Pourquoi Samuel Le Bihan défend « Tu ne tueras point », téléfilm de France 2 sur le meurtre d’un enfant autiste par sa mère

Natacha Régnier et Samuel Le Bihan, ici dans le téléfilm de France 2 « Tu ne tueras point ».
Copyright François LEFEBVRE - FTV Natacha Régnier et Samuel Le Bihan, ici dans le téléfilm de France 2 « Tu ne tueras point ».

TÉLÉVISION - « Un désespoir absolu, ce qu’on peut imaginer de pire. » Ces mots, ce sont ceux de Samuel Le Bihan chez franceinfo, où il était interrogé sur la diffusion sur France 2, ce mercredi 3 avril, de Tu ne tueras point, un téléfilm dans lequel il joue l’avocat d’une mère accusée d’avoir tué sa fille autiste et polyhandicapée.

Une fiction qui rappelle la détresse des parents d’enfants autistes, selon lui. « À un moment, on se retrouve très vite à part, sur le banc de touche parce que votre enfant pousse des cris. On cesse d’être invité chez des amis. Vous vous sacrifiez et en se sacrifiant, on s’isole, on arrête son travail », estime Samuel Le Bihan, qui s’est déjà beaucoup confié sur le trouble autistique de sa fille.

Dans Tu ne tueras point, film notamment inspiré de l’histoire vraie de Laurence Nait Kaoudjt, une mère reconnue coupable d’avoir tué sa fille de 8 ans handicapée, il incarne Simon Marchand, un ex-avocat pénaliste qui accepte de sortir de sa retraite pour défendre Elsa Sainthier, une mère mise en examen pour infanticide. Elle est accusée d’avoir noyé dans un fleuve sa fille de 12 ans qui, d’après elle, souffrait trop de son handicap.

Samuel Le Bihan interpelle la justice

La défense de Samuel Le Bihan suit celle qu’il a entreprise quelques jours plus tôt sur le plateau de l’émission de Léa Salamé, Quelle époque. « La justice n’est pas là pour essayer de condamner ou innocenter. Au fond, elle est là pour essayer de comprendre », a estimé le comédien.

Des mots qui en ont fait bondir plus d’un, comme la militante pour les droits des personnes en situation de handicap Elisa Rojas. L’avocate pointe du doigt « un discours éclaté sur l’autisme », qui « considère le meurtre des enfants autistes par leurs parents » comme étant « compréhensible ».

De son côté, l’écrivaine Amélie Tsaag Valren déplore, elle, la couverture médiatique du téléfilm avec Samuel Le Bihan, estimant que « les articles soutiennent le point de vue de la meurtrière et de son avocat, appelant le grand public à la compassion envers des tueuses d’enfants handicapés ».

Réduite à « une autiste sévère » dans les colonnes de La Libre, en Belgique, l’enfant est déshumanisée dans plusieurs titres de presse, selon Amélie Tsaag Valren, qui dénonce par là même la présentation du meurtre des personnes handicapées « comme une solution au désespoir de leurs parents ».

Elle a lancé dans le courant du mois de mars une pétition sur Change.org pour empêcher la diffusion du téléfilm, en ce lendemain de la Journée mondiale de l’autisme, qui s’est tenue ce mardi 2 avril. À l’heure où nous écrivons ces lignes, ladite pétition a récolté quelque 1 300 signatures et Tu ne tueras point est toujours annoncé au programme télé. Contactées par Le HuffPost à ce sujet, les équipes de France Télévisions n’ont pas répondu à nos sollicitations.

Le témoignage polémique d’Anne Ratier

La polémique aurait sans doute pu être évitée. En 2019 déjà, le témoignage d’une femme du nom d’Anne Ratier, qui reconnaissait avoir noyé son fils polyhandicapé de 3 ans en 1987 dans son livre autobiographique (J’ai offert la mort à mon fils), avait beaucoup indigné, notamment dans la sphère politique.

« Quand plus d’un enfant meurt tous les cinq jours sous les coups d’un membre de sa famille, on ne banalise pas ces crimes. Rien ne justifie de tuer un enfant », avait dénoncé l’ancien secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance Adrien Taquet. Là où Sophie Cluzel, alors secrétaire d’État aux personnes handicapées, s’était dite choquée par l’interview d’Anne Ratier par Hugo Clément chez Konbini sur le sujet, « sa forme, sa mise en scène d’une froideur terrifiante ».

« Ce qui frappe immédiatement dans cette vidéo, c’est la façon dont Konbini et son journaliste donnent la possibilité à Madame Ratier de se vanter de son acte, et même de le rentabiliser en lui permettant de faire la promotion du livre qu’elle a en tiré, sans aucun recul, mise en perspective, ni réflexion d’aucune sorte », expliquait sur son blog Elisa Rojas à l’époque.

Les infanticides d’autistes

Dans une lettre ouverte publiée sur le site Actualitté, plusieurs sociologues, avocats et militants antivalidistes dénonçaient, eux, le discours eugéniste tenu par Anne Ratier dans son livre, appelant les libraires et les bibliothèques à le retirer de leurs rayons. D’autant que celui-ci a été publié quinze jours avant le « Disability day of Mourning », une journée organisée chaque 1er mars depuis les années 1980 « en mémoire des personnes handicapées tuées par leur famille », rappelaient les signataires.

Il n’existe pas, aujourd’hui, de statistiques permettant de quantifier ces meurtres et abandons volontaires, mais ils sont souvent documentés dans les médias, comme celui d’un petit garçon de 11 ans retrouvé mort à Marseille, en 2021, ou d’un jeune homme de 22 ans du nom de Kylian, disparu en 2022 à Paris.

« Beaucoup de couples explosent. Les pères abandonnent, les mères sacrifient leur carrière, leur vie personnelle, intime, amoureuse pour s’occuper de leur gosse, a déploré Samuel Le Bihan, interrogé par Allociné. J’aimerais qu’on avance sur le chemin de la place du handicap dans nos sociétés ultra-compétitives. » Une demande de discussion salutaire, à laquelle les principaux concernés, las d’être invisibilisés, demandent à faire partie.

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