Pourquoi l'hommage national à Gisèle Halimi voulu par Emmanuel Macron fait polémique

L'avocate et écrivaine, Gisèle Halimi, en novembre 2003 à Paris - Jack Guez / AFP
L'avocate et écrivaine, Gisèle Halimi, en novembre 2003 à Paris - Jack Guez / AFP

De nombreuses personnalités invitées, dont le fils de l'avocate et écrivaine, déplorent une tentative de récupération politique de la part du président de la République alors que la tension sociale se fait de plus en plus forte dans le pays.

Un événement reporté à plusieurs reprises, bien loin de faire l'unanimité. Initialement prévu en 2020, l'hommage national rendu a Gisèle Halimi, avocate, femme politique et écrivaine disparue en juillet de cette même année avait été ajourné en raison de l'explosion du port de Beyrouth, au Liban. Comme le rappelle Franceinfo, une deuxième date avait également été proposée début 2022, sans suite.

C'est finalement ce mercredi 8 mars, Journée internationale du droit des femmes, qu'Emmanuel Macron va rendre hommage à celle qui a consacré sa vie au combat pour les droits des femmes, devenant une icône pour les féministes. Le président de la République pourrait d'ailleurs s'exprimer sur la constitutionnalisation de l'IVG, dont la légalisation fut l'un des combats de Halimi.

Son fils aîné, Jean-Yves Halimi, prendra quant à lui la parole avant le chef de l'État lors de la cérémonie organisée à 16h au Palais de justice de Paris.

Critique sur le fond et la forme

En revanche, un autre fils, le journaliste Serge Halimi, s'est désolidarisé de cette initiative en affirmant dimanche qu'il n'y assisterait pas. Selon lui, l'hommage intervient "alors que le pays est mobilisé contre une réforme des retraites" que sa mère aurait, pense-t-il, combattue.

"Ma mère aurait défendu leur cause et manifesté à leurs côtés. Le 8 mars, ce sera la meilleure façon d'honorer sa mémoire et ses combats", dit-il, dans un communiqué transmis à l'AFP.

Dans ce même document, celui-ci regrette également la manière dont il a été averti de l'événement, "après plus de deux ans de tergiversations." "La présidence de la République m'a subitement informé, en même temps que la presse", tacle encore Serge Halimi.

Violaine Lucas, présidente de l'association "Choisir la cause des femmes", fondée par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir en 1971, a exprimé une position similaire.

"Le choix que vous opérez en organisant en dernière minute cet hommage national à la féministe Gisèle Halimi, ce 8 mars 2023, nous semble relever d'une instrumentalisation politique. Elle ne trompera personne", indique l'association, dans un communiqué publié sur son site.

Auprès de Franceinfo, Violaine Lucas s'est également plainte de la manière dont l'hommage a été organisé. "On a reçu un simple mail le 2 mars au matin sur l'adresse de l'association. Ils me demandaient mes coordonnées pour pouvoir m'envoyer une invitation", dévoile-t-elle.

La présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert, ne sera pas non plus de la partie, indique le média national.

L'Élysée réfute toute récupération politique

Du côté de l'Élysée, on rejette le "procès" fait par Serge Halimi. À l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le président va prononcer un discours au palais de Justice de Paris, un lieu "chargé d'histoire", confie l'entourage du président. Le 8 mars "fait écho à tous les combats qu'a menés Gisèle Halimi. Ce procès qui est fait n'engage que ses auteurs", précise-t-on.

"Le président de la République, lui, ne lie pas l'actualité à la figure de Gisèle Halimi", ce serait "hors sujet", avance cette même source.

Emmanuel Macron devrait ainsi évoquer "une figure qui a su faire vivre les idéaux hérités des Lumières", et notamment ses combats "contre la colonisation et la guerre d'Algérie", "contre la peine de mort" ou encore pour "la légalisation de l'IVG".

Ce discours intervient alors qu'un processus législatif est en cours pour inscrire dans la Constitution le "droit" ou la "liberté" des femmes à recourir à l'interruption volontaire de grossesse.

Des députés et sénateurs de gauche ont appelé Emmanuel Macron à prendre "l'initiative d'un projet de loi constitutionnel" d'émanation gouvernementale qui pourrait, lui, être approuvé en dernier ressort à la majorité des 3/5e par le Parlement réuni en Congrès, sans référendum.

Article original publié sur BFMTV.com

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