Pourquoi Emmanuel Macron a choisi de commémorer le bicentenaire de la mort de Napoléon

Le président français Emmanuel Macron à Paris, le 23 mars 2021 - Ludovic MARIN © 2019 AFP
Le président français Emmanuel Macron à Paris, le 23 mars 2021 - Ludovic MARIN © 2019 AFP

Emmanuel Macron commémore ce mercredi le bicentenaire de la mort de Napoléon. Le chef de l'État doit prononcer un discours à l'Institut de France avant de se rendre aux Invalides pour déposer une gerbe au pied du tombeau de l'ancien empereur.

Napoléon Bonaparte est mort à 51 ans, le 5 mai 1821, sur l'île de Sainte-Hélène. Il y avait été envoyé en exil par les Britanniques après sa défaite à la bataille de Waterloo. Et cet anniversaire ravive les controverses autour de la figure napoléonienne.

L'Élysée a fait savoir, selon l'Agence France-Presse (AFP), que le propos d'Emmanuel Macron viserait à "regarder en face" cet "être complexe" qu'était Napoléon, sans verser "ni dans l'hagiographie, ni dans le déni, ni dans la repentance".

Si des pans de l'héritage de Napoléon sont encore usités aujourd'hui, avec notamment le Code civil, l'examen du baccalauréat, la Banque de France ou le Conseil d'État, il est également celui qui a décidé de rétablir l'esclavage en 1802, trois ans après le coup d'État du 18 brumaire qui l'a mené au pouvoir en 1799, alors qu'il avait été aboli une première fois en 1794.

Figure contestée

Personnalité "contestée depuis toujours", rappelle l'Institut de France, Napoléon est célébré par ses défenseurs comme un stratège militaire, qui a posé les jalons de "l'État moderne". A contrario, il est accusé d'avoir provoqué des centaines de milliers de morts lors des campagnes militaires et pointé pour avoir été à l'origine du rétablissement de l'esclavage.

Ce clivage s'observe encore aujourd'hui. Au micro de BFMTV, Dimitri Casali, historien auteur de Napoléon, dans l'intimité d'un règne, assure que l'empereur déchu avait "cédé devant la pression des lobbies économiques des armateurs nantais et bordelais" quant au rétablissement de l'esclavage.

Il décrit Napoléon comme un "petit immigré qui est arrivé en France à l'âge de 10 ans sans parler un traître mot de français" et qui va "devenir le fondateur de la France moderne".

Une vue qu'est loin de partager Louis-Georges Tin, universitaire et président d'honneur du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran):

"Il a accédé au pouvoir par un coup d'État, mettant un terme à la République. Il y a aussi des crimes de guerre en Europe, de l'Espagne à la Russie", fustige-t-il au micro de BFMTV.

Il bat également en brèche les arguments qu'évoquent certains concernant le rétablissement de l'esclavage. "Sauf à considérer qu'un crime contre l'humanité est un détail de l'Histoire, je ne vois pas comment on peut malgré tout passer cela comme une sorte d'ombre. Ce n'est pas une ombre, c'est un crime. Voilà pourquoi on ne peut pas le célébrer. En revanche, on doit bien sûr l'enseigner", fait valoir Louis-Georges Tin.

Commémorer sans célébrer

En 1969, Georges Pompidou avait célébré le bicentenaire de la naissance du Premier consul "à vie" qui s'était auto-couronné empereur, depuis Ajaccio, sa ville natale, dans laquelle il était né en 1769 un an après que la Corse soit devenue française.

"Il n'est pas de nom plus glorieux que celui de Napoléon. Parti de rien, démuni de tout, il a tout obtenu", avait salué Georges Pompidou à cette occasion.

Une prise de position dont ses successeurs à la tête de l'État se sont tenus à distance.

Emmanuel Macron "ne se dérobe pas" en osant marquer cet anniversaire, a affirmé l'Élysée à l'AFP. Le Château indique également qu'Emmanuel Macron soulignera dans son discours que "l'esclavage était une abomination, y compris dans le contexte de l'époque".

Une condamnation particulièrement attendue en Guadeloupe, Martinique et à La Réunion, où de nombreux habitants sont descendants d'esclaves.

"Nul victime ne peut célébrer son bourreau, à moins d'être aliéné et fou à lier", affirment le Comité International des Peuples Noirs, le FKNG, et le Mouvement International pour les Réparations (MIR) qui dénoncent, dans un communiqué, des hommages à un "raciste liberticide".

L'Élysée a fait savoir qu'Emmanuel Macron présidera le 10 mai une cérémonie à l'occasion de la Journée nationale des mémoires de l'esclavage.

Article original publié sur BFMTV.com