Pourquoi le prix de l’électricité devrait encore augmenter ?

Les tarifs réglementés de l'électricité (TRV) devraient augmenter de 10% à 20% début 2024, a déclaré la présidente de la Commission de régulation de l'énergie.

Les prix de l'électricité pourraient de nouveau augmenter au 1er février 2024 / Photo d'illustration AFP PHOTO PHILIPPE HUGUEN
Les prix de l'électricité pourraient de nouveau augmenter au 1er février 2024 / Photo d'illustration AFP PHOTO PHILIPPE HUGUEN

Le prix de l'électricité n'en finit plus d'augmenter. Après une hausse des tarifs réglementés de vente de l'électricité de 15% au 1er février 2023 puis de 10% au 1er août dernier, la présidente de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a estimé que le prochain calcul des tarifs réglementés devrait aboutir à une hausse théorique de l'ordre de 10% à 20% début 2024.

Une annonce qui ne surprend pas les spécialistes du secteur. "C'était prévisible en raison de l'effet rattrapage, avec la sortie progressive du bouclier tarifaire. En 2023, la CRE, sur la base des chiffres de 2022, estimait qu'il fallait augmenter le tarif de 99% au 1er février 2023. Le gouvernement a annoncé bloquer cette hausse à 15%. C'est notamment ce blocage qui est rattrapé aujourd'hui", nous décrypte Jacques Percebois, professeur émérite à l’Université de Montpellier à la tête du Centre de recherche en économie et droit de l’énergie.

"Le rattrapage du bouclier tarifaire a déjà débuté"

En 2021, sur fond de hausse du prix du gaz, les tarifs de l'électricité bondissent sur les marchés. Face à cette hausse, le gouvernement décide d'intervenir et bloque à 4% la hausse des tarifs par an : c'est le bouclier tarifaire. Le dispositif est renouvelé l'année suivante, alors que la guerre en Ukraine a fait bondir les prix du gaz. Face au coût estimé du bouclier, 85 milliards d'euros entre 2021 et 2023, le gouvernement annonce un relèvement à 15% de la hausse maximale puis une fin progressive du bouclier tarifaire d'ici à la fin 2024 / début 2025.

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Un rattrapage des tarifs qui a déjà débuté avec une hausse de 10% du tarif réglementé le 1er août dernier, alors qu'"à cette date c'est traditionnellement une hausse qui est plutôt un ajustement, selon les coûts des réseaux et qui est habituellement bien moindre que 10%. C'était un premier rattrapage du bouclier tarifaire", poursuit le spécialiste.

"La CRE fait les calculs mais c'est le ministre de l'Économie qui tranche"

La hausse du 1er février 2024, qui pourrait être de l'ordre de 10 à 20% selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE), est toutefois loin d'être acquise, tempère Jacques Percebois. "La CRE fait les calculs, mais c'est le ministre de l'Économie qui tranche, comme lorsqu'il n'a pas suivi la hausse de 99% évoquée par la CRE en février dernier. D'autant que ce chiffre de 10 à 20% n'est qu'une estimation provisoire qui dépend d'éléments que la CRE n'a pas encore en sa possession". Une telle augmentation "est exclue", a depuis tenu à rassurer Bruno Le Maire.

Pour son calcul, la CRE regarde le prix moyen de l'électricité sur le marché de gros en 2023, et quelle est la demande d'Arenh (Accès réglementé à l'électricité nucléaire historique) des concurrents d'EDF. Un dispositif qui garantit aux fournisseurs d'électricité alternatifs de bénéficier d'un accès réglementé à l'énergie produite par le parc nucléaire existant d'EDF.

"Dans le meilleur des cas, on peut espérer que d'ici deux ans on ait épongé le rattrapage"

"Il y a donc beaucoup d'incertitudes auxquelles s'ajoute un effet de rattrapage du bouclier tarifaire. Avec tous ces éléments de calculs, le gouvernement tranche. Sans oublier que le chiffre de 10 à 20% ne prend pas en compte un éventuel effet du bouclier tarifaire," poursuit Jacques Percebois.

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Pour autant, il ne faut pas compter sur une bonne nouvelle pour le pouvoir d'achat des ménages avant plusieurs années. "Même avec une augmentation des prix de 10 à 20% en février, on n'aura toujours pas fini le rattrapage, il faudra aussi prévoir une hausse des tarifs en août suivant, d'autant plus en raison des investissements d'Énedis", poursuit Jacques Percebois, professeur émérite à l’Université de Montpellier à la tête du Centre de recherche en économie et droit de l’énergie, qui pense que dans le meilleur des cas, "on peut espérer que d'ici deux ans on ait épongé le rattrapage. Si le parc nucléaire français est quasi-totalement disponible que le prix du gaz redevient raisonnable et que la demande poursuive sa diminution". Des variables très changeantes qui rendent compliquées les prévisions à long terme.

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