La Russie suspend un accord de non-prolifération nucléaire

MOSCOU (Reuters) - Vladimir Poutine a signé lundi un décret suspendant un accord conclu en 2010 avec les Etats-Unis sur la limitation des stocks de plutonium utilisables pour la confection d'armes nucléaires et devrait poser une série de conditions pour le rétablir, dont la levée des sanctions américaines contre Moscou. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a expliqué que la décision du Kremlin "envoyait un message à Washington" : prendre la Russie de haut en utilisant la langue des sanctions et des ultimatums ne fonctionne pas, a-t-il dit. La suspension de l'accord, dit PMDA (Plutonium Management and Disposition Agreement), est justifiée par "l'émergence d'une menace sur la stabilité stratégique, résultat d'initiatives inamicales de la part des Etats-Unis d'Amérique à l'égard de la Fédération de Russie", indique le décret de Vladimir Poutine. L'accord de 2010, signé par Sergueï Lavrov et par la secrétaire d'Etat d'alors, Hillary Clinton, prévoyait que chaque camp devait éliminer 34 tonnes de son stock de plutonium en les utilisant dans ses réacteurs nucléaires. Hillary Clinton avait fait valoir à l'époque que les quantités disponibles étaient suffisantes pour équiper 17.000 armes nucléaires. Russie et Etats-Unis avaient alors considéré que cet accord marquait une amélioration de la coopération bilatérale entre les deux adversaires de la Guerre froide, afin de lutter contre la prolifération d'armes de destruction massive. "La Russie applique unilatéralement cet accord depuis trop longtemps", a dit le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, en commentant le décret signé par Vladimir Poutine lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes. "Si l'on prend en compte les tensions (dans les relations russo-américaines) en général (...) la Russie considère que la situation actuelle ne peut plus durer", a-t-il ajouté. LEVÉE DES SANCTIONS D'après Sergueï Lavrov, la manière dont les Etats-Unis appliquent l'accord ne garantit pas que le plutonium concerné ne sera pas utilisé ultérieurement à des fins militaires. La décision russe s'inscrit dans un processus de dégradation progressive des relations entre Moscou et Washington depuis l'annexion de la Crimée par l'armée russe en 2014. Pour normaliser ces relations, un projet de loi soumis lundi à Vladimir Poutine exige des Etats-Unis qu'ils annulent toutes les sanctions imposées à Moscou en raison de sa politique en Ukraine et qu'ils dédommagent la Russie de l'impact que celles-ci ont eu sur son économie. Le projet de loi demande en outre l'abrogation de la loi Magnitski (Magnitsky Act), adoptée en 2012 par le Congrès américain, qui prévoit des sanctions financières et des interdictions de visa contre les responsables russes suspectés d'être impliqués dans le décès de l'avocat anticorruption Sergueï Magnitski dans une prison moscovite en 2009. D'après l'exemplaire du texte mis en ligne sur le site internet de la Douma, la chambre basse du Parlement russe, il réclame enfin une réduction du dispositif de l'Otan dans les pays qui ont adhéré à l'Alliance atlantique après le 1er septembre 2000, ce qui est notamment le cas des Etats baltes. (Dmitri Solovyov, Pierre Sérisier et Tangi Salaün pour le service français)