Pourquoi la suppression de l’article 4 du projet de loi dérives sectaires, finalement adopté, fait polémique

Lors d'une seconde délibération, l'article 4, dont la rédaction a évolué, a finalement été adopté, suscitant de vifs débats au sein des oppositions, notamment à droite.

L'article 4 du projet de loi dérive sectaire a déclenché de vifs débat à l'Assemblée. (Photo d'illustration Geoffroy Van der Hasselt / AFP)
L'article 4 du projet de loi dérive sectaire a déclenché de vifs débat à l'Assemblée. (Photo d'illustration Geoffroy Van der Hasselt / AFP)

À l'issue d'une seconde délibération, entrecoupée de nombreuses suspensions de séances et de rappels au règlement, l'article 4 a finalement été voté par les députés, mercredi 14 février, à l'issue d'une nouvelle rédaction, prenant en compte les critiques adressées, selon la rapporteure Brigitte Liso, par 182 voix pour et 137 contre.

Mais la veille, son rejet par 116 voix contre 108 avait suscité la colère du monde médical "Prime est donnée aux charlatans", "une union sacrée protégeant ainsi charlatans et gourous allant du groupe LFI et RN en passant par LR", "le lobbying anti science est très grand dans notre pays", s'insurgeait-ils contre les députés qui avaient voté pour la suppression de cet article 4.

Dans le détail, 88 députés RN, 35 Insoumis 24 Républicains, 2 Horizons, 3 GDR (Communistes), 2 LIOT, 2 non inscrits avaient voté pour la suppression de cet article, initié par la majorité. Le Sénat avait également voté contre cet article 4.

La colère de la rapporteure du projet de loi

Un vote qui a suscité la colère de Brigitte Liso, députée de la majorité et rapporteure du projet de loi visant à lutter contre les dérives sectaires.

L'article 4 prévoyait de punir la "provocation à l'abstention ou à l'abandon de soins" d'un an de prison et de 15 000 euros d'amende. Un article présenté par la rapporteure du projet de loi comme une disposition innovante qui constitue une avancée majeure dans la lutte contre les dérives thérapeutiques à caractère sectaire", affirmait-elle lors de l'examen du texte le 7 février en commission des Lois.

La suppression de l'article 4 saluée par Thierry Casasnovas, poursuivi en justice

Pour illustrer les domaines concernés, Brigitte Liso a donné deux exemples, en commission des lois : la "promotion de la consommation exclusive de jus de légumes pour traiter le cancer" ainsi que "la promotion du jeûne total qui guérirait les maladies tandis que les médicaments tueraient l’organisme".

Parmi les promoteurs de ces pratiques, Thierry Casasnovas, mis en examen le 10 mars 2023, notamment pour "exercice illégal de la pharmacie" et "abus de confiance", il fait l'objet de centaines de signalements auprès de la Miviludes, a salué la suppression de cet article sur les réseaux sociaux.

Un article pointé du doigt par le conseil d'Etat et le Sénat

Avec "la loi actuelle, si le gourou ne suggère pas directement d’arrêter un traitement par exemple, l'infraction est beaucoup plus complexe à caractériser", expliquait à Marianne Catherine Katz, présidente de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi).

L'article 4, soutenu notamment par le monde médical et par les acteurs de la lutte contre les fausses informations dans le domaine de la santé, avait été pointé du doigt en novembre par le Conseil d'État, qui avait rendu un avis frileux sur ce projet de loi, recommandant de supprimer ce nouveau délit crée. Il alertait sur le risque que ce délit remette en cause "la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte. L’avis estimait qu'empêcher "la promotion de pratiques de soins dites "non conventionnelles" dans la presse, sur Internet et les réseaux sociaux" constituerait "une atteinte portée à l'exercice de la liberté d'expression".

Pour justifier leur volonté de suppression de l'article 4, l’insoumis Jean-François Coulomme avait dénoncé un délit "trop vague", qui "menace nos libertés", par exemple pour "critiquer les dérives pharmaceutiques", tandis que le député RN Thomas Ménagé dénonçait la création "d'un délit d’opinion et est indigne d’une République respectueuse des libertés et du débat scientifique".

VIDÉO - Le YouTubeur Thierry Casasnovas visé par une enquête du Parquet de Paris