Près de Las Vegas, le mystère du lac Mead, où la sécheresse met à jour des cadavres

Le lac Mead, au plus bas depuis les années 1930 - MARIO TAMA / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Victime de sécheresse, le plus grand réservoir d'eau des Etats-Unis devient le théâtre de découvertes qui illustrent le passé violent de cette région du Nevada.

Un scénario tout droit sorti de l'imagination de Martin Scorsese. Depuis maintenant plusieurs mois, le lac Mead, situé près de Las Vegas, dans l'État du Nevada, est soumis à une importante sécheresse. Conséquence, le plus important réservoir artificiel des États-Unis voit son niveau d'eau baisser drastiquement, à raison de 30 centimètres chaque semaine et est passé d'une altitude de 365 mètres au-dessus du niveau de la mer, historiquement son point le plus haut, à seulement 317 mètres ce mardi.

Un crime signé

Au-delà de la catastrophe écologique que provoque cet assèchement progressif, c'est également une page très sombre de l'histoire de la région qui est rouverte par la baisse des eaux. Depuis le mois de mai, trois cadavres, qui étaient auparavant submergés, ont été retrouvés dans le lac, dont le dernier en date ce lundi.

En mai, le premier corps découvert avait particulièrement attiré l'attention des policiers et du public : il s'agissait du squelette d'un homme abattu d'une balle dans la tête, fourré dans un fût et jeté au fond du lac voici une quarantaine d'années. Un modus operandi typique de la mafia locale.

C'est en se fondant sur des effets personnels trouvés avec le corps que la police de Las Vegas a estimé que le meurtre remontait à la fin des années 1970 ou au début des années 1980, période où la pègre était particulièrement active dans la capitale du jeu.

Officiellement, cette victime n'a pas été identifiée. Cependant, deux responsables du Mob Museum, le musée du crime organisé qui se trouve justement à Las Vegas, ont mené de leur côté des recherches afin de donner une identité au squelette. Ils dévoilent leurs conclusions dans un long article publié par le Daily Mail.

Trois hypothèses pour un tueur ?

Selon eux, trois personnes peuvent correspondre avec cette disparition. En premier lieu, George 'Jay' Vandermark, embauché par la mafia pour superviser les machines à sous de quatre casinos tenus par la pègre. Disparu en 1976, il aurait tenté de doubler ses employeurs qui n'auraient que très peu apprécié la démarche. Les auteurs doutent toutefois que ce dernier soit l'homme du tonneau.

Puis, vient l'hypothèse de William Crespo, un trafiquant de drogue qui se serait un poil trop confié à la police après avoir été interpellé pour un trafic de cocaïne. Celui-ci devait en effet témoigner contre un caïd de la mafia mais n'a finalement jamais été jugé, car porté disparu.

Théorie la plus fiable pour les deux spécialistes, celle qui mène à Johnny Pappas, responsable d'un casino qui possédait également un bateau amarré sur le lac Mead. Le jour de sa disparition, qui n'a toujours pas été expliquée, celui-ci devait justement rencontrer un individu prétendument intéressé pour acheter ce bateau. L'hypothèse Johnny Pappas est soutenue par un journaliste du Nevada Independant qui a connu le mafieux durant sa jeunesse.

Pour le bureau du coroner du comté de Clark, en charge des investigations, il faudra au moins un an pour identifier formellement les restes. Des examens ADN devront être effectués sur les descendants des disparus.

Plus passionnant encore, s'il est prouvé que ces trois hommes ont bel et bien un lien avec le milieu de la pègre, et s'il s'agit bien de l'un deux dans ce tonneau, alors il est également probable qu'ils aient été les victimes de l'un des plus sanguinaires tueurs de la mafia de l'époque, Tony Spilotro. Celui-ci, qui s'était fait comme spécialité de tirer dans la tête de ses victimes, a très largement inspiré le personnage campé par Joe Pesci dans le film Casino de Martin Scorsese, qui retrace l'histoire de la pègre à "Sin City."

Il a terminé sa vie enterré dans un champ de maïs de l'Indiana, éliminé par ses amis qui, en raison de ses déboires récurrents avec la justice, le trouvèrent d'un coup bien trop envahissant.

Passé sanglant

Au-delà de l'image que l'on se fait de Las Vegas, son Strip, ses gigantesques hôtels, ses machines à sous, cette ville construite ex nihilo dans l'immensité aride du Nevada a une histoire très chargée, faite de violence et de cadavres dans le désert. "Il y a des tas de trous dans le désert. Et des tas de problèmes enterrés dans ces trous", lance d'ailleurs le personnage campé par Joe Pesci dans Casino.

Dans l'après-guerre immédiat, moment où Las Vegas connaît son essor, les familles de mafieux de l'ensemble du pays considèrent l'endroit comme une "ville ouverte", comprendre sans lutte de territoire et où tout le monde peut profiter de la manne financière. Parmi eux, la pègre de Chicago, qui via une société écran nommée Argent Corp. dirigeait de nombreux établissements. Tony Spilotro en était l'un des principaux hommes de main.

Alors qu'une paix relative régnait entre les différentes familles impliquées, les règlements de compte en sous-main se multipliaient pourtant, et des dizaines d'individus ont commencé à disparaître pour leur implication dans divers trafics, ou bien pour leur propension à parler aux policiers. Selon le Mob Museum, Las Vegas a ainsi vu, rien que pour 1974, plus de meurtres de gangs qu'au cours des 25 années précédentes combinées.

Si le lac Mead continue de s'assécher, il semble alors plus que probable que la prémonition des services de police, à savoir que de nouveaux restes humains apparaissent dans les semaines à venir, se réalise.

Article original publié sur BFMTV.com

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