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"Un procédé honteux" : pourquoi le "job dating", utilisé pour recruter des profs, est très critiqué

Photo d'illustration (Photo by Martin BUREAU / AFP)

Syndicats d'enseignants et fédération de parents d'élèves déplorent la systématisation du recrutement de personnel non formé.

Des entretiens rapides pour attirer et recruter des enseignants au statut de contractuel et pallier au manque de personnel pour la rentrée prochaine. C'est le principe du "job dating", organisé en mars dernier par l'académie de Toulouse puis par celle de Versailles le 30 mai.

Mardi, 2035 postes étaient à pourvoir dans l'académie pour la rentrée de septembre, dont 700 professeurs des écoles, 600 enseignants du second degré, 600 accompagnants d’élève en situation de handicap (AESH), 35 infirmières scolaires, autant de médecins scolaires et 60 psychologues de l’éducation nationale.

"Un constat d'échec"

Au programme : des entretiens de 20 à 30 minutes avec des inspecteurs de l'Education nationale pour accélérer la procédure de recrutement, et des échanges avec des contractuels déjà en poste. Pour les candidats, un seul prérequis : avoir un bac +3 minimum. Pêle-mêle, des graphistes, des infirmières, d'autres personnes qui ont travaillé dans le marketing et la finance. La méthode, surprenante et montrée dans un reportage sur France 2, a vivement fait réagir sur les réseaux sociaux.

"Ce recours massif au contractuel n’est pas une nouveauté, c’est notre quotidien depuis des années. Ce qui est nouveau, c’est de le mettre en scène avec des 'jobs datings'. Au moins c’est assumé, on arrête de tergiverser sur le recrutement, on cherche des solutions mais c’est un constat d'échec sur le recrutement d'enseignants", déplore Laurent Zameczkowski, vice-président national de la Peep, fédération d'associations de parents d'élèves.

"Des annonces en ligne pour trouver des professeurs"

Entre 2015-2016 et 2020-21, la part de contractuels à l’Éducation nationale est passée de 14,5% à 22%. Une méthode de recrutement que dénoncent les syndicats. "C'est un procédé honteux, les rectorats tentent de bricoler une solution qui n'en est pas une pour cacher la crise de recrutement, sans se poser la question de la manière de lutter contre cette crise", déplore Sophie Vénétitay, secrétaire générale du premier syndicat du second degré, le SNES FSU.

Car le métier n'attire plus. Cette année, seulement 816 candidats ont été admissibles au Capes de mathématiques pour 1035 postes. En allemand, ce sont 215 postes qui étaient ouverts mais seuls 83 candidats ont été reçus à l'admissibilité. En cause essentiellement, des salaires trop faibles. "Dans l'académie de Versailles, on doit poster des annonces sur Le Bon Coin pour trouver des professeurs", illustre Laurent Zameczkowski.

Des contractuels peu formés

Sauf que la formation des contractuels n'est pas la même. "On a 18 semaines de stage répartis durant les deux années de Masters, ce qui permet de découvrir l'enseignement, de consolider les connaissances disciplinaires. Là, on recrute en 30 minutes en regardant rapidement le CV, dont certains démissionneront car ils sont lancés sans formation dans le grand bain de l'enseignement", pointe du doigt Sophie Vénétitay, également professeur de SES, qui s'inquiète de la qualité de l'enseignement fourni aux élèves.

"Il y a une volonté politique de développer le recours aux contractuels, de précariser les métiers. Sauf que pour un enseignement de qualité, il faut des professeurs de qualité, recrutés sur concours après un parcours qui permet d'avoir un bagage disciplinaire et pédagogique, pas en recrutant en 30 minutes après avoir regardé rapidement le CV. Ce n'est pas parce qu'on a envie d'être enseignant qu'on y arrive", poursuit la secrétaire générale du SNES-FSU.

Des craintes pour la qualité de l'enseignement

Une inquiétude que partagent les parents d'élèves. "Certains contractuels peuvent être très bien, mais certains n’ont pas forcément la pédagogie nécessaire. Et comme il y n'y a pas de solution de repli, les académies laissent la situation s’enliser. On met l’avenir de nos enfants entre les mains de gens qui ne savent pas forcément ce qu’ils font, car ils ne sont pas formés", abonde le vice président de la Peep.

Une inquiétude qu'a tenu à dissiper la rectrice de l'académie de Versailles, Charline Avenel, qui insiste dans Les Echos sur "l'accompagnement" des futurs recrutés, avant la rentrée puis au fil de l'eau, avec "des formateurs expérimentés", la mise à disposition de ressources et une aide à la conception de séances et du tutorat.

VIDEO - Vers une pénurie de professeurs en Ile-de-France ?