Pourquoi la France ne reconnaît pas l'État palestinien ?

La Norvège, l'Espagne et l'Irlande viennent de reconnaître l'État palestinien, imitant ainsi plus de 140 pays à travers le monde.

Emmanuel Macron et le président palestinien Mahmoud Abbas le 24 octobre 2023 . (Photo by Christophe Ena / POOL / AFP)
Emmanuel Macron et le président palestinien Mahmoud Abbas le 24 octobre 2023 . (Photo by Christophe Ena / POOL / AFP)

Il ne reste plus qu'une quarantaine de pays à travers le monde qui ne reconnaissent pas officiellement l'État palestinien. Parmi eux, les États-Unis, le Canada, le Japon, l'Australie et une large majorité des pays de l'Union européenne dont la France.

Une position qui aurait pu être amenée à évoluer après la décision de trois pays du Vieux continent, l'Espagne, l'Irlande et la Norvège, de reconnaître officiellement l'État palestinien. Mais pour la France, si une telle décision n'est "pas un tabou", ce n'est pas le bon moment, a réagi Stéphane Séjourné, chef de la diplomatie française.

Pour le ministre des Affaires étrangères, "ce n'est pas le bon moment"

Paris estime en effet que les conditions ne sont pas réunies "à ce jour pour que cette décision ait un impact réel" sur le processus visant la solution à deux États, a réagi mercredi le chef de la diplomatie française auprès de l’Agence France Presse.

"Cette décision doit être utile, c’est-à-dire permettre une avancée décisive sur le plan politique", a souligné Stéphane Séjourné dans une déclaration écrite. "Dans cette perspective, elle doit intervenir au bon moment pour qu’il y ait un avant et un après", a-t-il ajouté, rappelant au passage l'issue souhaitée par la France : "il ne s’agit pas seulement d’une question symbolique ou d’un enjeu de positionnement politique, mais d’un outil diplomatique au service de la solution à deux États vivant côte à côte, en paix et en sécurité".

L'ancien ministre des Affaires étrangères estime qu'il faudrait reconnaître l'État palestinien

Pourtant, son prédécesseur Jean-Yves Le Drian prône pour la reconnaissance par la France de l'État palestinien.

Sur Sud radio en avril, il estimait qu'"à titre personnel, je pense qu'il faudrait le faire (...) Il faut poser des actes de ce type pour avancer en Israël", a-t-il ajouté, soulignant qu'on "ne peut pas continuer comme cela". "Il faut maintenant que les Israéliens sortent de leur isolement parce qu'ils vont se mettre au ban de l'ensemble de la communauté internationale, ce qui n'est pas le but recherché", selon Jean-Yves Le Drian.

Les arguments de l'exécutif actuel pour ne pas reconnaître l'État palestinien sont dans la droite ligne de la politique étrangère française de ces dernières années. En décembre 2017, alors que les États-Unis venaient de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, le chef de l'État tient une conférence de presse avec le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas.

En 2017, Macron voulait attendre le "moment opportun"

"Les Américains sont marginalisés, j'essaye de ne pas faire de même", explique Emmanuel Macron, ajoutant qu'il n'allait pas reconnaître unilatéralement la Palestine car il "ne croit pas" que ce serait "efficace". Emmanuel Macron précise que la France reconnaîtra l'État de Palestine "au moment opportun" et pas sous la pression. Des arguments qui n'ont pas évolué six ans et demi plus tard.

Avant lui, François Hollande s'était engagé, durant sa campagne en 2012 à "soutenir la reconnaissance internationale de l’État palestinien". En mars 2017, le président Hollande est destinataire d'une lettre de 154 parlementaires. "Une reconnaissance unilatérale de l’État palestinien par la France n’aurait pas aujourd’hui l’effet d’entraînement souhaité sur nos partenaires", répond le président d'alors à leur souhait que la France reconnaisse l'État palestinien.

En 2014, Fabius affirmait que la France reconnaîtrait la Palestine comme Etat "le moment venu"

Fin 2014, une résolution invitant le gouvernement à reconnaître l’État de Palestine arrive à l'Assemblée, portée par des députés socialistes. La résolution est votée par l'Assemblée puis le Sénat, mais le gouvernement ne donne pas suite.

Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères assure à l'Assemblée que la France reconnaîtrait la Palestine comme État "le moment venu", ajoutant que cette décision devait être "utile à la paix" et non pas seulement "symbolique".

"Il faudra bien, à un moment, reconnaître l'État palestinien", lançait Fabius en 2014

Quelques mois plus tôt, en août 2014, lors de la Conférence des ambassadeurs, Laurent Fabius, alors ministres des Affaires étrangères, lançait : "Il faudra bien, à un moment, reconnaître l'État palestinien", rappelle TF1 Info. Dix ans après, le moment ne semble toujours pas venu pour les différents exécutifs qui se sont succédé.

Toutefois, la situation semble évoluer. Pendant longtemps, la ligne des grands pays européens a consisté à ne pas accorder de reconnaissance de l'État de Palestine avant la conclusion d'un accord de paix définitif entre l'Autorité palestinienne et Israël.

Une situation qui évolue

En mai dernier, la France a voté en faveur du projet de résolution présenté par l’Algérie proposant l’admission de la Palestine aux Nations unies, ce qui serait un premier pas. "Cette admission doit permettre la reprise d’un processus décisif et irréversible pour mettre en œuvre la solution des deux États et le renforcement de l’Autorité palestinienne dans les Territoires Palestiniens, à Gaza comme en Cisjordanie", expliquait la France pour justifier son vote.

Une résolution adoptée à 143 voix pour, neuf contre dont les États-Unis et Israël, et vingt-cinq abstentions (notamment le Canada et le Royaume-Uni). Un veto des États-Unis a mis un terme aux espoirs de faire entrer la Palestine aux Nations unies.