En Polynésie française, les indépendantistes battent Édouard Fritch, mais...

L’indépendantiste Moetai Brotherson, qui devrait être élu président à la mi-mai, a déclaré qu’un référendum d’autodétermination n’est pas prévu avant une dizaine d’années.

POLYNÉSIE - Un premier pas vers l’autonomie, vraiment ? Les indépendantistes ont remporté ce dimanche 30 avril les élections territoriales en Polynésie française, une victoire qui leur garantit les rênes de la collectivité du Pacifique Sud pendant cinq ans et ouvre la voie à un éventuel référendum d’autodétermination.

La liste du parti Tavini huiraatira dirigée par l’ex-président du gouvernement Oscar Temaru a obtenu 44,3 % des voix au second tour et, grâce au mode de scrutin, une majorité absolue de 38 des 57 sièges de l’Assemblée territoriale de Papeete, selon les résultats provisoires du Haut-commissariat.

Elle a devancé celle du président sortant autonomiste Édouard Fritch, créditée de 38,5% des suffrages (16 sièges), et celle de l’ancien vice-président autonomiste Nuihau Laurey (17,1% des voix et 3 sièges), selon ces résultats.

Moetai Brotherson : « Nous n’allons pas être indépendants demain »

Cette victoire place le camp indépendantiste en position de force face à l’État français pour négocier un référendum d’autodétermination de ce territoire, grand comme l’Europe, de cinq archipels éloignés de 17 000 km de Paris.

La tête de file du parti Tavini, Oscar Temaru, âgé de 78 ans, s’est peu exprimé pendant la campagne, laissant la place à Moetai Brotherson, un indépendantiste modéré qu’il a désigné comme son successeur.

À entendre le député Moetai Brotherson, qui siège à l’Assemblée dans les rangs de la NUPES et devrait être élu président de la Polynésie française à la mi-mai, l’indépendance, ce n’est pas pour tout de suite. Un référendum d’autodétermination est prévu « dans dix à quinze ans », a-t-il assuré lors de la campagne.

Malgré les appels du pied de membres de son parti souhaitant couper les ponts le plus rapidement possible avec la France, le candidat à la présidence du territoire de Paris, a tempéré pendant toute la campagne la ligne dure prêtée à son parti.

« Nous n’allons pas être indépendants demain ni la semaine prochaine », a encore assuré Moetai Brotherson après sa victoire sur la chaîne de télévision TNTV. « Je n’ai aucun problème à travailler avec l’État et ça ne va pas changer demain », a poursuivi l’élu, figure de l’aile modérée de son parti. « On veut bâtir ce pays avec tous ceux qui l’aiment », a ajouté le gendre d’Oscar Temaru.

Le gouvernement « prend acte »

« Les Polynésiens ont voté pour le changement. Le gouvernement prend acte de ce choix démocratique », a réagi ce lundi 1er mai le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin sur Twitter. « Nous travaillerons avec la majorité nouvellement élue avec engagement et rigueur, pour continuer d’améliorer le quotidien de nos concitoyens polynésiens ». La France a toujours refusé d’organiser un référendum d’autodétermination dans cette collectivité ultramarine.

C’est la première fois que les indépendantistes disposent d’une majorité solide à la tête de la Polynésie. Renversés au gré des alliances et des ruptures entre 2004 et 2013, ils n’ont jamais conservé le pouvoir pendant un mandat complet. Depuis l’autonomie interne de 1984, les autonomistes ont en effet exercé le pouvoir de manière quasi continue en dehors de ces neuf années d’instabilité.

Le président sortant Édouard Fritch, 71 ans, en poste depuis neuf ans, était déjà ministre dans le gouvernement de 1984. Après avoir raflé les trois sièges de députés attribués à la Polynésie lors des législatives de 2022, les indépendantistes ont bénéficié dimanche d’une grande partie des reports de voix des partis éliminés au premier tour du scrutin le 16 avril, qui ont tous fait campagne contre le président sortant.

« Nous ressentons une déception car les Polynésiens sont majoritairement autonomistes alors que l’image de la future assemblée sera indépendantiste. Nous l’acceptons », a réagi devant la presse Édouard Fritch après sa défaite. « Notre pays est autonome et nous nous battrons pour qu’il reste ainsi au sein de la République », a-t-il ajouté, « l’indépendance, ce n’est pas l’avenir de ce pays ».

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