Pourquoi "Anatomie d'une chute" a toutes ses chances aux Oscars après son triomphe aux Golden Globes

Une Palme d'or, des critiques élogieuses, un succès populaire... Sur le papier, Anatomie d'une chute avait toutes ses chances pour représenter la France à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Et pourtant, la commission du CNC, composée de sept professionnels de l'industrie du cinéma, lui a préféré en septembre dernier La Passion de Dodin Bouffant, une romance historique entre deux gastronomes.

Quatre mois après ce camouflet, qui a suscité l'indignation d'une partie du cinéma français, Anatomie d'une chute est en train de devenir l'un des favoris des Oscars 2024. Le film de Justine Triet, qui raconte le procès d'une écrivaine accusée du meurtre de son mari et dissèque la dégringolade de leur couple, pourrait bien tenir sa revanche en décrochant le 23 janvier prochain plusieurs nominations aux Oscars.

Si Anatomie d'une chute ne peut plus concourir à l'Oscar du meilleur film en langue étrangère, il devrait en toute logique s'imposer dans les mêmes catégories qu'aux Golden Globes: meilleur film, meilleur scénario original, meilleure actrice. Cette cérémonie, souvent un bon indicateur des Oscars, a déjà été témoin de leur triomphe.

Triomphe aux Golden Globes

Ce dimanche 7 janvier, à Los Angeles, Anatomie d'une chute a en effet décroché deux prix aux Golden Globes dont celui du meilleur scénario original (partagé avec son coscénariste Arthur Harari) et du ... meilleur film en langue étrangère. Un double succès qui risque de susciter des regrets en France.

Ce parcours rappelle celui, l'année dernière, du film allemand À l'ouest rien de nouveau, qui s'était imposé après son triomphe aux BAFTA dans la course aux Oscars. Cette nouvelle adaptation du roman d'Erich Maria Remarque avait fini par remporter quatre statuettes dont l'Oscar du meilleur film étranger.

La semaine dernière, les César britanniques ont annoncé qu'Anatomie d'une chute était ainsi éligible dans sept catégories: meilleur film, meilleur film non-anglophone, meilleure réalisation, meilleur scénario original, meilleure actrice dans un rôle principal, meilleur casting et meilleur montage (les nominations seront dévoilées le 18 janvier). De quoi consolider le statut du film de Justine Triet dans cette campagne aux Oscars.

Des votants plus variés

Il n'est pas rare de voir des films internationaux s'imposer aux Oscars. Les triomphes de La Vie est belle de Roberto Benigni (3 Oscars en 1998 dont meilleur acteur), The Artist de Michel Hazanavicius (5 Oscars en 2012 dont meilleur film) ou encore de Parasite de Bong Joon-ho (4 Oscars en 2019 dont meilleur réalisateur) le prouvent bien.

Pour qu'un film soit éligible aux Oscars, pas besoin d'être tourné en anglais ou d'être de nationalité américaine. Il suffit d'avoir bénéficié d'une sortie dans une salle à Los Angeles au cours de la période déterminée par l'Académie des Oscars. Et surtout que le film soit soutenu par une coûteuse campagne marketing.

Au cours des précédentes années, l'académie des votants aux Oscars a également beaucoup évolué, accueillant de nombreuses personnalités étrangères. De la France à la Corée en passant par le Mexique, le profil des votants s'est davantage diversifié, offrant ainsi plus de chance à des films comme Anatomie d'une chute de se distinguer.

Pour les fans de "true crimes"

Sorti aux États-Unis en octobre dernier, Anatomie d'une chute y a rencontré un joli succès. Disponible dans un premier temps dans seulement cinq salles, le film a séduit plus de 380.000 spectateurs. Un succès obtenu grâce au distributeur américain Neon, déjà architecte du succès de Parasite.

Neon a surfé sur la passion du public américain pour les "true crimes", ces "histoires criminelles vraies" qui suscitent de multiples interprétations. Comme le film de Justine Triet qui laisse planer l'ambiguïté autour de son personnage principal. "A-t-elle tué son mari?" indique ainsi en lettres majuscules un panneau d'affichage américain.

Ce buzz américain est porté aussi par le succès international d'Anatomie d'une chute. En Espagne, le film a séduit plus de 80.000 spectateurs lors de ses dix premiers jours d'exploitation. En tout, plus de 1,4 million de spectateurs étrangers ont découvert le film. Un score supérieur à celui du box-office français, à 1,3 million de spectateurs.

Le casting séduit

Depuis sa présentation à Cannes, Anatomie d'une chute a obtenu pas moins d'une trentaine de prix dans les festivals internationaux tout en s'imposant dans les cercles de discussions cinéphiles américains sur les réseaux sociaux grâce à son casting.

Sandra Hüller, dont la prestation dans Anatomie d'une chute a été unanimement saluée, est aussi portée par son interprétation dans La Zone d'intérêt, qui a reçu le Grand Prix de Cannes l'année dernière. Un doublé qui lui permet de s'imposer comme la favorite à l'Oscar de la meilleure actrice avec Emma Stone dans Pauvres créatures.

Si Messi, le border collie du film, avait impressionné les premiers spectateurs cannois en mai 2023, c'est désormais Antoine Reinartz, l'odieux avocat général, qui charme le public des votants. "C'était tellement une petite brute. J'avais envie de le gifler", s'est exclamée Emily Blunt en décembre dans une table ronde du Los Angeles Times.

L'aura outre-Atlantique d'Anatomie d'une chute doit aussi beaucoup à Swann Arlaud. L'acteur français, qui incarne l'avocat de la défense, est devenu un sex-symbol inattendu sur les réseaux sociaux auprès des cinéphiles américains. Depuis sa mise en ligne mi-octobre, un montage réalisé par un fan, une "fancam", a dépassé le million de vues, inspirant au passage des milliers d'internautes à voir le film.

Un succès qui fait dire à l'internaute Wendell alias @RhodeToLove sur X (ex-Twitter): "Je crois personnellement que cette 'fancam' de ce magnifique avocat va apporter de nombreuses nominations à Anatomie d'une chute." Verdict dans quelques semaines.

Article original publié sur BFMTV.com