Pourquoi Marine Le Pen apparaît plus crédible dans les sondages

Pourquoi Marine Le Pen apparaît plus crédible dans les sondages

En cette rentrée, le Rassemblement national se fait discret. On l'entend peu. Que pense sa leader, Marine Le Pen, des sujets qui agitent l'actualité politique? L'école, le budget que va présenter le gouvernement, la future loi immigration... C'est silence radio ou presque.

En attendant, quelques lieutenants ont écumé les matinales tandis que Jordan Bardella s'est occupé de rappeler des propositions phares du parti à la flamme lors des Rencontres de Saint-Denis. La cheffe des députés RN, elle, en dira sûrement plus ce dimanche lors de sa rentrée politique à la braderie d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), et à Beaucaire (Gard) la semaine suivante à l'occasion des universités d'été du parti à la flamme.

En hausse dans les sondages

Aucune raison de se presser: les sondages lui donnent raison. La triple candidate à la présidentielle recueille désormais 37% d'opinions favorables selon une étude Viavoice pour Libération publié ce mardi. Soit une augmentation de 10 points par rapport à novembre 2021.

Un tel score en fait la deuxième personnalité préférée des Français derrière Édouard Philippe, ex-Premier ministre qui pourrait devenir son adversaire lors de la prochaine joute élyséenne en 2027. Environ 4 sondés sur 10 jugent que la candidate du Pas-de-Calais "incarne bien les valeurs républicaines", qu'elle est "compétente" et "présidentiable".

"Incarner une alternative crédible"

Un changement de paradigme qui s'explique par plusieurs raisons. D'abord, celles qui sont le fruit de la stratégie du RN.

"La dernière présidentielle a marqué la fin d'un cycle, celui de la diabolisation et l'amorce d'une nouvelle phase, celle de la respectabilisation", retrace Matthieu Croissandeau, éditorialiste politique sur BFMTV.

Autrement dit, il s'agissait de "bazarder l'héritage sulfureux" de Jean-Marie Le Pen, pour ensuite chercher à "incarner une alternative crédible à la prochaine élection". Fort de son entrée à 89 députés à l'Assemblée nationale - un score historique - le RN a poursuivi sa quête de notabilisation lors de la première année de cette XVIe législature. Les élus du parti d'extrême droite circulent dans les travées du Palais Bourbon en costume cravate, cherchent à démontrer à chaque occasion leur respect des usages des institutions...

Pas toujours bien huilée, la machine à respectabilité s'est parfois enrayée, comme lorsque le député Grégoire de Fournas a tenu des propos racistes en balançant "qu'il retourne en Afrique" à son collègue Carlos Martens-Bilongo. Ce dernier avait jugé que l'événement permettait de dévoiler la "vraie face" du RN. Une façon aussi de sous-entendre que rien n'a changé au RN, anciennement FN jusqu'en 2018.

"Une force politique normale"

Pour autant, les macronistes refusent de véritablement s'engouffrer dans ce type de brèche. Élisabeth Borne l'a appris à ses dépens, en qualifiant le RN d'"héritier de Pétain" en mai dernier. Résultat: un recadrage d'Emmanuel Macron en Conseil des ministres, le président de la République enjoignant à privilégier le "concret" face aux "fausses promesses" du RN plutôt que "les arguments historiques et moraux".

"Après en avoir fait des tonnes sur l'arc républicain, il a fini par considérer le Rassemblement national comme une force politique normale", analyse Matthieu Croissandeau.

Un exemple récent: les rencontres de Saint-Denis, censées données "corps à l'initiative politique d'ampleur", voulue par le chef de l'État. Au départ, ce dernier disait vouloir convier "les forces politiques de l'arc républicain", ce qui de fait, si l'on se réfère à la signification de cette expression aux yeux des Macronistes jusqu'ici, excluait le RN et LFI.

Mais les deux formations étaient bien présentes mercredi dernier. Et Jordan Bardella a même reçu un coup de fil du locataire de l'Élysée en amont de cette réunion. De quoi renforcer la crédibilité de cette force politique. Laquelle s'est également retrouvée relativement préservée des attaques des Macronistes, en comparaison aux nombreuses flèches tirées en direction des insoumis.

À chacun ses responsabilités. Cette conjoncture "dépend aussi de la droite, qui reprend désormais sans ciller les propositions du RN, ce qui [le] crédibilise" pointe Matthieu Croissandeau, en prenant l'exemple des deux propositions de loi de LR sur l'immigration. Les troupes de Marine Le Pen avaient, dans la foulée, dénoncé un "copier-coller".

LFI "fait passer le RN pour des enfants de chœur"

Quant à la gauche, elle "fait passer à contrario le RN pour des enfants de chœur", de part "son attitude de contestation systématique, de radicalisation", juge notre éditorialiste. Une analyse qui vaut surtout pour les insoumis, qui se sont parfois distingués de leurs partenaires de la Nupes.

Avec des dépôts beaucoup plus réguliers de motions de censure par exemple. Ou, en cherchant à enliser les discussions sur la réforme des retraites à l'Assemblée nationale pour que l'article 7 sur le report de l'âge légal ne soit pas débattu. Le RN, resté là aussi particulièrement en retrait, avait profité de cette séquence.

Article original publié sur BFMTV.com