Pourquoi la marche contre l'antisémitisme gêne jusque dans la majorité ?

Si l'idée a d'abord séduit le pouvoir, elle ressemble désormais à un piège pour la majorité, qui craint de participer au "blanchiment" du passé antisémite du RN.

Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance, se méfie de la présence du RN à la marche contre l'antisémitisme. (Photo Simona Granati - Corbis/Corbis via Getty Images)
Stéphane Séjourné, secrétaire général de Renaissance, se méfie de la présence du RN à la marche contre l'antisémitisme. (Photo Simona Granati - Corbis/Corbis via Getty Images)

Les partis de gauche sont sous le feu des projecteurs quant à leur participation ou non à la marche contre l'antisémitisme, appelée par le président du Sénat Gérard Larcher et par son homologue de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet.

La France Insoumise a assuré qu'elle ne participera pas à cette manifestation, pointant du doigt la présence du RN : "il est impraticable de lutter contre l'antisémitisme et toutes les formes de racisme (...) aux côtés d'un parti qui trouve ses origines de l'histoire de la collaboration avec le nazisme", écrit le parti dans un communiqué.

Une Nupes divisée, un appel à un "cordon républicain" pour séparer le RN

Au PS, au PCF et chez les Écologistes aussi, on est gêné par la présence du RN, mais on fait un autre choix : "Nous appelons tous les Français, quelle que soit leur position sur la guerre au Proche-Orient, à se joindre à la manifestation organisée le 12 novembre", explique le PS dans un communiqué, à l'issue d'un bureau national mardi soir.

Mais "au vu de son identité, de ses positions, et des propos tenus encore dimanche dernier par son président qui refuse de reconnaître l'antisémitisme du fondateur de son parti, la présence du RN à cette marche est illégitime", poursuit le communiqué du parti socialiste. Les trois partis de gauche proposent de réaliser "un cordon républicain" pour "distinguer dans la manifestation un cortège rassemblant tous les républicains et progressistes d’une part et le Rassemblement national et les forces d’extrême droite d’autre part, auxquels nous ne reconnaissons aucune légitimité à manifester contre l’antisémitisme".

La présence du RN, piège pour la majorité ?

Si la gauche a du mal à défiler aux côtés du RN - Marine Le Pen et Jordan Bardella notamment ont annoncé leur présence -, la majorité n'est pas davantage à son aise. Pourtant, à l'annonce de cette initiative, l'entourage de Yael Braun-Pivet raconte à France Info que tout le monde trouve l’idée très bonne, jusqu’aux syndicats et aux représentants des cultes. Éric Ciotti, le patron des Républicains, s’enthousiasme. Un appel qui est même relayé par Renaissance, le parti présidentiel.

Sauf que, la présence très rapidement annoncée de Marine Le Pen et Jordan Bardella entre autres sème comme un doute au sein de la majorité. Et si cette marche saluée comme étant une bonne idée ressemblait en réalité à un piège pour la majorité ?

Le "en même temps" de la majorité

Si la Première ministre Élisabeth Borne sera présente, a indiqué le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, il a reconnu que le RN n'a pas sa place dans la manifestation". Même le chef du parti présidentiel Stéphane Séjourné est gêné : s'il annonce la présence du parti Renaissance pour la marche, il précise aussitôt : "Pour autant, jamais je ne défilerai derrière la même banderole que le RN. J’appelle solennellement les organisateurs ainsi que les partis politiques qui y participeront à ne pas être les complices de la banalisation d’un parti fondé par des antisémites. Je m’y refuse", écrit-il sur X.

Sa crainte, que cette manifestation ne participe au "blanchiment" du "passé antisémite" du RN, opéré depuis plusieurs semaines par le RN, comme l'a démontré Jordan Bardella en réfutant l'antisémitisme de Jean-Marie Le Pen, pour lequel il a pourtant été condamné. Un blanchiment de ce passé qui sonne comme la dernière marche de la dédiabolisation du parti.

Le ministre de la Santé marchera, mais sera "mal à l'aise"

Autre signe de cette gêne, la sortie du ministre de la Santé sur Quotidien, pour qui voir le RN donner des leçons de lutte contre l’antisémitisme "c’est dingue, c’est insupportable", confiait Aurélien Rousseau, affirmant qu’il se rendrait à la marche dimanche, mais serait "mal à l’aise".

Quant à la présence d'Emmanuel Macron, elle est très incertaine, selon des proches, alors que tous les regards devraient être braqués sur Marine Le Pen. "Je vois mal Emmanuel Macron sur la même photo que Marine Le Pen", explique le porte-parole de Renaissance, Loïc Signor.

Quel accueil pour Marine Le Pen ?

Reste à savoir l'accueil qui sera réservé à la présidente du RN, alors qu'il y a cinq ans, elle avait été huée et insultée lors de la marche blanche organisée en l'honneur de Mireille Knoll, une octogénaire juive tuée à Paris.

La présidente du RN, accueillie par des huées de la foule, qui a notamment scandé "dehors les fachos", avait dû être exfiltrée de la manifestation, avant de finalement marcher en queue de cortège. Cette fois, Marine Le Pen prend les devants : "Plus il y aura de monde et mieux ce sera, et même si on est en queue de cortège, on s'en moque totalement", a-t-elle déclaré.

VIDÉO - Marche contre l'antisémitisme: l'introuvable union nationale