Pourquoi le Rwanda est si satisfait de la loi britannique sur l’immigration que Rishi Sunak a fait voter

Le Rwanda va toucher plusieurs millions de livres sterling en vertu de l’accord avec le gouvernement britannique dirigé par Rishi Sunak (ici lors de la présentation du texte à Londres lundi 22 avril)
TOBY MELVILLE / AFP Le Rwanda va toucher plusieurs millions de livres sterling en vertu de l’accord avec le gouvernement britannique dirigé par Rishi Sunak (ici lors de la présentation du texte à Londres lundi 22 avril)

INTERNATIONAL - D’un côté, des instances internationales indignées. De l’autre, un pouvoir rwandais ravi de voir le partenariat attendu de longue date avec Londres enfin aboutir. Et au milieu, un gouvernement britannique qui est parvenu à ses fins.

Rishi Sunak fait un pari à plus de 1 000 euros sur sa loi Rwanda avec le journaliste Piers Morgan

Après deux ans de controverse, un vol bloqué in extremis par la Cour européenne des droits de l’homme et une première loi annulée par la Cour suprême britannique, le gouvernement britannique touche enfin au but : le projet de loi qui prévoit d’expulser les demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni vers le Rwanda a enfin été adopté dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 avril à Westminster.

« Nous sommes satisfaits que le projet de loi ait été adopté » : à Kigali, l’enthousiasme est à la hauteur de l’attente suscitée par ce partenariat avec Londres. Les autorités rwandaises sont « impatientes d’accueillir les personnes relocalisées », a déclaré la porte-parole du gouvernement. « Nous avons travaillé dur au cours des 30 dernières années pour faire du Rwanda un pays sûr et sécurisé tant pour les Rwandais que pour les non-Rwandais », ajoute la responsable, alors que la justice britannique avait invalidé le premier texte au motif que le pays, dirigé d’une main de fer par Paul Kagame, n’était pas suffisamment sûr.

Une affaire d’argent

Si le Rwanda est autant satisfait, c’est que l’accord est intéressant financièrement pour le petit pays d’Afrique de l’Est. Le National Audit Office, organisme parlementaire chargé du contrôle des services publics, a estimé le mois dernier que le Royaume-Uni versera une somme fixe de « 370 millions de livres sterling (environ 430 millions d’euros) dans le cadre du partenariat », signé pour cinq ans.

À cette facture s'ajoutent « 20 000 livres sterling (environ 23 000 euros) par personne » et « 120 millions de livres sterling (environ 140 millions d’euros) une fois les 300 premières personnes relocalisées ». Et ce n’est pas tout : pour les « frais de traitement et de fonctionnement », Londres s’acquittera d’une somme pouvant aller jusqu’à 175 000 euros par personne relocalisée.

Un accord financier qui prendra tout son sens si le Royaume-Uni expulse, comme il l’a dit, plusieurs centaines de personnes vers le Rwanda. Rishi Sunak a indiqué lors d’une conférence de presse lundi 22 avril que le nombre de places dans les centres de rétention destinées à l’examen de leur situation avait été porté à 2 200.

Violation des droits des migrants

Le Rwanda se réjouit, donc. Ce qui n’est pas le cas de l’ONU qui a demandé à Londres de « reconsidérer son plan ». Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme Volker Türk, et son homologue en charge des réfugiés, Filippo Grandi, ont appelé ce mardi le gouvernement de Rishi Sunak « à prendre plutôt des mesures pratiques pour lutter contre les flux irréguliers de réfugiés et de migrants, sur la base de la coopération internationale et du respect du droit international des droits de l’homme ».

La loi « soulève des questions majeures concernant les droits humains des demandeurs d’asile et l’État de droit en général », s’est pour sa part inquiété Michael O’Flaherty, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. « La loi empêche les personnes menacées d’éloignement vers le Rwanda d’accéder à des voies de recours (...) tout en excluant de manière significative la capacité des tribunaux britanniques à examiner pleinement et de manière indépendante les cas dont ils seront saisis. »

C’est une « honte nationale » et la loi « laissera une tache sur la réputation morale de ce pays », a notamment réagi dans un communiqué Sacha Deshmukh, à la tête d’Amnesty International au Royaume-Uni. Dans un communiqué commun, les ONG Amnesty, Freedom from Torture et Liberty estiment ainsi que le texte constitue « une menace significative pour l’État de droit ».

Mais pour Rishi Sunak, pas question de revenir sur ce projet, véritable marqueur pour les conservateurs à quelques mois d’élections générales qui s’annoncent catastrophiques et alors que les traversées clandestines de la Manche ont atteint un record en 2022 (45 000) avant de baisser en 2023 (30 000). Le gouvernement espère débuter les expulsions « d’ici 10 à 12 semaines », soit en juillet, a annoncé le Premier ministre.

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