expédié le 6 septembre. Toujours sans fixer une échéance précise.

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