Pourquoi le réchauffement des relations Israël - Arabie Saoudite est historique

L'Arabie saoudite et Israël se "rapprochent" d'un accord de normalisation de leurs relations, a déclaré le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Le Prince Mohammed bin Salman, acteur du réchauffement des relations avec Israël (Photo by Fayez Nureldine / AFP)
Le Prince Mohammed bin Salman, acteur du réchauffement des relations avec Israël (Photo by Fayez Nureldine / AFP)

Après Bahreïn, l'Égypte, la Jordanie, le Maroc et les Émirats arabes unis, au tour de l'Arabie Saoudite ? Israël serait en passe de normaliser ses relations avec le royaume saoudien, affirme le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Une normalisation des relations entre les deux pays qui serait l'aboutissement des efforts de ces dernières années. "Ce n'est pas tout-à-fait nouveau, il y a des relations, discrètes mais étroites, depuis plusieurs mois voire années, entre les deux pays à caractère sécuritaire et à caractère économique avec le projet d'infrastructures de communication notamment ferroviaires destiné à relier Israël et les pétro-monarchies de la péninsule Arabique", nous rappelle David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'IRIS, spécialiste du Moyen-Orient.

Une 'normalisation' entraînerait une intégration d'Israël dans son espace régional"

Un évènement d'ampleur d'un point de vue géopolitique, dans une région où les relations entre Israël et ses voisins sont éruptives. "L'Arabie Saoudite est sur le plan économique le poids lourd de l'Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole), en tant que premier exportateur mondial de brut, sur le plan religieux le 'gardien des lieux saints' que sont La Mecque et Médine, et sur le plan politique un membre important du G20. Donc une 'normalisation' des relations avec Israël aurait un autre poids que celles de Bahreïn ou des Emirats arabes unis réalisée à la faveur des 'Accords d’Abraham'. Une 'normalisation' entraînerait une intégration effective d'Israël dans son espace régional", poursuit le spécialiste, également rédacteur en chef de la revue "Orients Stratégiques" (L’Harmattan).

Car l'Arabie Saoudite ne serait pas le premier pays arabe avec lequel Israël normalise ses relations. En août et en septembre 2020, sous l'égide de Donald Trump, Israël normalise ses relations avec Bahreïn, les Émirats arabes unis, en signant les Accords d'Abraham.

"Un triomphe diplomatique et économique pour Benyamin Netanyahou"

"L'Arabie Saoudite a donné son accord pour que Bahreïn et les Émirats reconnaissent Israël, ce n'est donc que la continuité d'un mouvement déjà enclenché, qui pourrait avoir un effet d'entrainement, avec d'autres états arabes ou musulmans qui pourraient eux aussi reconnaître l'État d'Israël. Du côté israélien, ce serait un triomphe diplomatique et économique pour Benyamin Netanyahou, qui est en difficulté sur le plan intérieur", ajoute Frédéric Encel, géopolitologue et auteur de Les voies de la puissance (Odile Jacob, 2023).

Le projet de réforme de la justice, annoncé en janvier et jugé autoritaire par une grande partie de la population, a déclenché l’un des plus grands mouvements de contestation de l’histoire d’Israël. Une mobilisation qui s’est intensifiée à l’approche du vote.

Le rôle des États-Unis

Comme pour les accords d'Abraham, les États-Unis ne sont pas non plus extérieurs à ce réchauffement des relations entre Israël et l'Arabie Saoudite. "L'administration Biden pousse pour faire rentrer l'Arabie Saoudite dans cette dynamique, ce qui permettrait à Joe Biden, qui semble vouloir se représenter, d’afficher une victoire diplomatique spectaculaire avant le début de la campagne présidentielle. Mais cette normalisation est conditionnée pour Riyad à un certain nombre de paramètres : l'Arabie Saoudite réclamerait aux Etats-Unis un traité de défense explicite et non plus ou moins implicite; mais aussi l’acceptation par les Etats-Unis et consécutivement par Israël d’un programme de développement du nucléaire civil avec l’aide américaine, ce qui est loin d’aller de soi compte tenu du risque de prolifération et de velléités d’un potentiel programme militarisé pour faire face à l’Iran", poursuit David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'IRIS.

Une normalisation qui serait aussi un changement historique. "Jusqu'à récemment, l'Arabie Saoudite était en pointe dans le combat anti-israélien. Cette normalisation serait donc la reconnaissance de la légitimité du peuple juif à disposer d'une terre" complète Frédéric Encel.

Les grands perdants ? "Les Palestiniens dont la cause passerait au second plan"

L'Iran voit d'un mauvais oeil cette normalisation des relations entre les deux pays. Le président Ebrahim Raïssi a averti qu'elle constituerait une trahison de la cause palestinienne. "Nous pensons qu'une relation entre des pays de la région et le régime sioniste serait un coup de poignard dans le dos du peuple palestinien et de la résistance palestinienne", a-t-il prévenu.

"Pour les détracteurs d’une telle 'normalisation' les 'perdants' seraient les Palestiniens dont la cause passerait au second plan et qui se trouve largement 'dévaluée' stratégiquement parlant". Mais pour cette normalisation des relations, l''Arabie Saoudite espère obtenir "des concessions envers les Palestiniens, dont la cause demeure chère au roi Salman, qui iraient au-delà d’un simple engagement à ne pas annexer des territoires palestiniens comme cela avait été le cas lors de la normalisation avec les Emirats Arabes Unis", conclut David Rigoulet-Roze.

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