Présidentielle: comment Emmanuel Macron et Éric Zemmour se sont affrontés à distance cette semaine

Le président de la République a plusieurs fois répondu cette semaine au polémiste, sans jamais toutefois le nommer. - BENOIT TESSIER - ATTILA KISBENEDEK
Le président de la République a plusieurs fois répondu cette semaine au polémiste, sans jamais toutefois le nommer. - BENOIT TESSIER - ATTILA KISBENEDEK

Emmanuel Macron a fait le choix de répondre à Eric Zemmour, du moins indirectement. Depuis plusieurs jours et alors qu'auparavant il ignorait le polémiste, le chef de l'Etat a répliqué à plusieurs reprises par médias interposés aux propos du possible candidat à l'élection présidentielle, sans toutefois jamais le nommer.

Cette stratégie instaure un duel à distance entre les deux hommes à six mois du scrutin national. Lors du Conseil des ministres, jeudi, Emmanuel Macron a d'abord tenu à faire une mise au point concernant la probable candidature de l'ancien journaliste du Figaro. "Les débats en cours vont finir par lasser les Français. Il ne faut pas se laisser emporter dans le commentaire permanent", a-t-il jugé après que plusieurs cadres de la majorité ont attaqué frontalement Eric Zemmour.

Multiplication des allusions

Au-delà d'une politique des petites phrases, le chef de l'Etat a décidé d'affirmer son opposition au polémiste sur des sujets de fond. "Emmanuel Macron veut vraiment engager un combat sur les valeurs avec Eric Zemmour", décrypte notre éditorialiste politique Amandine Atalaya.

Lors du sommet Afrique-France qui s'est tenu vendredi à Montpellier, le président a ouvertement encouragé la France à "assumer sa part d'africanité". Interrogé sur la question de l'immigration et sur les prises de position d'Eric Zemmour sur ce sujet, Emmanuel Macron n'a pas éludé.

"La France est un grand pays universaliste et généreux qui a vocation à légitimement défendre ses intérêts, sa sécurité, ses équilibres mais qui en même temps a une vocation universelle et une générosité. C’est cet équilibre que je défends. Je pense que c’est notre vocation historique", a-t-il déclaré auprès du Midi-Libre.

"Quand le Président de la République parle de la France, et de sa relation fondatrice, historique, aussi, dans la diplomatie internationale avec la France, il ne parle pas d'Éric Zemmour", assure samedi Christophe Castaner, chef du groupe parlementaire LaREM à l'Assemblée.

Ces propos, mêlant "humanisme" et "fermeté", vont à l'encontre du discours très ferme d'Eric Zemmour sur l'immigration décrite comme une "menace" qui peut "mener la France à sa perte", selon Amandine Atalaya .

Encore plus récemment, le chef de l'Etat a tenu à rappeler son attachement à l'abolition de la peine de mort, alors qu'Eric Zemmour avait relancé un débat sur le sujet. Le polémiste s'était déclaré "philosophiquement" "favorable" à la peine de mort. "Je ne pense pas qu'on ait bien fait" de l'abolir, avait-il ajouté le mois dernier.

"En France comme en Europe, des voix que l'on croyait étouffées ressortent des tréfonds de l'histoire pour appeler au rétablissement de la peine capitale", lui a ainsi répondu de façon à peine voilée Emmanuel Macron ce samedi, lors d'un discours donné au Panthéon à l'occasion des 40 ans de son abolition en France.

Ne pas laisser le champ libre à Zemmour

Pourquoi un tel changement de stratégie de la part du chef de l'Etat aujourd'hui ? A six mois presque jour pour jour de la présidentielle, Emmanuel Macron ne peut plus ignorer le polémiste. Eric Zemmour a réussi à créer un dynamique autour de sa possible candidature. Omniprésent dans les médias, il connaît une ascension fulgurante dans les sondages jusqu'à être pour la première fois donné présent au second tour par un sondage Harris Interactive pour Challenges paru mercredi. "Il ne cesse de monter [dans les sondages] et Emmanuel Macron ne veut pas lui donner le champ libre", résume notre éditorialiste politique Amandine Atalaya.

D'autant que le fondateur de LaREM dispose de l'espace politique pour le faire. "Il n'y a pas grand monde pour répondre à Eric Zemmour", souligne Amandine Atalaya, entre une gauche "inaudible" car trop éparpillée et un parti de droite encore sans candidat.

Par ces diverses allusions à son potentiel adversaire en 2022, le président adopte un "créneau centriste", celui d'une "France des Lumières" ouverte. Cette stratégie lui permet de montrer qu'il s'oppose fondamentalement à Eric Zemmour sur sa vision de la société. Il lance de cette façon la course à la présidentielle entre les deux probables candidats en mettant les questions culturelles au centre du débat.

L'intérêt politique pour le chef de l'Etat serait aussi de séduire un électorat centriste, voire de gauche afin de "pouvoir réactiver le front républicain" en cas de second tour entre les deux hommes, analyse Bernard Sananès, président de l'Institut du sondage Elabe, sur BFMTV.

À près de six mois du premier tour de la présidentielle, Eric Zemmour n'est toujours pas officiellement candidat.

Article original publié sur BFMTV.com