Pour déloger des combattants, Ryad choisit de raser le coeur d'une ville chiite

L'offensive des forces saoudiennes contre des combattants chiites dans l'est de l'Arabie saoudite a dévasté le centre d'Aouamiya et contraint des milliers d'habitants à fuir la ville. /Photo prise le 9 août 2017/REUTERS/Faisal Al Nasser

par Katie Paul AOUAMIYA, Arabie saoudite (Reuters) - L'offensive des forces saoudiennes contre des combattants chiites dans l'est de l'Arabie saoudite a dévasté le centre d'Aouamiya et contraint des milliers d'habitants à fuir la ville. Aouamiya est une localité d'environ 30.000 habitants et un haut lieu de la contestation de la minorité chiite contre les autorités du royaume wahhabite. Les forces saoudiennes s'efforcent depuis le mois de mai d'en déloger les combattants qui depuis des années lancent régulièrement des attaques contre la police. Lors d'une visite organisée par les autorités, des journalistes ont été mercredi les premiers témoins extérieurs de cette bataille. Escortés par des forces spéciales à bord de véhicules blindés, ils ont pu constater que la vieille ville d'Aouamiya avait été transformée en zone guerre, même si aucun combat n'a éclaté durant cette visite. Des véhicules rouillés et à moitié aplatis y reposent à côté de maisons éventrées aux murs criblés de centaines d'impacts de balles. Des portraits grossièrement photocopiés de "martyrs", dont l'un semble avoir à peine 16 ans, sont placardés sur les lampadaires et les murs des bâtiments qui tiennent encore debout. "La terre mêlée au sang des martyrs est suffisamment arrosée par la lumière de Dieu pour vaincre les puissants", proclame un graffiti dans une rue jonchée de débris. Les combats se sont intensifiés ce mois-ci avec l'entrée en action de forces d'élite venues en renfort d'une opération destinée à raser la vieille ville, baptisée Al Moussaouara, pour empêcher les combattants de fuir via ses ruelles étroites. Aucun bilan officiel des combats n'a été publié. Des habitants disent que neuf civils ont été tués dans la semaine écoulée et ils estiment que jusqu'à 20.000 personnes ont fui ou ont été évacuées vers des localités voisines. Un représentant du ministère de l'Intérieur affirme que, en dehors de la présence de "terroristes", la vieille ville est vide depuis six mois. Il ajoute que les forces de sécurité ont toutefois dû attendre le départ des familles vivant dans les quartiers voisins pour pouvoir lancer l'assaut final. Durant la visite, une dizaine de bulldozers s'activaient pour détruire des bâtiments et dégager les ruines provoquées par les combats. A la place d'Al Moussaouara, les autorités promettent de construire un quartier agréable fait de boutiques, de bureaux, d'espaces verts et de fontaines. (Nicolas Delame pour le service français)