Pourquoi la hausse du prix de l’électricité n’est pas une bonne nouvelle pour la transition énergétique
ÉNERGIES - « Le message politique est mauvais. » Nicolas Goldberg, associé et expert de l’énergie chez Colombus Consulting, un cabinet spécialisé sur ces questions, juge que l’augmentation du prix de l’électricité « entre 8,6 et 9,8 % » annoncée par le gouvernement pour le 1er février 2024 est une erreur, et de taille, si l’on veut mener à bien la transition énergétique.
Prix de l’électricité : Pourquoi vos factures vont augmenter alors que les prix baissent
De fait, la stratégie nationale bas carbone prévoit que la France passe de 25 % à 55 % d’électricité dans sa consommation finale d’énergie d’ici 2050. Dans le même temps, la part des énergies fossiles (équivalente aujourd’hui à 63 % de l’énergie totale consommée) doit devenir marginale. Or pour arriver à atteindre ce double objectif, il faut inciter les Français à se détourner du gaz et du charbon, très émetteurs des gaz à effet de serre responsables du changement climatique.
Un choix politique
Sauf que pour Nicolas Goldberg, le gouvernement envoie un signal inverse en taxant davantage l’électricité. L’État « désincite » les Français à préférer l’électricité aux énergies fossiles pour se chauffer ou se déplacer (ce qui pourrait par exemple se faire via le passage du chauffage au gaz à la pompe à chaleur), explicite-t-il. « Au 1er février, le gaz sera même moins taxé que l’électricité, c’est totalement incohérent avec les objectifs climatiques », dénonce-t-il encore.
« Il faut rappeler que c’est un choix politique : ce sont les taxes, sur lesquelles le gouvernement a la main, qui vont augmenter et faire monter les prix », souligne auprès du HuffPost celui qui est également responsable énergie au sein du think tank Terra Nova. Il plaide aussi pour que « l’investissement dans la transition énergétique ne pèse pas uniquement sur les consommateurs », assurant que « sinon, ça ne marchera pas. »
Cette augmentation du prix de l’électricité est d’autant plus problématique qu’elle n’est pas liée à des « tensions conjoncturelles », mais bien à une volonté de Bercy de faire des économies (six milliards d’euros de recettes environ en 2024) en augmentant les taxes sur le long terme, abonde de son côté Boris Solier, enseignant-chercheur en économie, dans les colonnes de l’hebdomadaire Le Point. « Cela pose des questions sur la transition énergétique que l’on souhaite conduire (...) à un moment où on cherche à tourner les ménages vers les véhicules électriques ou les pompes à chaleur », estime-t-il.
Les ménages les plus écolos pénalisés
Autre « incohérence » soulignée par Nicolas Goldberg : ce sont les clients qui ont souscrit à l’option « Tempo » d’EDF, la plus économe et favorable pour le climat, qui vont voir leur facture augmenter le plus. En effet, le ministre de l’Économie Bruno le Maire a promis que pour « 97 % des ménages français, l’augmentation sera sous les 10 % ». Les 3 % restant, ce sont justement les abonnés « Tempo », qui subiront désormais une hausse de 10,1 % sur leur facture mensuelle d’électricité.
Ces quelque 400 000 abonnés « Tempo » bénéficient d’un tarif avantageux 343 jours par an, mais pendant 22 jours chaque hiver, lorsque la demande électrique est la plus importante, le prix du mégawattheure est beaucoup plus élevé pour eux.
« Ces tarifs horosaisonnalisés sont une excellente idée, car ils incitent les ménages à consommer moins lorsque le réseau électrique est le plus en tension, et donc quand d’autres moyens de production (centrales à gaz, charbon…) sont utilisés » pour subvenir aux besoins énergétiques. Pour lui, ce sont à l’inverse « ces tarifs d’avenir qui auraient dû bénéficier d’un coup de pouce fiscal ».
Taxer les énergies fossiles en priorité
Si taxer l’électricité n’est donc pas une bonne idée pour de nombreux experts, les solutions miracles pour réussir une transition énergétique n’existent pas. Reste que taxer les énergies fossiles serait déjà une première étape, estime Nicolas Goldberg. Le spécialiste évoque notamment la fiscalité environnementale, dont la « taxe carbone », très décriée pendant le mouvement des gilets jaunes, mais plébiscitée par beaucoup d’économistes.
Le Conseil d’analyse économique (CAE) a ainsi estimé dans un rapport en 2019 que rendre les émissions de carbone coûteuses est le « meilleur instrument » de lutte contre le réchauffement climatique « en termes de balance coût-efficacité ». Avec une condition pour que le dispositif soit juste : la mise en place d’aides pour soutenir les ménages les plus pauvres.
Nicolas Goldberg pointe enfin d’autres leviers actionnables par le gouvernement si celui-ci souhaite réellement une transition plus équitable, à l’image d’« un malus sur les véhicules lourds », une « taxe sur les jets privés » ou encore toute autre taxe sur les produits polluants qui permettraient de financer la transition énergétique.
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